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Les manifestations anti-pass sanitaire reflètent dans la rue ce qui s'observe depuis des mois sur les réseaux sociaux où prolifèrent comptes anti-masques, anti-vaccins, anti-confinement, aux millions d'abonnés, une galaxie protéiforme dotée de relais et d'influenceurs puissants.
"Je m'appelle Claire, je suis infirmière": publiée le 14 juillet, cette vidéo de 7 minutes qui aligne les infox - la pandémie n'existe pas, les vaccins ne sont pas des vaccins - a cumulé au moins un million de vues et des dizaines de milliers de partages en quelques jours, rien que sur Facebook. On la retrouve aussi sur Twitter, TikTok...
Comme "Claire", beaucoup de "covidosceptiques" trouvent sur les réseaux une chambre d'écho d'autant plus efficace qu'elle profite de mouvements déjà structurés sur internet avant le Covid: les anti-vaccins et les "gilets jaunes".
Si les anti-masques étaient parvenus à organiser des rassemblements ces derniers mois, l'annonce le 12 juillet de la vaccination obligatoire des soignants et de l'extension du pass sanitaire semble avoir donné un nouveau coup de fouet à cette mouvance disparate, contestataire et très hostile à Emmanuel Macron.
- "Socle" -
Après plusieurs manifestations la semaine dernière - qui ont culminé samedi avec plus de 110.000 personnes (selon la police) défilant en France -, d'autres sont prévues ce samedi. Des appels relayés via les hashtags #manif24juillet, #antipass ou #passdelahonte.
Avec un mot d'ordre fédérateur: la défense des "libertés".
"Cet élan contestataire est présent depuis plusieurs mois via les différents canaux" numériques, relève Coralie Richaud, enseignante en Droit public à l'Université de Limoges, interrogée par l'AFP.
Elle aussi note le caractère "extrêmement hétéroclite" des profils, de l'extrême gauche à l'extrême droite, certains versant dans le complotisme, d'autres non, avec beaucoup d'anti-vaccins mais aussi des vaccinés.
"Leur seul dénominateur commun, c'est d'être +anti+", poursuit cette spécialiste des mouvements de contestation sur internet. Il fallait alors "pour structurer la contestation", une "revendication" qui serve de "socle" et qu'elle passe "de l'individuel au collectif" via une remise en cause du pouvoir.
Célèbre "gilet jaune", Jérôme Rodrigues appelle d'ailleurs sur Facebook "tous les citoyens mécontents" à descendre dans la rue dans une "union autour de la colère".
- "Influenceurs" -
La mouvance peut compter sur d'autres têtes de gondole, des "influenceurs" hyper actifs sur internet et relayés par certains médias très suivis, de l'émission "Touche pas à mon poste" au site France Soir, en passant par Sud Radio et CNews.
Parmi eux, l'ex-numéro deux du FN, président des Patriotes, Florian Philippot, ou le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, qui comptent chacun environ 250.000 abonnés Twitter auxquels ils distillent régulièrement infox et approximations sur les vaccins et le Covid.
D'autres sont moins connus du grand public mais très suivis, comme la députée Martine Wonner, psychiatre de formation, avec des dizaines de milliers d'abonnés sur Twitter et Facebook. Depuis plus d'un an, elle diffuse sans relâche des infox sur le masque, les vaccins ... jusque dans l’hémicycle, au grand dam de ses collègues.
Fin juin, filmée dans un taxi, elle affirme que des compagnies aériennes interdisent leurs vols aux vaccinés, une affirmation plusieurs fois démentie. La vidéo est partagée quelque 10.000 fois en trois jours.
Autres relais de mobilisation, le chanteur Francis Lalanne, qui fut l'un des soutiens des "gilets jaunes" et qui a qualifié la vaccination de "crime contre l'Humanité", ou encore l'humoriste Jean-Marie Bigard, 1,3 million de fans sur Facebook où il partage son opposition au pass sanitaire et aux vaccins.
La mouvance a aussi ses "cautions scientifiques", comme le médecin Louis Fouché ou la généticienne Alexandra Henrion-Caude. Cette dernière a rassemblé ces derniers mois 100.000 abonnés sur Twitter et YouTube où elle multiplie les infox anti-vaccinales.
Absent des rassemblements mais figure tutélaire brandie comme un totem: le Pr Luc Montagnier, prix Nobel de médecine en 2008 mais désavoué ces dernières années par ses pairs en raison de ses théories peu scientifiques. Il répète dans des interviews très partagées que les vaccins ont créé les variants du Sars-Cov-2, une affirmation sans fondement scientifique.
Dans un tout autre genre, l'ex-candidate de téléréalité "Kim Glow" diffuse régulièrement à ses 3 millions d’abonnés sur Instagram, Snapchat et TikTok des théories complotistes: le Covid est un génocide contre les personnes âgées, les vaccins injectent des puces 5G...
Pour autant, la chercheure Coralie Richaud invite à rester prudent quant à l'avenir de cette transposition du virtuel vers un mouvement massif de contestation dans la vie réelle. Elle rappelle que les "gilets jaunes" ont été victimes de leur refus de tout représentant.