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Roland-Garros: Léolia Jeanjean à la recherche du temps perdu

On lui promettait les étoiles, puis tout s'est arrêté. Plus de dix ans après avoir quitté le haut niveau, Léolia Jeanjean a décroché jeudi à 26 ans son billet pour le 3e tour de Roland-Garros, le premier tournoi du Grand Chelem de sa carrière.

"Je n'aurai jamais pu imaginer ça": après sa victoire (6-2, 6-2) face à la Tchèque Karolina Pliskova, 8e mondiale, la Française a du mal à réaliser. "Je pensais être éliminée au premier tour en deux sets, et voilà que je viens de battre une des dix meilleures joueuses mondiales, c'est juste totalement fou !".

Revenue sur le circuit professionnel fin 2020, Jeanjean qui pointe à la 227e place mondiale, est la joueuse la moins bien classée à battre une membre du top 10 féminin à Roland-Garros depuis Conchita Martinez, alors débutante sur le circuit, en 1988.

C'était bien avant la naissance de Jeanjean, qui a vu le jour à Montpellier en 1995. Débutant le tennis à l'âge de six ans, la petite fille est rapidement présentée comme un des grands espoirs du tennis français, au point d'être qualifiée de "Mozart du tennis", tout comme son compatriote Richard Gasquet.

Mais à 14 ans, son genou la lâche. Triple luxation de la rotule, un an de rééducation, puis une rechute.

La belle histoire s'arrête brutalement. Les sponsors, la fédération française de tennis, tout ceux qui la portaient aux nues, sont soudain aux abonnés absents.

- "Ne rien regretter" -

Ses parents lui conseillent de se concentrer sur ses études. Après avoir décroché son bac par correspondance, Jeanjean part donc aux Etats-Unis. Elle y décroche une "licence de sociologie, une licence de justice criminelle et un Master en finances investissement de patrimoine. Beaucoup de choses qui n'ont rien à voir entre elles, mais c'est comme ma vie: ça part un peu dans tous les sens", en sourit-elle aujourd'hui. Sans toutefois oublier les moments plus sombres.

"Ca a été vraiment dur, j'ai eu des périodes vraiment pas évidentes où je pensais que je ne rejouerai jamais plus au tennis", se rappelle Jeanjean. "Il m'a quand même fallu du temps pour passer au dessus de tout ça et de me servir de ça comme une force pour revenir".

Car le tennis, Léolia ne l'a jamais réellement oublié. Aux Etats-Unis, elle participe à quelques rencontres universitaires, et une fois ses études terminées, elle se dit: "relance-toi sur le circuit, tant mieux si ça marche, sinon ce n'est pas trop grave, au moins j'aurais fait comme j'ai voulu le faire".

Le retour est loin d'être simple. Au début "ça a été assez dur physiquement de tenir la cadence, d'enchaîner les matches, etc. (...) Mais j'avais envie de revenir pour ne rien regretter", explique-t-elle.

- "C'est qui cette fille?" -

Elle repart donc de zéro ou presque, sans personne pour l'aider. "Je vivais du RSA (Revenu de solidarité active) et de l'APL (Aide personnalisée au logement). (...) Je mettais tout l'argent que j'avais dans un tournoi d'une semaine et si ça se passait bien, ça me payait une semaine de plus, si ça se passait mal, je ne jouais pas pendant deux mois parce que c'était impossible financièrement", se rappelait Jeanjean récemment.

Mais sur le circuit ITF (deuxième division du tennis), les sensations reviennent, les résultats aussi. Des demi-finales, des finales et puis un titre en avril, quasiment un mois avant le début de Roland-Garros. Ce bon début de saison (27 victoires pour neuf défaites) lui vaut de recevoir une invitation dans le Grand Chelem parisien. Tout comme en 2009 et 2010, où elle avait été conviée à disputer le tournoi juniors.

Retour à la case départ, 12 ans après ? Pas tout à fait. Car sortie chaque fois au premier tour dans ses jeunes années, Jeanjean ne veut cette fois pas laisser passer sa chance.

Etre revenue de nulle part, c'est aujourd'hui sa force. "Les joueuses du circuit doivent se dire: +Mais c'est qui cette fille ?+ Elles n'ont aucune idée de qui je suis, de comment je joue. Alors que moi j'ai eu le temps d'apprendre à les connaître, c'est un avantage".

La suite ? Jeanjean ne préfère ne pas y penser. "Je vis le moment, je ne suis pas dans l'euphorie, je savoure. (...) Enfin, je suis là où j'ai toujours eu envie d'être depuis toute petite".

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