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Au procès de Montigny-lès-Metz, le "chemin de croix" des parents des victimes

Ils ont perdu leur fils il y a 32 ans et vivent leur sixième procès aux assises: les parents des deux enfants tués à Montigny-lès-Metz ont témoigné mercredi au procès en appel de Francis Heaulme, racontant leur "chemin de croix" judiciaire.

Face à trois photos de son fils sur les écrans de la cour d'assises des Yvelines, Chantal Beining se replonge à nouveau dans la journée du 28 septembre 1986.

Elle se rappelle de ce que son fils a pris au goûter ce jour-là -- "du pain de mie" et "du coca" --, de ce qu'il lui a raconté. "Il m'a dit +à tout à l'heure+, j'ai jamais revu mon gosse", dit-elle, utilisant le surnom qu'elle lui donnait: "bibiche".

Elle se rappelle, très émue, de l'inquiétude du père de son enfant en fin de journée, puis du policier qui vient lui annoncer le décès. Elle se rappelle de la une du journal le lendemain, dont elle montre un exemplaire aux jurés: "Deux enfants assassinés à Montigny-lès-Metz".

Depuis, "j'ai fait 1989, 2001, 2002, 2014, 2017", dit-elle, énumérant les dates de tous les procès consacrés à cette affaire. Si les constatations avaient été faites différemment, si les "pièces à convictions" n'avaient pas été détruites... "On aurait pu savoir. Il y a longtemps qu'on ne parlerait plus de l'affaire de Montigny", lance-t-elle.

- "Dernière fois" -

Le procès de Versailles, qui doit s'achever vendredi, se tient à l'issue d'une procédure tortueuse. Un premier homme, Patrick Dils, a été condamné en 1989 pour le meurtre de Cyril Beining et Alexandre Beckrich, 8 ans, tués à coups de pierre sur un talus SNCF près de Metz.

Il a été blanchi en 2002 après 15 ans de prison, à l'issue d'une procédure de révision. Un autre homme, Henri Leclaire, a été soupçonné puis mis hors de cause. Finalement, le tueur en série Francis Heaulme a été renvoyé devant les assises et condamné en première instance avant de faire appel.

Alexandre, qui aurait aujourd'hui 40 ans, était un enfant "assez timide, qui aimait jouer", décrit pudiquement son père à la barre. Serge Beckrich revient sur cette soirée de 1986, la recherche de son fils, les vélos abandonnés sur le talus, dans la nuit de plus en plus noire.

Interrogé sur l'absence de sa femme à l'audience, il répond, d'une voix pleine de colère contenue: "Ca fait 32 ans qu'on est dans les procès. Elle a tout subi", dit-il, évoquant notamment le procès qui a mené à l'acquittement de Patrick Dils. "C'est pour ça que ma femme ne peut plus venir".

Francis Heaulme se lève alors dans le box. "En 2017, on a fait le procès à Metz. J'avais pas l'occasion de vous parler", dit-il en s'adressant au témoin. "Je vous donne ma parole, je n'ai pas touché votre fils Alexandre", poursuit-il. "C'est la dernière fois qu'on se verra M. Beckrich, merci de m'avoir écouté".

- "Combat" -

Si elles ont parcouru le même labyrinthe judiciaire, les deux familles des victimes ne sont pas arrivées aux mêmes conclusions. La famille Beining penche vers un Francis Heaulme coupable, la famille Beckrich, non. Ce qui conduit leur avocat à une plaidoirie rare pour une partie civile dans une cour d'assises.

Les aveux de Patrick Dils, ensuite rétractés, "ont marqué d'une manière définitive l'esprit, le cœur, de la famille Beckrich", plaide Dominique Rondu.

A l'issue de ce "chemin de croix", la famille Beckrich "a le sentiment que c'est impossible d'avoir une certitude sur la culpabilité de Francis Heaulme". "Nous ne voulons pas un coupable de substitution", martèle l'avocat.

En miroir, Me Dominique Boh-Petit, l'avocate de la famille Beining, retrace dans sa plaidoirie le "combat" mené, depuis des années, par Chantal Beining, qui avait fait appel du non-lieu prononcé en 2007 au bénéfice de Francis Heaulme.

"Mme Beining me dit tout à l'heure, +j'espère qu'après j'irais mieux+", dit l'avocate. "Personne ne lui rendra son enfant", mais "oui", elle ira mieux, "parce qu'elle aura mené ce combat et qu'elle l'aura, in extremis, mené à terme".

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