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Il y a seulement un an naissait Interra, une association lancée par 3 amies à Liège pour combler un vide. "Les migrants étaient globalement perçus de manière négative par la population, alors qu'elle ne les connaissait pas, ne les rencontrait jamais. De l'autre, les personnes migrantes, quand elles arrivent, sont souvent très seules et ont énormément de difficultés à se créer un réseau social au sein de la population locale, ce qui freine leur intégration. Car avoir des amis ici, ça aide à l'apprentissage de la langue ou pour trouver un emploi ou un logement", explique Julie Clausse, une des fondatrices d'Interra et chargée de projet.
Des ateliers pour tous donnés par les primo-arrivants
Dès septembre dernier, l'association a créé des espaces de rencontre entre ces deux groupes de personnes, avec pour but premier de favoriser ainsi l'apprentissage du français pour les primo-arrivants, c.à.d. ceux et celles qui sont en Belgique depuis moins de 3 ans. "On s'est dit que tout le monde avait quelque chose à offrir, à apporter aux autres et à la société. Alors on a organisé des ateliers donnés par des primo-arrivants en fonction de leur passion ou de leur métier, puisque beaucoup se heurtent au problème de l'équivalence des diplômes."
© Facebook @InterraCult
Le public était alors composé autant d'autres primo-arrivants que de locaux. "C'était plus ou moins 50/50. En 6 mois, on a organisé 50 ateliers et on a touché environ 500 personnes. On tournait au rythme de 4 ateliers par semaine avant le confinement."
Le confinement arrive, les ateliers disparaissent
Il y avait par exemple l'atelier de sport donné par Youssouf, qui était coach sportif dans son pays natal, ou l'atelier de psychologie créative donné par Patricia, psychologue au Venezuela. "Ils en retirent un sentiment de confiance en eux, une forme de valorisation. Ils se sentent utiles et ça fait naître en eux des projets", se réjouit Julie Clausse. Comme Hachem, qui donnait l'atelier de cuisine syrienne et qui souhaite lancer son snack. Ou Jean-Claude, qui s'occupait de l'atelier de philosophie et qui compte reprendre des études de sciences-politiques. De plus, nombre de participants sont devenus amis et se voyaient en dehors des ateliers.
Mais avec l'arrivée du coronavirus et le confinement à la mi-mars, cette dynamique positive, à peine lancée, menaçait de s'effondrer. "Plus aucun atelier n'est possible. Et certains sont confinés seuls, sans contact social."
Création de Duo-Langue: des conversations vidéo pour apprendre le français
La première idée pour rebondir a alors été de trouver un nouvel espace, virtuel, pour prolonger ces ateliers. "Youssouf donne l'atelier sportif et Ahmed ses cours d'arabe en vidéo. Ça marche super bien."
© Facebook @InterraCult
Mais le confinement empêchait la plupart de pratiquer leur français, alors qu'ils avaient justement plus de temps pour cela. D'où le lancement du projet Duo-Langue le 15 avril. "Ce sont des duos virtuels composés d'un bénévole francophone -qui n'est pas forcément professeur de français- et d'un primo-arrivant. Je les mets en relation en fonction de leurs âges, centres d'intérêt ou niveau de français, et ils s'engagent à se parler en vidéo via Whatsapp au minimum 30 minutes par semaine. Il n'y a pas de sujet imposé. Ce sont des discussions, pour être moins seul."
On ne s'attendait pas à ce qu'ils se parlent autant
Depuis 3 semaines, ce sont 25 paires qui se sont déjà formées. Et la sauce prend au-delà des espérances. "On a des retours magnifiques. Les gens se "voient" tous les jours ou tous les deux jours. On ne s'attendait pas à ce qu'ils se parlent autant. Il faut dire que les bénévoles ont aussi pas mal de temps libre pour le moment donc ils donnent beaucoup. Le déconfinement va certainement freiner un peu la cadence, mais on ne demande à personne de parler plus de 30 minutes par semaine."
Une action locale qui espère un jour s'étendre
Le revers de ce succès du confinement, c'est désormais de trouver plus de bénévoles. Car du côté des primo-arrivants, la demande reste très grande. Un bon signe pour ce projet qui va perdurer après le déconfinement. "L'idée, c'est qu'ils puissent un jour se rencontrer en vrai. C'est pour cela qu'on a volontairement limité les échanges entre personnes vivant à Liège et environs, même si on commence à s'élargir vers Bruxelles."
Enfin, cette période est aussi propice à l'ASBL pour grandir. En effet, le travail d'accompagnement de ceux qui développent des ateliers s'est réduit. Ce qui permet aux gestionnaires de se consacrer plus au travail administratif et aux demandes de fonds. Avec l'espoir, un jour mais sans se précipiter, de s'exporter au-delà de Liège. "Oui on aimerait s'étendre. Ce projet a trop de sens, partout."