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Tennis: le président de la FFT Bernard Giudicelli, revers et changements de veste

Élu l'an passé à la tête de la Fédération française de tennis pour lui insuffler "la culture de la gagne", le président Bernard Giudicelli joue gros mercredi à Bastia dans une affaire de favoritisme qui a décrédibilisé son image de réformateur, tout comme ses volte-faces sur la Coupe Davis.

Le tribunal correctionnel de Bastia dira s'il est coupable ou non dans ce dossier qui concerne la construction d'un centre de tennis à Lucciana, commune de 3.800 habitants, lorsqu'il était président de la ligue corse. Son erreur présumée ? Avoir limité la parution de l'appel d'offres pour ce marché de 2,8 millions d'euros au site web de la ligue au lieu de l'insérer aussi dans un journal professionnel.

Le parquet a requis six mois de prison avec sursis à l'encontre de cet ancien joueur amateur, de niveau modeste (classé 30/2), qui juge le réquisitoire "injuste". "C'est le procès du bénévolat", estime le patron de la FFT, tombé amoureux de la petite balle jaune à 21 ans devant la finale de Roland-Garros 1979 opposant Björn Borg à Victor Pecci.

Ce fils et petit-fils de pêcheurs, âgé de 60 ans, a gravi patiemment les échelons jusqu'au sommet du tennis français et veut éviter un nouveau revers judiciaire après une première condamnation, pour diffamation.

Il a écopé de 10.000 euros d'amende après ses attaques envers Gilles Moretton, un ex-joueur français, ami de longue date de Yannick Noah, qu'il avait accusé d'alimenter "le réseau des concierges qui se procuraient des billets (de Roland-Garros) et les revendaient dix fois le prix".

- "Culture de la gagne" -

Les révélations sur ce commerce illicite, qui vise principalement l'ex-président Jean Gachassin et d'anciens tennismen français, avaient pollué la campagne pour la présidence de la deuxième plus puissante fédération sportive de France (1 million de licenciés, derrière le foot, 2,16 millions).

Le nom de Giudicelli était apparu dans cette enquête - en cours - du parquet national financier, comme celui de son principal rival lors du scrutin, l'ex-vice-président Jean-Pierre Dartevelle. Tous deux sont soupçonnés d'avoir noué un "pacte du silence" afin d'amnistier en interne les faits présumés.

C'est dans ce contexte, en février 2017, que Giudicelli, présent dans les arcanes de la FFT depuis vingt-cinq ans, en a pris les commandes. Son ambition ? "Passer d'une génération qui espère des titres à une génération qui soulève des titres."

Ses commentaires sur le manque de "grinta" des Français lors du dernier Roland-Garros avaient créé des remous. Sa volonté d'annoncer lui-même - lors d'un Facebook live - que Maria Sharapova, de retour d'une suspension pour dopage, ne bénéficierait pas d'une wild-card (invitation), avait surpris. N'était-ce pas de la compétence du directeur du tournoi Guy Forget ?

Dartevelle, aujourd'hui dans l'opposition, déplore son "excès d'interventionnisme" et son "autoritarisme". "C'est un grand bosseur, quelqu'un qui fourmille d'idées mais qui a du mal à comprendre que l'on ne réponde pas rapidement à des mails ou des SMS envoyés à 5h du matin", confie un ex-salarié de la FFT.

- "Virage à 180 degrés" -

En recrutant l'été dernier l'ex-porte-parole du ministère de l'Intérieur Pierre-Henry Brandet, pour gérer la communication, le président a accepté non sans mal de déléguer un peu. Et le 10e Saladier d'argent décroché par les Bleus, en novembre, a apporté une bouffée d'oxygène à une Fédération en mal de titres majeurs.

Mais aujourd'hui, Giudicelli, qui est aussi responsable du comité Coupe Davis à la Fédération internationale, doit gérer un épineux dossier, celui de la réforme de la vénérable compétition.

L'organiser en une semaine en fin d'année et dans un seul endroit, c'est "vouloir sa mort", estiment bon nombre de joueurs français et leur capitaine Noah. Pas leur président qui a changé d'avis après s'être pourtant opposé à un projet de finale sur terrain neutre.

"Sur plein d'autres sujets, il a déjà opéré des virages à 180 degrés. C'est un opportuniste, qui a quatre ou cinq coups d'avance", estime Dartevelle.

Stephan Post, l'un de ses vice-présidents, préfère parler de "pragmatisme intelligent". Il n'y a pas d'autre alternative, selon lui, pour sauver la Coupe Davis, en perte de prestige.

"C'est assez dur de connaître ses motivations. Y a-t-il un calcul politique derrière ?", s'interroge l'avocat Alexis Gramblat, l'un de ses autres grands détracteurs.

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