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Affaire Froome: cas exceptionnel ou défaite de l'antidopage ?

Comment le cycliste britannique Chris Froome (Sky) a pu être blanchi en dépit de son contrôle anormal au salbutamol sur le dernier Tour d'Espagne en septembre? Son cas a obéi à des règles spécifiques, mais il risque de laisser des traces dans la lutte antidopage.

- UN TEMPO CATASTROPHIQUE -

"Tout ça pour ça!" Le directeur du Tour de France Christian Prudhomme a résumé dès lundi le sentiment général. La décision de l'Union cycliste internationale (UCI) est tombée neuf mois après le contrôle anormal de Chris Froome sur le Tour d'Espagne, mais à cinq jours seulement du départ du Tour de France. L'UCI a annoncé la fin des poursuites in extremis, alors qu'on venait d'apprendre que l'organisateur de l'épreuve, A.S.O., voulait interdire au tenant du titre de s'aligner sur la grande boucle en raison de la procédure en cours. "Ca peut paraître bizarre", a reconnu le président de l'UCI, David Lappartient, mais il a mis en avant la complexité de la procédure -- "il a fallu des batteries d'experts pour analyser les arguments" -- et le droit de Chris Froome à une procédure équitable. "Entre le moment où" le coureur "a rendu ses conclusions finales le 4 juin et le moment où on a rendu notre décision le 2 juillet", "l'UCI n'a pas traîné", a-t-il assuré.

- LE SALBUTAMOL, UN PRODUIT SPECIFIQUE -

Cet anti-asthmatique -- le composant de la ventoline -- n'est pas un produit prohibé comme les autres. En compétition, il est interdit par voie générale pour ses effets stimulants et anabolisants, mais permis par voie inhalée jusqu'à certaines doses pour soigner l'asthme, répandu chez les cyclistes. L'Agence mondiale antidopage (AMA) autorise des prises jusqu'à 800 mg toutes les 12 h ou 1600 toutes les 24 h. Mais c'est à partir d'un certain seuil dans l'échantillon d'urine, 1000 ng/ml -- 1200 pour qu'une procédure soit ouverte -- qu'elle considère qu'il ne s'agit plus d'une présence normale. "Ce n'est pas aussi simple qu'un stéroïde ou que de l'EPO", résume le secrétaire général de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Mathieu Teoran.

- UNE EXCEPTION QUI INTERPELLE -

Pourquoi le quadruple vainqueur du Tour a été blanchi par l'UCI, alors qu'il présentait 2000 ng/ml de salbutamol, soit deux fois le seuil autorisé, dans ses urines lors de la 18e étape de la Vuelta, le 7 septembre ? "Les avocats de Froome ont attaqué la règle elle-même", pense un expert de la lutte antidopage, qui ne veut pas être cité. Autrement dit, "ils ont récolté tout ce qu'ils trouvaient dans la littérature scientifique pour avancer que Froome pouvait présenter cette concentration tout en restant dans une prise autorisée", décrypte la même source auprès de l'AFP.

Chaleur, déshydratation, niveau d'inflammation des poumons, hausse subite dans la prise du produit, interaction avec d'autres médicaments ou aliments sont autant de variables qui peuvent être mis en avant pour expliquer comment un produit peut évoluer dans l'organisme, selon les spécialistes interrogés. "La règle de l'AMA manquait de solidité scientifique. Ils se sont retrouvés face à une situation inextricable et ont dû capituler", ajoute l'expert qui veut rester anonyme. "Il fallait tenir compte de tous les éléments spécifiques du cas", relativise le directeur scientifique de l'AMA, Olivier Rabin. "Ce n'est pas la première fois qu'on rencontre ce genre de situation", assure-t-il à l'AFP.

Problème, cela profite à Chris Froome et à l'équipe Sky, déjà dans le viseur pour avoir flirté dans le passé avec les limites, notamment sur les autorisations d'usage thérapeutique (AUT) et les corticoïdes. "Ce dossier est passionnel (...) chacun se croit juge (...) tout le monde attendait une décision de culpabilité", a souligné David Lappartient.

- CASSE-TETE A L'HORIZON -

La règle pour le salbutamol est-elle à revoir ? "Evidemment, les prochains vont demander +pourquoi on a considéré que Froome était un cas particulier et pas moi+, tout le monde va s'engouffrer dans la brèche", imagine un acteur de la lutte antidopage, qui ne veut pas être cité. Un scenario pour l'instant balayé par Olivier Rabin. "Il n'y a pas de raison de remettre en cause le seuil. Il a été défini il y a très longtemps et depuis, nous avons fait un certain nombre d'études (...) qui ont confirmé que ce seuil était adéquat", juge-t-il.

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