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Oubliés les rendez-vous manqués, l'ultime page de l'histoire contrariée entre Thibaut Pinot et le Tour de France s'est tournée sur une communion totale entre l'enfant sauvage de Mélisey et ses adorateurs dans le Petit Ballon samedi.
Pour la dernière véritable étape avant le défilé dimanche vers les Champs-Elysées, en forme de jubilé sur ses routes d'entrainement, le futur retraité Thibaut Pinot a fendu seul en tête la foule en furie à deux kilomètres du sommet du Petit Ballon, avant-dernière ascension du jour.
Bienvenue dans l'auto-proclamé "Virage Pinot", les fidèles du Franc-Comtois, qui le nomment "l'Idole", ont planté leur tente tard vendredi soir dans ce no man's land alsacien à l'air teinté de rouge par les fumigènes.
- Stade de foot à ciel ouvert -
Mégaphone dans une main, fusée éclairante dans l'autre, son ami de toujours Arthur Vichot, double champion de France (2013 et 2016) et retiré du peloton depuis 2020, joue les capos ultra. Les chants à la gloire du troisième du Tour de France 2014 fusent, alternant entre les "Chalala lala la, Thibaut Pinot" et les "Olélé, olala, qui ne saute pas n'est pour Thibaut".
Une atmosphère de stade de foot à ciel ouvert enveloppe le col vosgien. Une procession parée de banderoles et de drapeaux flanqués de la tête du Franc-Comtois a serpenté samedi matin sur le bitume bariolé de "virage Pinot".
Un univers familier pour ce supporter du PSG, habitué du virage Auteuil au Parc des Princes tout en vivant retranché le reste du temps dans son fief de Mélisey en Haute-Saône. Le village dont son père est maire, celui où il a grandi et qu'il n'a pas quitté, distant d'à peine trente kilomètres du départ réel de cette 20e étape. Thibaut Pinot y élève une colonie d'animaux, chèvres, vaches et ânes, qu'il choie entre deux parties de pêche.
"J'ai le coeur très serré et beaucoup de frissons d'être ici, a livré le coureur de Groupama-FDJ sur l'estrade du départ à Belfort samedi. Il y a beaucoup de public. Ça va être une journée particulière pour moi."
- Marc Madiot englouti par l'émotion -
Thibaut Pinot n'était pas le seul au palpitant troublé samedi. Son manager Marc Madiot, bouleversé au pied du car de l'équipe Groupama-FDJ à Belfort, n'a pu aligner plus de deux mots.
"Il y a de l'émotion avant ces dernières ascensions de Thibaut Pinot dans le Tour ?
- Sans doute", s'est étranglé le Mayennais quand les trémolos ont laissé place à un torrent de larmes.
"Pas un grand champion mais un bon coureur", comme il se définit lui-même, Thibaut Pinot est homme de contradiction. Figure aux accents romantiques, à l'image de son abandon du Tour 2019 qu'il était en position de remporter, le grimpeur de 33 ans a tatoué sur le biceps droit "Solo la vittoria è bella." Animal farouche qui ne rêve que de vivre caché en Haute-Saône, le vainqueur du Tour de Lombardie 2018 charrie une ferveur qui lui échappe.
"Les gens aiment les émotions qu'on leur transmet à la télé. Je suis un coureur qui en donne, sans le vouloir", analysait-il pour l'AFP l'an passé. A fleur de peau, Thibaut Pinot sanglote, râle aussi, à l'image de son coup de gueule à Courchevel, contre l'encombrement des véhicules ou le mur final de l'altiport.
Pour son dernier Tour de France avant sa retraite à l'automne, le destin ou les organisateurs lui ont offert un bonbon vosgien.
"Ma première victoire dans le Tour de France était sur une étape qui commençait à Belfort, a-t-il rappelé au départ samedi en référence à sa victoire à Porrentruy en 2012. Aujourd'hui devrait être ma dernière étape de montagne sur le Tour, nous verrons ce que le destin nous réserve".