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Caravaniers du Tour de France, "l'esprit de famille" contre la fatigue

C'est leur rendez-vous du mois de juillet: chaque été, plus de 600 passionnés se retrouvent sur le Tour de France pour faire vivre la caravane publicitaire de la Grande Boucle, un "défi" physique, logistique et humain que ces caravaniers ne manqueraient pour rien au monde.

Dans la "vraie vie", comme ils l'appellent, ils sont kinés, profs, étudiants, retraités, comédiens. Sur le Tour, le temps d'un mois de juillet bloqué depuis longtemps dans leur agenda, ils deviennent chauffeurs, mécaniciens, animateurs, distributeurs dans l'un des véhicules - voitures décorées ou "chars" aménagés - sillonnant le parcours une à deux heures avant le peloton. Embauchés par l'une des 31 marques partenaires de l'épreuve, ils ont la lourde tâche de faire de la caravane du Tour un moment festif et sécurisé.

Chaque jour, dès l'aube, il faut nettoyer, réparer, réapprovisionner. Emprunter la route du Tour, satisfaire un public avide de cadeaux pendant parfois plus de six heures. Garder le sourire en toute circonstance, sous tous les temps. Tenter, enfin, de trouver du repos le soir après un transfert souvent long.

"On a des routes compliquées, du monde sur le bord, de la tension, du stress", liste Jean-Pierre Dupraz, le "régulateur caravane", placé chaque jour à l'avant du cortège. Sans parler des "insultes, des gens rageux, des virulents", reprend Lison, installée dans une des 2CV à carreaux rouges et blancs de Cochonou.

- "Bain d'adolescence" -

Cette caravanière de 32 ans pose malgré tout un peu plus de trois semaines de congés pour faire partie de l'aventure chaque année. "Mes proches ne comprennent pas. Je ne peux pas leur expliquer, il faut le vivre pour le comprendre", reprend cette kiné de métier. Au volant, Damien, 14 Tours de France, confirme: "On est dans une bulle pendant un mois".

Malgré la fatigue, beaucoup apprécient l'idée de participer à cette immense machine logistique. "C'est un grand défi d'organisation pour que ça roule. Mais quand chacun sait ce qu'il a à faire, c'est top", justifie John, un prof d'EPS de 42 ans, "chef caravane" de Leclerc.

"Ici, je n'ai pas le temps de vieillir", poursuit Gérard, chargé dans cet immense cortège de conduire l'un des "chars" du partenaire "café" de la Grande Boucle, Senseo. A 74 ans, cet ancien pilote de rallye, doyen de la caravane, considère son job comme "du vrai pilotage" malgré son expérience. "Entre le gamin remuant et la personne âgée un peu sourde, il faut être réactif", plaisante-t-il.

L'aîné semble en pleine forme malgré le vent glaçant le village de Saint-Flour en cette fraîche matinée, à quelques minutes d'embarquer pour la 10e étape. "Le Tour, c'est mon bain d'adolescence", lance-t-il, conscient qu'il "pourrait être le grand-père" de pas mal de ses collègues.

- "Richesse" -

A l'autre bout du parking, Corentin, 50 ans de moins que Gérard, a justement l'allure du petit-fils idéal. "Cet esprit de famille, c'est notre carburant", estime de sa voix enrouée cet animateur du char Cofidis, à peine diplômé du cours Florent et comédien en devenir.

"L'esprit de famille", il s'est aussi construit au fil des malheurs. L'incendie du char Skoda en 2008, et surtout la mort d'un garçon de 7 ans, renversé par un véhicule de la caravane, en 2002, restent en mémoire. "C'est la particularité du job, on peut passer du sourire aux larmes en une fraction de seconde", affirme Jean-Pierre Dupraz.

Bien accrochée par un harnais au char Leclerc, c'est bien une majorité de sourires que reçoit Marine, comédienne 11 mois par an, animatrice sur la caravane le mois restant. "Les gens que je côtoie ici sont tous tellement différents, je ne les rencontrerais jamais ailleurs", explique cette mère de deux enfants.

"Ici, il y a toutes les tranches d'âge, tous les horizons, toutes les classes sociales, tous les métiers, tous les départements. C'est d'une richesse...", poursuit Damien de chez Cochonou. "Chaque année, je me dis +J'arrête+ car c'est trop de contraintes. Mais je reviens. Je ne peux pas imaginer les autres repartir sans moi."

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