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Tour de France: Alaphilippe, chassez le naturel...

Julian Alaphilippe pourra-t-il un jour viser la victoire finale sur le Tour de France ? Le Français, peu calculateur par nature, ne l'exclut pas, mais privilégie pour le moment l'audace et le coup d'éclat à la patience du coureur de grand tour, par peur de se disperser.

Certains fans se surprennent à en rêver, le principal concerné se charge des les ramener sur terre. "Il ne faut pas mélanger le fait de porter le maillot jaune pendant une semaine et celui de l'enfiler sur les Champs-Élysées", assure l'actuel leader du classement général, insistant sur le fait qu'il a "dépensé beaucoup d'énergie" dans sa folle première moitié de Tour, et que "le plus dur est à venir".

C'est au prix de gros efforts que Julian Alaphilippe devance le tenant du titre, Geraint Thomas (Ineos), de 72 secondes après dix étapes. Il s'est montré omniprésent à l'avant, bien avant le début des hauts sommets, s'usant pendant que le Gallois ne se découvrait lui que dans les derniers hectomètres de la Planche des Belles Filles, première ascension majeure, jeudi dernier.

"Il n'y a pas beaucoup de vainqueurs potentiels qui s'amusent à rouler à bloc (en tête de peloton) ou qui s'arrêtent pisser à de mauvais moments", se justifie le Français, conscient que sa gestion actuelle de la course l'empêche d'avoir de réelles ambitions au général.

- "Courir au millimètre", très peu pour lui -

C'est aussi une question de caractère. Fougueux, audacieux, peu adepte du calcul, Alaphilippe sait qu'il n'a pas le tempérament réfléchi d'un Froome ou d'un Thomas. "Rester dans les cinq premiers du peloton pendant 220 kilomètres (pour ne pas se faire piéger), ce n'est pas ce que j'aime faire. Ce serait très difficile pour moi de courir au millimètre pendant trois semaines".

Ce qu'il aime faire ? C'est... gagner. "Mon caractère, il est tel que je suis fait pour cela. Je ne pourrais pas me contenter de secondes places", a-t-il martelé après sa prise de pouvoir. Or, jouer le classement général, c'est accepter d'être patient, risquer aussi de terminer un grand tour battu, et sans victoire d'étape.

"Il n'a pas vraiment le caractère pour gagner le Tour", estime Bernard Thévenet, double vainqueur de l'épreuve en 1975 et 1977. "S'il veut y parvenir, il faudra qu'il s'assagisse. Mais en devenant plus sage, il sera forcément moins fort. C'est un garçon qui court sur son caractère, un peu en +chien fou+, et il fonctionne parfaitement comme ça."

- Changer sa nature -

À 27 ans, le Français pourrait toutefois prochainement être confronté à ce dilemme. "Les résultats, cela donne faim aussi, on en veut toujours plus", disait-il avant le Tour. Il a gagné deux étapes et ramené le maillot à pois à Paris en 2018, il a récidivé sur une étape cette année en y ajoutant le port du maillot jaune. La marche supérieure, ne serait-ce pas le classement général ?

"Certainement. Peut-être à un moment donné", ose Alaphilippe, détenteur de onze succès cette saison dont Milan-San Remo, son premier "monument" du cyclisme. "Mais j'ai d'abord envie de découvrir les classiques flandriennes, pourquoi pas le Tour des Flandres dès l'année prochaine", prévient-il, lui qui a signé pour deux ans de plus avec l'équipe Deceuninck.

La formation belge, qui privilégie aussi les victoires d'étape et les courses d'un jour, ne semble d'ailleurs pas être l'endroit idéal pour changer sa nature. Mais c'est bien là qu'Alaphilippe a décidé de rester, malgré plusieurs propositions émanant d'ailleurs.

Ineos, l'équipe de Chris Froome et de Geraint Thomas, n'avait d'ailleurs pas caché avoir été intéressée, par la voix de son directeur sportif Nicolas Portal en début de Tour.

"S'il décide un jour de se spécialiser dans les courses à étapes, beaucoup de choses vont changer, mais beaucoup de choses vont aussi s'améliorer chez lui", glisse le technicien français. "Les qualités, il les a. La question, c'est: +Aimera-t-il ce genre de marathon ?+ Viser le général, cela implique des efforts tellement difficiles. Il ne faut pas courir contre nature quand on n'en a pas envie."

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