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Tapis rouge, voitures, traiteur,... le Festival de Cannes tente de réduire son impact écologique

Plus de bouteilles en plastique, une "compensation" financière pour les voyages en avion: le Festival de Cannes entend réduire son empreinte carbone, symbole d'une industrie du cinéma habituée au faste et aux paillettes rattrapée par la question environnementale.

De Leonardo Di Caprio à Juliette Binoche, les plus grandes stars internationales ont multiplié ces dernières années films et prises de positions en faveur de l'environnement. Mais le message a parfois du mal à porter, tant le 7e art fait figure de mauvais élève, avec ses tournages à travers les continents et sa débauche de moyens.

Jets VS films sur l'urgence climatique

Avec leurs jets et berlines pour convoyer les stars, leurs montagnes de déchets pour quelques jours de fête, les festivals, qui projettent volontiers des films engagés comme à Cannes ceux de l'ancien président américain Al Gore sur la catastrophe climatique, symbolisent cette contradiction.

"Face à l'urgence", le premier rendez-vous mondial du cinéma assure cette année placer la protection de l'environnement "au coeur de (ses) préoccupations". Une série de mesures ont été prises pour réduire, dans un volume non précisé, les émissions de CO2 et ses déchets et une sélection spéciale de films sur le sujet sera projetée.

La majorité des voitures officielles seront électriques, les transports publics privilégiés ou - plus symbolique - le poids total de tapis rouge utilisé sera réduit de moitié, 950 kg de moins.

Alors que les voyages en avion demeurent le point noir du festival (89% de l'empreinte carbone avec l'hébergement), leur nombre n'est pas réduit mais chaque festivalier a réglé une contribution de 20 euros, que le festival promet de verser à des projets "de compensation fiables et pertinents", choisis par "un comité scientifique d'experts indépendants". "Nous nous efforçons d'être exemplaires", résume à l'AFP le délégué général du festival Thierry Frémaux.

Malgré tout, les organisateurs eux-même reconnaissent qu'organiser un tel évènement mondial est devenu "un défi environnemental", qui ne pourra pas être résolu "instantanément" mais grâce des actions à "moyen et long terme".

"Boulot monstre"

"Il y a un boulot monstre à faire" mais la démarche est "très encourageante", juge auprès de l'AFP le réalisateur et militant Cyril Dion, qui présentera à Cannes son prochain documentaire, "Animal", sur l'effondrement de la biodiversité.

Le festival "lance un signal que tous les autres devront suivre. Les acteurs aussi vont se sentir obligés de se sentir concernés et regarder leur empreinte" écologique, espère-t-il. Et au-delà, "ces mesures témoignent d'un changement d'époque dans le cinéma".

Car d'un bout à l'autre de la planète cinéma, la question est à l'agenda: l'un des volets de Spiderman a été tourné de manière à recycler des tonnes de matériaux, la Berlinale a tissé son tapis rouge en filet de pêche recyclé et en France, certaines aides au secteur devraient être conditionnées à des mesures environnementales à l'horizon 2024.

"La pandémie nous a appris qu'on pouvait faire autrement"

Mais en pleine crise climatique, est-il raisonnable de continuer à réunir en grande pompe équipes de films, producteurs et journalistes du monde entier pour un festival ? "Il y a un vrai changement de mentalité, mais c'est compliqué pour Cannes, qui doit maintenir un certain niveau de festif en tant que premier festival du monde", pointe Carole Scotta, de Haut et Court, l'une des principales productrices et distributrices indépendantes de France, très engagée sur ces questions.

Cannes, Venise, Sundance, Berlin... Les professionnels font chaque année le tour du monde et "ce n'est pas bon pour la planète", d'autant que la pandémie "nous a appris qu'on pouvait faire autrement", en dématérialisant certaines rencontres ou séances, reconnaît-elle.

"Organiser quelque chose, c'est forcément générer une pollution", abonde Guillaume Calop, dirigeant du festival de cinéma des Arcs, dans les Alpes, qui travaille à une charte des festivals internationaux en la matière. Mais il souligne le "pouvoir positif du cinéma: quand 20.000 personnes viennent voir un film, et qu'ils repartent convaincus, c'est déjà ça".

"Une rupture "encourageante" mais insuffisante"

Autant d'arguments qui relèvent d'une certaine "schizophrénie" du milieu, tenté de produire des films "à message" avec des moyens énergivores, selon Simon Valensi, expert à l'organisme spécialisé The Shift Project. Selon lui, les annonces de Cannes marquent une rupture "encourageante" mais insuffisante au regard de la situation. Et le système des grands festivals tel qu'il existe va se heurter à l'épuisement des énergies fossiles et aux obligations de l'accord de Paris.

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