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Michel Lecomte revient sur sa carrière et sur le rapprochement entre sport et business: "Seul l'argent compte"

Le foot et le sport, il connaît. Ca a été sa spécialité pendant 40 ans. Le journaliste sportif, Michel Lecomte, raconte ses meilleurs souvenirs dans son livre intitulé "Mes arrêts sur image." Il était l'invité d'Alix Battard dans le RTL Info.

Il aura fallu attendre sa retraite après 40 ans de carrière pour accueillir Michel Lecomte sur le plateau du RTL Info. Bonjour Michel Lecomte.

Michel Lecomte: Bonjour Alix. Merci de m’accueillir.

A.B.: C’est un plaisir de vous recevoir pour ce livre publié chez Kennes Edition intitulé « Mes arrêts sur image ». Vous avez été journaliste pendant 40 ans pour le service public. Ce livre est un peu un condensé de vos meilleurs souvenirs. Vous dîtes que la question qu’on vous a le plus posé au cours de votre carrière, c’est: "Alors Michel Lecomte, Anderlecht ou le Standard?"

M.L.: C’est vrai, c’est celle qu’on m’a le plus posé. Quand j’étais gamin, dans mon Condroz natal, j’étais plutôt supporter du Standard. Après, quand on prend la fonction que j’ai prise et qu’on évolue dans le milieu dans lequel j’ai évolué, on prend évidemment beaucoup de distance. Parfois même, qui aime bien châtie bien. Vous connaissez l’adage.  

A.B.: Vous avez été plus dur avec votre club préféré?

M.L.: Parfois, ça m’est arrivé, ou en tout cas plus exigeant. Peut-être que ça rejaillissait dans les questions. Puis, il y a eu un boycott de la RTBF par le Standard pendant 18 mois…

A.B.: Que vous avez mal vécu?

M.L.: Que j’ai assez mal vécu avec toute l’équipe, parce que toute l’équipe la vivait mal. Quand on sait l’importance du Standard pour nos médias, c’était assez délicat. Quand on a ça, ça aide à mettre les pendules à l’heure et à mettre la bonne distance par rapport aux rouges et aux mauves. N’oublions pas les carolos qui sont aussi importants.

A.B.: Maintenant que vous êtes retraité, vous pouvez un peu plus laisser transparaître vos préférences. On va jouer tous les deux. Si vous devez choisir un entraîneur, vous êtes plutôt Marc Wilmots ou Roberto Martinez?

M.L.: Plutôt Marc Wilmots parce que je l’ai connu davantage. Nous avons eu, avec les médias, davantage accès à ce qu’il était vraiment. Dans sa communication, il ne mettait pas tellement de réserve. Ici, Martinez, par rapport à notre métier, je ne juge pas les entraîneurs, je juge par rapport à nous, est beaucoup plus consensuel.

A.B.: Et comme entraîneur, comment vous le jugez?

M.L.: Comme entraîneur, on jugera les résultats. C’est le palmarès. Le palmarès de Martinez me semble quand même plus positif. Wilmots a échoué à deux étapes où on se disait tellement que ça allait passer.

A.B.: Et vous préférez les Diables de 86 ou ceux de 2020?

M.L.: C’est vraiment une très bonne question. Je dirai ceux de 86 parce que ce sont mes débuts. C’est un premier projet, on se lance dans une nouvelle forme de télévision autour de ces Diables qui sont inattendus, et parce qu’ils sont inattendus, nous réjouissent davantage. Ceux de 2020 étaient plus attendus.

A.B.: Justine Henin ou Kim Clijsters?

M.L.: Justine Henin!

A.B.: Elle signe la préface de votre livre. Vous êtes vraiment proche d’elle.

M.L.: Oui, on est assez proche, mais j’ai appris à la découvrir. On n’était pas loin, originaire de la même région, elle est de Rochefort, je suis de la région d’Havelange, tout près de Ciney. Donc les familles, vous savez, ça se recoupe toujours à un moment donné. Le tennis est l’autre sport à côté du foot qui me passionne le plus. Le tennis peut me rendre dingue, avec les changements de situation dans un même match. Justine nous a donné à vivre ces moments-là. Derrière ça, il y avait sa fragilité derrière un discours qui était parfois très convenu, toujours préparé, toujours maîtrisé. Et cette fragilité, on la décode. Depuis sa retraite, j’ai davantage accès à ce qu’elle est.

A.B.: Comme présentateur: Christine Schréder ou Anne Ruwet?

M.L.: (Rires) Deux grands talents. Et franchement, Anne est passée chez nous. Elle a fait son stage, et je le dis dans le bouquin: "Est-ce que j’ai laissé passer cette opportunité?"

A.B.: Elle est avec nous.

M.L.: En effet, et elle fait ça très bien. En tout cas, ça met en valeur, avec Christine et avec Anne, le foot sur les antennes belges.

A.B.: Michel Lecomte, pourquoi ce livre ? C’est assez rare qu’un journaliste belge se raconte. On sent dans ce livre une légitime fierté d’avoir exercé ce métier, c’est pour ça?

M.L.: Oui certainement, mais parce que en quarante ans, il s’est passé tellement de choses. Vous êtes au début de votre carrière, il y a encore tellement d’années qui vous attendent. Quand vous ferez le point à la fin de celle-ci, vous direz: "Mais qu’est-ce que j’ai vécu? Là où je suis passé?" Et moi, dans le service public, j’ai commencé en radio dans un centre régional, ça n’a rien à voir avec la fin.

A.B.: Oui, on découvre dans le livre qu’au début, vous n’étiez pas destiné à faire du journalisme sportif.

M.L.: Pas du tout. J’avais fait un mémoire sur les mères célibataires. Vous vous rendez compte que je n’étais pas du tout orienté vers le sport. Il faut quand même préciser que le journalisme sportif, c’est du journalisme. Une fois pour toute ! Parfois, il y a un peu de condescendance de certains.

A.B.: Du snobisme? Vous avez ressenti ça?

M.L.: Je l’ai ressenti, et c’est de moins en moins le cas aujourd’hui. On sait l’éclectisme dans la diversité des tâches qu’il remplit du journaliste sportif… Ce vécu-là dans ces différentes phases, dans la façon dont les sportifs ont évolué par rapport à la communication, dont on a eu de moins en moins accès à eux, ce qu’il a fallu mettre en mouvement pour aller les chercher, pour répondre aux attentes des publics. Ça mérite d’être raconté. Mais je le fais par différentes entrées. Ce sont un peu les coulisses d’une scène qui avec le sport, sont très illuminées.

A.B.: Vous avez, en 40 ans, tout vécu. Notamment le drame du Heysel le 29 mai 1985. Vous étiez au stade du Heysel, mais durant l’après-midi, vous n’y étiez pas durant la soirée. Vous expliquez dans le livre que la rédaction du journal télévisé vous a un peu reproché de ne pas avoir senti ce qui allait se produire.

M.L.: C’est vrai. C’est une discussion que j’ai fait aboutir avec Jean-Jacques Jespers qui était présentateur à l’époque. Dans un écran, il y avait mon reportage, plutôt une confraternité retrouvée entre les supporters.

A.B.: Donc à l’opposé de ce qui allait se passer?

M.L.: A l’opposé ! Et c’était les familles qui étaient au stade pendant qu’à la Grand Place, on n’avait pas les moyens qu’on a aujourd’hui, c’était déjà la bagarre entre les Anglais et les Italiens. C’est vrai qu’au moment où je faisais le commentaire de ces images-là, la bagarre commençait et on sait à quoi ça a abouti, 39 morts. Ce décalage-là a fait que les éditeurs et les présentateurs du JT se sont posés des questions.

A.B.: Mais ça reste un des événements les plus marquants de votre carrière?

M.L.: Oui parce qu’on n’oublie pas ces images.

A.B.: Dans ce livre vous racontez les coulisses de nos métiers. Le sport à la télévision, ça coûte très cher. Vous racontez les négociations de contrat. Vous n’avez jamais été dégouté du business qui entoure le sport aujourd’hui?

M.L.: Ce que j’ai mis un peu de temps à comprendre dans ma naïveté qui sera sans doute restée une de mes caractéristiques, c’est que seul l’argent compte. Vous pouvez être à côté pour mettre en avant le produit et le faire vivre, pour mettre une autre valeur. Seul l’argent compte. Il faut se rendre à cette évidence-là. Puis après, il faut bosser. Ça c’est un côté qui m’a passionné.

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