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Fuyant l'Ouganda, l'écrivain Kakwenza Rukirabashaija trouve refuge en Allemagne

L'écrivain Kakwenza Rukirabashaija, poursuivi en Ouganda pour insultes envers le président Yoweri Museveni et son fils, est arrivé en Allemagne où il suivra un traitement après avoir été "torturé" en détention, a annoncé mercredi son avocat.

Rukirabashaija, qui avait fui clandestinement le pays, "est arrivé en Allemagne ce matin", a déclaré à l'AFP l'avocat Eron Kiiza.

"C'est un grand soulagement. Il peut maintenant commencer à prendre des médicaments pour le traitement des blessures (infligées) sous la torture", a-t-il ajouté.

Kakwenza Rukirabashaija avait été arrêté le 28 décembre, puis inculpé de "communication offensante" envers le président Yoweri Museveni et son fils, le général Muhoozi Kainerugaba, dans une série de tweets.

Il y qualifiait notamment d'"obèse" et de "rouspéteur" le général, que beaucoup voient comme le successeur de son père, au pouvoir depuis 1986 et âgé de 77 ans.

Libéré sous caution le 26 janvier, l'écrivain de 33 ans a fui clandestinement l'Ouganda, franchissant à pied la frontière avec le Rwanda avant de gagner un autre pays, gardé secret. Son procès devait débuter le 23 mars.

Il affirme avoir quitté l'Ouganda pour faire soigner les blessures subies en détention, durant laquelle il dit avoir été torturé et peut-être empoisonné.

- Injections -

Lors d'une interview à la télévision ougandaise, il a montré son dos strié de nombreuses cicatrices, ainsi que d'autres marques sur plusieurs autres parties de son corps.

"On m'a injecté une substance inconnue six fois toutes les six heures et on m'a fait prendre 17 comprimés. Je ne sais pas si j'ai été empoisonné. Je ne me sens pas bien", racontait-il à l'AFP dans un entretien au lendemain de son départ d'Ouganda.

"On m'a diagnostiqué des reins endommagés, des côtes contusionnées et un syndrome de stress post-traumatique. J'ai besoin de soins médicaux hors d'Ouganda", ajoutait-il.

Selon son avocat, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, a facilité son arrivée en Allemagne depuis ce pays tiers gardé secret.

L'ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé le 11 février l'"abandon sans condition de toutes les charges retenues contre l'auteur" et "que tous les responsables de sécurité impliqués dans sa torture et sa disparition forcée soient tenus pour responsables".

Selon HRW, les poursuites contre Kakwenza Rukirabashaija illustrent la répression menée, au nom de la "Loi sur l'utilisation abusive des ordinateurs", contre les personnes critiquant le gouvernement dans ce pays d'Afrique de l'Est.

Kakwenza Rukirabashaija a affirmé à HRW avoir été emmené auprès de Muhoozi Kainerugaba, qui lui a demandé d'arrêter d'écrire.

Le général a démenti dans un message sur Twitter. "Je ne sais pas qui est ce jeune garçon dont on dit qu'il a été battu ! Je n'ai jamais entendu parler de lui jusqu'à ce que les médias commencent à parler de lui. Je ne l'ai jamais rencontré, ni parlé avec lui et n'ai aucune envie de le faire", a-t-il écrit.

- Répression -

Pourfendeur affiché du pouvoir, Kakwenza Rukirabashaija a publié en 2020 "The Greedy Barbarian" (non traduit en français), roman satirique salué par la critique qui décrit un pays imaginaire gangréné par la corruption.

Il a reçu en 2021 le Prix PEN Pinter, attribué à un auteur persécuté pour avoir exprimé ses convictions.

Arrêté à plusieurs reprises, il affirme avoir par le passé été torturé lors d'interrogatoires au sujet de son ouvrage. Il a décrit ses séjours en détention comme "inhumains et dégradants" dans son dernier livre "Banana Republic: Where Writing is Treasonous" (non traduit en français).

Ces dernières années ont été marquées en Ouganda par une répression contre des journalistes, des incarcérations d'avocats ou le musellement de dirigeants de l'opposition.

L'UE a demandé une "enquête complète" sur les violations des droits de l'Homme dans le pays, s'inquiétant de "la hausse importante des informations sur des cas de torture, d'arrestations arbitraires, de disparitions forcées, de harcèlement et d'attaques contre des défenseurs des droits de l'Homme, des membres de l'opposition" ou des militants écologistes

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