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Etats-Unis: quand un cruel "Beatles" de l'EI tombe le masque

En s'installant à la barre des témoins d'un tribunal américain, plusieurs anciens otages du groupe Etat islamique (EI) ont dévisagé avec insistance l'accusé: pour la première fois, ils voyaient les traits d'un de leurs probables geôliers et bourreaux.

La justice américaine organise depuis dix jours le procès d'El Shafee el-Sheikh, un homme de 33 ans accusé d'avoir fait partie d'un trio de jihadistes particulièrement cruels, surnommés "les Beatles" par leurs prisonniers en raison de leur accent britannique.

Depuis le début du procès, huit de leurs anciens otages ont défilé devant les jurés.

Tous ont décrit avec minutie les actes de torture infligés par ces cruels "Beatles" ou encore les lieux de leur détention, mais aucun n'a pu dire précisément à quoi ils ressemblaient.

Et pour cause: ces trois hommes portaient en permanence une cagoule intégrale, avec une simple fente pour leurs yeux, ainsi que des gants.

"Ils essaient toujours de protéger leur identité", a confié vendredi à la barre le photographe français Edouard Elias, otage de juin 2013 à avril 2014.

"Avec les autres gardiens, j'ai réussi à voir certains détails, mais pas avec eux. A peine ai-je distingué une peau un peu plus foncée...", a-t-il ajouté.

Les trois hommes avaient également instauré une "règle" : dès qu'ils entraient, "nous devions nous agenouiller, avec le visage tourné vers le mur et ne pas les regarder", a raconté Federico Motka, un humanitaire italien qui a passé 14 mois entre leurs mains.

Les femmes, elles, devaient "couvrir leur visage" avec un foulard, a expliqué Frida Saide, une ancienne employée de Médecins sans frontières, détenue pendant trois mois.

"Ils pensaient sans doute que ça leur éviterait d'être poursuivis", a commenté l'ancien reporter français Nicolas Hénin: "ce n'était sans doute pas une si bonne idée..."

- "Une équipe" -

Même sans les voir, les prisonniers les reconnaissaient facilement. "Ils avaient une façon particulière de frapper sur nos portes", "on pouvait les sentir", a rapporté Edouard Elias. Ils étaient aussi "mieux équipés" que les gardes locaux, avec leur pistolet et leurs bottes.

Mais dans un procès où l'accusé a le droit de garder le silence et de porter des vêtements civils, ces souvenirs ne pèsent pas lourd.

Fait inhabituel, les procureurs n'ont d'ailleurs jamais demandé aux anciens otages s'ils reconnaissaient l'homme aux larges lunettes assis devant eux.

A la fin du témoignage de Federico Motka, le juge T.S. Ellis a suggéré de lui poser la question. Le procureur Dennis Fitzpatrick a dû avouer ne pas être "certain" que son témoin soit capable de répondre.

S'appuyant sur ce problème d'identification, les avocats de la défense comptent plaider que leur client a bien été jihadiste dans les rangs de l'EI mais qu'il n'était pas un des "Beatles".

Cette ligne de défense sera toutefois dure à tenir: El Shafee el-Sheikh a été arrêté en 2018 par les forces kurdes syriennes avec Alexanda Kotey qui, accusé d'avoir été un autre des Beatles, a plaidé coupable en septembre 2020.

De plus, il a donné plusieurs interviews après son arrestation et admis avoir été "en contact" avec plusieurs des otages occidentaux. Il a toutefois tenté de faire porter la responsabilité à un autre membre du trio: Mohammed Emwazi, dit "jihadi John", tué dans une attaque de drones en 2015.

Là encore, cet argument devrait être vite balayé: à la barre, les anciens otages ont tous insisté sur le fait que les "Beatles" formaient un trio solidaire. "Ils se connaissaient, formaient une équipe", a dit Edouard Elias. "Ils avaient l'air d'être de bons amis", a ajouté Frida Saide.

Et quand il s'agissait de torturer leurs prisonniers, aucun n'était en reste, même si d'après Federico Motka "George préférait boxer, John donner des coups de pied et Ringo était plus dans le corps-à-corps".

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