Il est 14H46 au Japon en ce froid vendredi du 11 mars 2011 quand les bâtiments commencent à trembler violemment dans le nord-est du pays, théâtre d'un des plus puissants séismes jamais enregistrés sur la planète. La secousse de magnitude 9,0 qui a déclenché un tsunami dévastateur et la pire catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl ne ressemblait en rien à ce que Sayori Suzuki avait connu jusqu'ici dans sa ville côtière de Minamisoma. "Mon fils a pleuré très fort et des objets ont volé des étagères", avait-elle raconté plus tard à l'AFP.
Les convulsions de la terre durent plusieurs minutes terrifiantes, faisant s'écrouler des habitations et fissurant des routes. Ressenti jusqu'à Pékin, le séisme ébranle aussi fortement Tokyo, où des gratte-ciel oscillent, des incendies éclatent et les transports publics sont paralysés. Mais les horreurs de la journée ne font que commencer. A des kilomètres au large des côtes nord-est du Japon, un pan de la croûte terrestre s'est enfoncé sous un autre, soulevant une partie du fond marin et libérant une formidable énergie en direction de la surface. Cette brèche provoque une série de vagues gigantesques déferlant vers le Japon, laissant au maximum 45 minutes aux habitants pour se mettre à l'abri, alors que le pays lance son alerte tsunami maximale. 18.500 personnes ont perdu la vie.
Cérémonies restreintes
A Hisanohama, dans la ville côtière d'Iwaki (département de Fukushima), Toshio Kumaki, 78 ans, s'est recueilli jeudi au lever du jour sur le mur anti-tsunami en béton construit après 2011. "Je viens marcher ici tous les matins, mais aujourd'hui, c'est un jour spécial", a-t-il dit en priant en direction du soleil levant.
De nombreuses cérémonies publiques et privées sont prévues dans la région, ainsi qu'à Tokyo, et une minute de silence doit être observée à 14H46, l'heure précise du séisme de 2011, l'un des plus violents jamais enregistrés dans le monde.
A Miyagi, l'un des trois départements du nord-est les plus meurtris, des opérations de recherche sont organisées par des habitants qui espèrent encore retrouver un être cher.
Les chances peuvent sembler minces, mais les restes d'une femme emportée par le tsunami d'il y a dix ans ont été identifiés la semaine dernière, libérant son fils d'une insoutenable incertitude et lui permettant, enfin, de faire son deuil.
Un tremblement de terre de magnitude 7,3 est venu rappeler le 13 février dernier les risques sismiques permanents au large du Japon. Plus d'une centaine de personnes avaient été blessées dans ce séisme, considéré comme une lointaine réplique de celui de 2011.
Jeudi, à Tokyo, toujours sous état d'urgence face à la pandémie, des cérémonies d'ampleur restreinte sont prévues au Théâtre national du Japon, où l'empereur Naruhito et le Premier ministre Yoshihide Suga doivent prononcer des allocutions.
Le coronavirus pèse aussi sur d'autres commémorations, comme à Taro (département de Miyagi), où les habitants ont l'habitude de se recueillir en haut du mur anti-tsunami, les mains jointes mais, cette année, ils appliquent la distanciation physique.
Ces commémorations se tiennent seulement deux semaines avant le départ prévu, à Fukushima, du relais de la flamme olympique pour les JO de Tokyo-2020, baptisés "Jeux de la reconstruction".
L'ombre de la pandémie plane sur l'événement, reporté à cette année, mais gouvernement japonais et organisateurs espèrent que le relais permettra de recentrer l'attention sur cette région meurtrie.
"Le jour où j'ai perdu mes camarades"
Nayuta Ganbe, un étudiant de Sendai, capitale du département de Miyagi, s'exprime régulièrement lors d'événements sur le thème de la prévention des catastrophes, puisant dans son expérience personnelle du tsunami.
Mais il préfère d'habitude se recueillir en privé le 11 mars. "C'est le jour où j'ai perdu mes camarades de classe. Des gens sont morts sous mes yeux. C'est un jour que j'espère ne jamais avoir à revivre", confie le jeune homme aujourd'hui âgé de 21 ans.
Cette année cependant, il doit participer à une cérémonie: "Exactement 10 ans après, j'espère faire face à la catastrophe avec une nouvelle perspective".
Pour beaucoup, cet anniversaire est l'occasion d'un moment de réflexion personnelle sur un drame national encore douloureusement présent avec toujours des dizaines de milliers de personnes déplacées et 2% de la superficie de Fukushima en zone interdite.
Le pasteur Akira Sato, qui prêchait dans plusieurs églises et chapelles baptistes encore aujourd'hui en zone interdite, doit se rendre dans l'un de ces lieux abandonnés pour se recueillir.
"Mon épouse et moi-même allons réfléchir en silence sur les jours de la catastrophe et offrir une prière", a-t-il déclaré à l'AFP au début du mois.

