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Droit du travail: le gouvernement veut donner plus de liberté aux entreprises

La loi Rebsamen à peine promulguée, Manuel Valls veut "aller plus loin" dans la réforme du marché du travail en donnant plus de poids aux accords d'entreprise par rapport à la loi: un chamboulement activement soutenu par le Medef qui met déjà en alerte les syndicats CGT et FO.

Assouplir le droit du travail est le sujet de la rentrée et sans nul doute, après le chômage, le dossier le plus sensible du prochain ministre du Travail: le Medef veut que le "problème" soit réglé "d'ici à Noël", le Premier ministre a promis mardi que ce sera l'un de ses prochains "grands chantiers".

Ce sujet pourrait être au menu de la conférence sociale prévue les 19 et 20 octobre.

Manuel Valls veut "laisser plus de liberté aux entreprises et aux salariés pour prendre les décisions les mieux adaptées pour eux" et simplifier "une réglementation du travail devenue trop complexe".

Avant de passer aux actes, il attend en septembre "des propositions ambitieuses" de la commission pilotée par l'ancien directeur du Travail Jean-Denis Combrexelle.

Sa mission: réfléchir aux moyens d'"élargir la place" de l'accord collectif (d'entreprise, de branche) dans le droit du travail.

Ce groupe n'est pas le seul à plancher sur le sujet.

Deux études paraîtront aussi en septembre: l'une du libéral Institut Montaigne sur "l'avenir de la négociation sociale" et l'autre du groupe de réflexion de gauche Terra Nova, signée de l'économiste Gilbert Cette et de l'avocat Jacques Barthélémy.

La seconde étude préconise de permettre aux entreprises, par accords, de déroger "largement" au code du Travail, sans toucher à ses "grands principes fondamentaux" et dans le respect du droit européen et des conventions internationales. Concernant le contrat de travail, seuls le salaire horaire et le niveau hiérarchique seraient sanctuarisés.

Le patron du Medef Pierre Gattaz milite, sur tous les sujets, pour des accords d'entreprise "prioritaires" sur la loi.

Actuellement, les possibilités de déroger se limitent au temps de travail et aux accords de maintien de l'emploi, qui permettent des baisses de rémunération limitées dans le temps dans les entreprises en difficulté.

- 'Faux débat' et 'vrai sujet' -

Le débat sur la lourdeur de la réglementation du travail, un serpent de mer, avait été relancé en juin par le livre "Le travail et la loi", co-écrit par l'ancien garde des Sceaux Robert Badinter et le professeur Antoine Lyon-Caen, qui retiennent 50 principes fondamentaux pour encadrer le contrat de travail.

Une voie qui mènerait à "une instabilité juridique absolue", estime M. Cette. Car selon lui, réduire le code à des principes trop généraux amènerait un lot de "contentieux".

Le sujet fait aussi débat chez les partenaires sociaux.

La CFDT ne rejette pas a priori une évolution. Mais pour son numéro un Laurent Berger, l'épaisseur du code du travail est un "faux débat". Pour lui, "le vrai sujet", c'est "le dialogue social", vecteur de "progrès social" et de "compétitivité" dans l'entreprise.

Force ouvrière et la CGT rejettent, elles, en bloc toute "déréglementation".

"Ce qu'on nous propose, c'est que chaque entreprise ait son code du travail", ce qui aboutirait à des "inégalités sociales" entre salariés "en fonction de la présence syndicale" et "du rapport de force" dans l'entreprise, prédit le leader cégétiste Philippe Martinez.

L'idée de pouvoir déroger à la loi par des accords ne fait pas non plus l'unanimité au sein du patronat.

Pour François Asselin, le patron de la CGPME, "c'est le Code du travail qu'il faut avoir le courage de revoir sans quoi la réforme ne bénéficiera qu'aux grandes entreprises". "Renvoyer les règles applicables au seul accord collectif ne résoudra pas le problème pour l'immense majorité des entreprises françaises dans l'incapacité pratique de conclure des accords", en l'absence de représentants des salariés.

Sylvain Niel, du cabinet d'avocat d'affaires Fidal, va plus loin: "II faut avoir des élus d'un meilleur niveau" et "les directions doivent aussi évoluer sur ce point", prévient-il, "sinon, la loi future renverra à des accords d'entreprise impossibles à négocier".

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