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Vin, gastronomie, montres... nous avons entrouvert la porte du made in Belgium: "Le Belge ne se rend pas compte des produits qu'on a" (vidéos)

Thérèse est viticultrice, Alain est chef cuisinier, et Michel horloger. Tous les trois sont des acteurs de ce que l'on pourrait appeler "les produits haut de gamme belges". Depuis plusieurs années, le made in Belgium est devenu une mode, une façon de vivre, de produire, ou encore un slogan publicitaire. Tous les trois surfent sur cet engouement.

Devant une bouteille de vin, en pleine préparation d'un plat gastronomique, ou entre deux réparations de montres, nous les avons rencontrés. Thérèse, Alain et Michel parlent de leurs passions, avec leurs réussites, leurs échecs, mais toujours leur amour pour des produits belges de haute qualité. Des produits qui flirtent parfois avec le luxe. À travers leurs expériences, nous avons entrouvert la porte de ce monde si particulier du luxe "à la Belge". Un univers en évolution, en adaptation...


La Mazelle: un vignoble planté au cœur de la forêt

C'est un petit chemin orné de plantes qui nous mène vers notre première étape: le château de La Mazelle. Quand on l'emprunte, il est difficile de croire qu'il conduit à un vignoble d'un hectare. Le domaine, établi en 1929, est planté au cœur d'une épaisse forêt. Une fois sur place, le son des bouteilles qui s'entrechoquent se fait entendre. Dans le porche d'entrée, bouteilles, bouchons et vin s'associent dans une danse incessante. C'est l'heure de l'embouteillage.

Au total, plus de 3.000 bouteilles vont se gorger de Pinot noir, l'un des deux vins produits à La Mazelle, aux côtés du vin blanc. À quelques mètres de là, derrière le château, Thérèse de Radzitzky veille jalousement sur ses vignes. Elles sont plantées sur un coteau orienté plein Sud, bravant la météo belge. " Pour mûrir, et avoir beaucoup d'arôme et de sucre, le raisin a besoin de soleil et de lumière ", explique Thérèse. " On a moins de soleil que les pays du Sud, mais le raisin capte quand même la lumière. Le plus dérangeant en Belgique, c'est l'humidité ", confie-t-elle, en détachant délicatement les pousses superflues d'une vigne. " C'est le vecteur principal des maladies fongiques, les ennemis jurés de la vigne qui anéantissent les récoltes ", précise-t-elle.
"On devrait dépasser le million de bouteilles produites en Wallonie d'ici 2016 ou 2017" Thérèse et son mari, Henry, ont acheté la propriété en 2006. " Le vignoble était déjà là, et on s'est posé beaucoup de questions, car nous n'étions pas du tout vignerons ", avoue l'avocate. " Mais quand mon frère a vu la vigne, il nous a interdit de l'arracher. On a donc décidé de relever le défi et créer notre propre vin ", explique-t-elle avec un brin de fierté. Pour gérer le vignoble, la famille s'est réparti les tâches. Thérèse s'est spécialisée dans le sol et le soin des végétaux, son fils dans la taille des vignes, et son frère dans la vinification.
La Mazelle ne représente qu'un hectare sur les nonante que compte la Wallonie. Une taille insuffisante pour produire assez de vin et avoir une exploitation rentable. " Nous avons créé une ASBL et des bénévoles nous aident tout au long de l'année ", explique Thérèse. " Grâce à eux, l'association peut générer des bénéfices. Une partie est investie dans l'exploitation, et le reste est distribué à des projets humanitaires et sociaux ", ajoute-t-elle. " Selon nos analyses, il faut au moins six à sept hectares pour avoir une entreprise commerciale rentable, capable de payer des salariés. En-deçà, je ne pense pas que ça soit tenable ", précise-t-elle. D'après le secrétaire de l'Association des vignerons de Wallonie, il faut plutôt entre trois et quatre hectares au minimum. " Avec une personne qui s'occupe de la vigne à temps plein ", précise Henri Larsille, secrétaire de l'ASBL. La production de Pinot noir s'adapte plutôt bien au climat belge. Mais en Wallonie, c'est le vin blanc effervescent qui est la locomotive du marché. Il représente 70% de la production Wallonne, qui s'est élevée au total à environ 750.000 bouteilles en 2015. " Si les conditions météo le permettent, on devrait dépasser le million de bouteilles en Wallonie d'ici 2016 ou 2017 ", confie Henri Larsille. Les bouteilles fraîchement remplies s'accumulent déjà dans les caves de La Mazelle lorsque nous quittons la propriété pour rejoindre notre deuxième étape, le restaurant d'Alain Boschman. Fils et petit-fils de chef cuisinier, il s'est aussi installé au cœur de la Botte du Hainaut. "Beaucoup de petits producteurs belges misent sur les produits de haute qualité" À notre arrivée en fin de matinée, "Le Grand Ryeu" sort de sa torpeur. Un va-et-vient incessant remplit la réserve. Dans les caisses, on trouve des asperges, du fromage de chèvre, du beurre, des fraises... " On ne s'en rend pas toujours compte, mais nous avons un tas de petits producteurs belges qui proposent des produits de grande qualité, on peut en être fier ", confie Alain Boschman. Son regard passionné ne trompe pas, le chef est un amoureux des produits de terroir. " Avec la crise économique, ils sont nombreux à avoir choisi les produits de haute qualité plutôt que la production industrielle ", explique-t-il. Alain a tissé de nombreux liens avec les petits producteurs locaux. Sur une table, on aperçoit d'ailleurs deux bouteilles de La Mazelle, qui attendent patiemment d'être ouvertes. " Il y a de plus en plus de coopératives et de fournisseurs passionnés. Aujourd'hui, c'est plus facile de trouver de bons produits belges, même les grandes surfaces s'y mettent! ", explique le chef avec le sourire. " Après, je ne peux pas exiger d'avoir 20 volailles par semaine, sinon on rentre dans l'industriel, et c'est tout à fait autre chose. Il faut savoir s'adapter et pouvoir varier sa carte ", précise-t-il.
Le goût des affaires Alain Boschman est aussi un homme d'affaires avisé. " Le commerce familial que j'ai repris il y a 26 ans n'aurait plus lieu d'être aujourd'hui ", explique-t-il. Le client a changé. Il ne sort plus tous les week-ends par habitude, mais avant tout pour se faire plaisir. " Le client est plus exigeant, plus attentif, et il demande un rapport qualité-prix très important ", ajoute Alain. " Du coup, on a modifié nos cartes pour proposer des menus plus alléchants. Et puis on a développé notre offre. En plus du restaurant gastronomique, j'ai ouvert deux 'bistronomiques', un hôtel, un service de chef à domicile, et je donne aussi des cours de cuisine ", énumère-t-il. Au final, pour Alain, les produits belges répondent parfaitement à l'exigence des clients, grâce à leur qualité et leur traçabilité. Le coup de feu approche, et il est temps de laisser Alain Boschman à sa passion. Direction Waremme, en province de Liège, où un autre amoureux nous attend. "Démonter et réparer des montres, c'est ce que je fais dans mon atelier" À première vue, la bijouterie-horlogerie de Michel Hardenne ressemble à toutes les autres. Avec ses grandes vitrines aux reflets argent et or. Dans lesquelles montres, bagues et colliers exhibent leur beauté sans pudeur. Pourtant, les lieux abritent un petit atelier comme on n'en voit presque plus, où le temps est encore une affaire d'artisan. " L'horlogerie est une histoire de famille, j'ai tout simplement fait le métier de mon papa ", nous confie Michel. Pour accueillir les clients et les visiteurs, il troque son tablier pour une veste parfaitement coupée. " Les rhabilleurs se font rares. C'est eux qui démontent les montres, décèlent les pannes et les réparent. C'est ce que je fais ici dans mon atelier ", explique-t-il. Le métier d'horloger requiert un savoir-faire très technique, où l'erreur n'est pas admise. Une profession qui s'apprend toujours en Belgique, mais qui se pratique de moins en moins dans les petites boutiques. Notre pays n'a pourtant pas à rougir en matière d'horlogerie. D'après de nombreux experts, ce serait Hubert Sarton, un Liégeois, qui a mis au point le fameux mouvement automatique en 1778. "La belle montre mécanique, et même l'univers belge, reviennent en force" Michel Hardenne se veut malgré tout optimiste quant à l'avenir du métier en Belgique. " Depuis quelques années, on revient beaucoup vers les montres mécaniques. Alors que durant les années 2000, les montres étaient de plus en plus simples et considérées comme un accessoire de mode ", explique-t-il. Pour les passionnés, il ne s'agit pas seulement d'arborer une belle montre au poignet, mais aussi de choisir une belle mécanique. Un mécanisme qui a fait ses preuves ou qui vient d'être inventé. " Il y a des gens qui s'intéressent et qui lisent des magazines d'horlogerie, parfois même en anglais. Ils s'intéressent aux dernières technologies des marques ", explique Michel. " Ça n'a rien à voir avec les montres qui sont juste là pour faire joli ", précise-t-il. Un autre phénomène réjouit Michel Hardenne: l'arrivée de marques belges sur le marché. " Je pense que c'est lié au mouvement qu'on connaît depuis quelques années, d'être fier de notre pays et de nos produits ", explique l'horloger, en déviant le regard vers sa vitrine. Plusieurs montres belges y sont exposées. " Nous avons des produits d'un excellent rapport qualité-prix, il y a Rodania, qui est redevenu Belge et que tout le monde connaît ", explique Michel. " Il y a aussi Pontiac, qui avait disparu et qui revient en force. Nous avons des marques orientées vers les jeunes, comme Ice-Watch et Broken World ", précise-t-il. " Et puis nous avons des marques de luxe, d'un plus haut niveau. C'est le cas de Raidillon, en référence au circuit de Spa-Francorchamps. Là il faut compter plusieurs milliers d'euros. À des prix encore plus élevés, on retrouve Ressence ou encore Lebeau-Courally ", ajoute Michel.
"Le segment le plus stable est celui de la haute horlogerie" Alors que Michel Hardenne nous présente ses plus belles montres, les clients ne cessent d'entrer dans son commerce. Ici, la crise économique semble avoir passé son chemin. " En réalité, j'ai dû faire des choix et me remettre en question ", confie Michel. " Quand on est horloger professionnel, on ne peut pas vendre ce que tout le monde vend. On doit proposer des choses un peu plus exclusives, et surtout des connaissances techniques et un savoir-faire pour réparer les montres mécaniques ", explique-t-il. Le créneau que Michel a choisi semble porter ses fruits. " Oui, il y a toujours des gens prêts à mettre le prix pour un produit haut de gamme. Ils feront des économies et attendront le bon moment, mais ils sont prêts à s'offrir un bel objet, et surtout une belle mécanique ", précise l'horloger. " Je pense que dans notre secteur, le segment le plus stable est celui de la haute horlogerie ", conclut-il. Voyager au coeur du "made in Belgium" serait une longue aventure, parsemée de découvertes improbables et de surprises. Nous n'avons fait que jeter un coup d'oeil sur ce monde en pleine expansion, qui doit s'adapter pour échapper aux menaces de la mondialisation, et se repenser pour profiter de ses opportunités. Cet univers, chacun peut le découvrir. Les produits de qualité belges, que ce soit en matière de bière, de gastronomie, de vin, de mode, ou même de technologie et d'innovation, sont disséminés partout dans nos régions, et parfois plus près qu'on ne pourrait le penser. David Fourmanois

Avec la participation de Maxime Pasture

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