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"Toujours aussi excitant". Héros du dernier Everest des Mers, Jean Le Cam se prépare à Port-La-Forêt (Finistère) à partir à l'assaut de son 6e Vendée Globe, un record et un nouveau défi physique pour ce marin de 64 ans à la gouaille légendaire.
"On est à 24 noeuds (44 km/h) sans s'énerver là, c'est pas mal du tout", se réjouit le Quimpérois, ses boucles brunes et sa tenue complètement trempées par les embruns, lors d'une sortie technique, lundi, à quelques milles de l'archipel des Glénan.
Pour son monocoque de 18 mètres (Tout commence en Finistère - Armor Lux), ce n'est que la 2e virée en mer après un important chantier d'hiver, marqué par un renforcement du fond de coque et l'ajout d'un ballast à l'avant pour mieux dompter les océans.
Sous les nuages, un vent soutenu pousse le voilier à vive allure vers le sud. De l'eau salée s'engouffre régulièrement dans le cockpit semi-fermé du navire, douchant son équipage, qui profite des conditions musclées pour tester de nouvelles voiles.
"Comme d'habitude, c'est un parcours du combattant: il a fallu trouver des sous pour le chantier, effectuer les modifications et se préparer aux courses de qualification cette année, ce qui n'arrange rien", grogne Le Cam, barre en mains.
- Pas de passe-droit -
Car, malgré sa notoriété, ses trois victoires sur l'éprouvante Solitaire du Figaro et ses nombreux exploits, le "Roi Jean" n'a pas obtenu de passe-droit pour le prochain Vendée Globe, qui débutera le 10 novembre.
Comme ses futurs concurrents, il devra être au départ de l'une des deux transatlantiques en solitaire de l'année -la Transat CIC début mai ou la New-York-Vendée début juin - pour valider son ticket pour les Sables-d'Olonne.
Des règles de qualification que Le Cam, célèbre pour son franc-parler, ne manque pas de critiquer: "avec ce système, je n’aurais pu participer à aucun de mes Vendée, on a plus aucune marge au niveau du calendrier et cela met tous les coureurs sous pression".
Après une bonne heure de portant (allure de vent arrivant par l'arrière du voilier), le bateau, conçu sans foil "pour des raisons de budget et de simplicité", commence à remonter au près (allure de vent arrivant par l'avant). La gîte devient plus forte et les chocs se multiplient, mais le skipper continue ses vérifications sans broncher.
Un pas ferme le mène sans encombre à l'étrave du navire. Il revient puis ses mains calleuses s'activent sur les manivelles de la colonne centrale pour régler une nouvelle voile. Son regard perçant, lui, reste quasiment toujours fixé sur la houle agitée.
- "Convivialité" -
"Physiquement, je me sens bien et je n'ai pas d'inquiétude particulière. C'est toujours une récompense de pouvoir ressortir en mer après des semaines de chantier et j'aborde le prochain Vendée comme d'habitude: sans savoir ce qui va se passer".
Les aléas de son sport avaient fait de lui le héros de la dernière édition. Après le sauvetage en mer spectaculaire de son concurrent Kevin Escoffier, il avait terminé sur le podium, malgré une côte cassée et un bateau ancien et défoncé.
Surnommé affectueusement Hubert, son ancien voilier a été vendu à la jeune navigatrice Violette Dorange et été remplacé par Virgile, un scow (monocoque à nez rond réputé pour sa fiabilité), dessiné par l'architecte naval David Raison et construit en Italie.
Un après la séparation, "Hubert ne me manque pas, on a déjà assez d'emmerdes comme ça pour optimiser un bateau", glisse Le Cam entre deux manoeuvres, peu avant de s'amarrer à quai.
"Cela va de plus en plus vite, ça tape de plus en plus, mais j'ai essayé de garder une forme de convivialité à bord: la notion de plaisir à la navigation reste importante pour moi, sinon je n'aurais pas pu continuer aussi longtemps", ajoute-t-il.
Et malgré le déficit technologique accumulé sur les plus gros budgets de la flotte, il estime qu'il a encore ses chances de briller. "Bien malin celui capable de dire qui va gagner le Vendée Globe. Ce couillon-là, je ne le connais pas", assure-t-il.