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Tour de France: le contre-la-montre par équipes, un "mal français" ?

"On ne le travaille pas assez". Le constat est partagé par une grande majorité de coureurs et de techniciens: l'épreuve du contre-la-montre par équipes, technique, rare, mais au programme du Tour de France dimanche, n'a jamais convenu aux équipes françaises, une carence "culturelle" qu'elles tentent de réduire.

"Cette saison, je n'en ai pas fait un seul", pose Alexis Gougeard, l'un des "rouleurs" de l'équipe AG2R La Mondiale censé aider son leader Romain Bardet dans cet exercice. "Je travaille beaucoup le chrono tout seul à la maison, mais en équipe, on a tendance à le laisser de côté. On va le travailler une ou deux fois en stage en hiver, mais ensuite on n'en fait plus".

L'ancien pistard ne tire pas la sonnette d'alarme mais s'inquiète d'une situation assez dommageable pour une équipe visant le podium au classement général. L'an dernier, sur le chrono par équipes de la 3e étape, la formation de Bardet, 12e, avait concédé plus d'une minute aux Chris Froome, Egan Bernal et Geraint Thomas, dont l'équipe Sky avait pris la 2e place. Du temps précieux.

"On va perdre du temps, on le sait. L'objectif, c'est d'éviter d'en perdre beaucoup", assène Julien Jurdie, le directeur sportif de l'équipe, alors que se profile un chrono par équipes de 27,6 km autour de Bruxelles dimanche. Pour le technicien toutefois, ce serait se voiler la face que d'espérer rivaliser avec les grosses écuries. "La différence, elle se fait avec les hommes. On n'a pas de grand spécialiste du chrono, donc on ne va pas y passer des journées entières pour espérer gagner trois secondes sur 25 km".

- "Une culture" -

"Le chrono de toute façon, ce n'est pas dans les jours d'avant ou les semaines d'avant que vous allez le travailler", renchérit Frédéric Grappe, directeur de la performance chez Groupama-FDJ. "C'est un travail de longue haleine, une culture dans une équipe".

Selon lui, la formation de Thibaut Pinot, qui dispose d'un peu plus d'arguments en la matière que sa compatriote AG2R, a mis "dix ans" pour parvenir à construire des bases solides sur l'exercice. N'hésitant pas d'ailleurs à aller chercher l'expérience à l'étranger, en faisant signer des spécialistes, comme le champion de Suisse de la discipline Stefan Küng.

En arrivant, l'Helvète a été satisfait par "le niveau technique", notamment matériel de l'équipe. "Mais au-delà de la technique, il a surtout fallu qu'on se mette à penser comme une équipe, qu'on reste soudés. C'est cet esprit que j'ai voulu apporter", explique-t-il, convaincu de pouvoir viser le top 5 dimanche.

- "Tout leur apprendre" -

Las ! Depuis le Giro 2006, aucune formation française n'a terminé dans les cinq premières d'un contre-la-montre par équipes de Grand Tour. Que blâmer ? La formation, avancent plusieurs techniciens.

"Aujourd'hui, on a des coureurs qui arrivent chez les pros, ils n'ont jamais fait de chrono, encore moins par équipes", peste Jean-Luc Jonrond, directeur sportif chez Cofidis. "C'est peut-être un mal français", prolonge son collègue Alain Deloeuil. "Il faut tout leur apprendre", confirme Frédéric Grappe. "Or, cet exercice, si vous ne le travaillez pas jeune, c'est très difficile de progresser".

Consciente de ses lacunes, la Fédération française tente de prendre les choses en main. "On veut rendre le contre-la-montre plus attractif", détaille le Directeur technique national Christophe Manin. Mesures mises en place en 2019: des possibilités de subvention via la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) pour tout club souhaitant organiser une épreuve contre-la-montre, ou encore la présence obligatoire d'un contre-la-montre par équipes en Coupe de France des départements chez les cadets.

"Nous avons plusieurs leviers, mais c'est encore en chantier", avoue Christophe Manin. En attendant, dimanche soir après l'étape, un autre chantier pourrait attendre Pinot ou Bardet: rattraper les secondes perdues.

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