Le Chili a rejoint mardi la trentaine de pays au monde autorisant le mariage pour tous, une demande de longue date de la communauté homosexuelle dans ce pays catholique d'Amérique latine. Le projet de loi avait été déposé devant le Parlement en 2017 à l'initiative de l'ex-présidente socialiste Michelle Bachelet, au cours de son second mandat (2014-2018).
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82 députés pour et 20 contre
Dans une déclaration inattendue le 1er juin dernier, le président actuel, le conservateur Sebastian Piñera, qui achève son mandat en mars 2022, avait demandé au Parlement de se saisir de ce projet de loi "avec la plus grande diligence".
Le texte a été approuvé une première fois au Sénat le 21 juillet, puis par les députés le 23 novembre. Dans les deux chambres, où domine l'opposition, le texte avait obtenu la majorité, malgré le rejet de la droite au pouvoir. Des modifications sur certains articles ont entraîné une troisième et dernière procédure législative.
Après un dernier examen du texte par une commission mixte composée de sénateurs et de députés, le Sénat a approuvé l'initiative par 21 voix pour, huit contre et trois abstentions. Dans la foulée, la Chambre des députés s'est immédiatement prononcée à 82 voix pour, 20 contre et deux abstentions.
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L'ultime étape désormais sera la ratification présidentielle et la promulgation par Sebastian Pinera de la loi qui permettra en outre aux couples homosexuels mariés d'adopter des enfants.
Les couples homosexuels pouvaient jusqu'ici s'unir par un Pacte d'union civile, en vigueur depuis 2015 et qui permet d'obtenir les mêmes droits qu'un couple marié, mais sans la possibilité d'adoption et de filiation des enfants.
Une étape historique
"Je suis extrêmement émue. J'ai un peu de mal à garder mon calme. C'est une course de plusieurs kilomètres", a déclaré Isabel Amor, directrice de la "Fundacion Iguales" qui a assisté au vote dans les tribunes du Parlement.
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"Avec l'approbation du mariage pour tous, le Chili a franchi une étape historique et décisive pour l'avancement et la consolidation des droits de l'homme des couples de même sexe et des familles homoparentales, qui ont tous, sans distinction, été discriminés et violés depuis les origines de notre pays", indique un communiqué du Mouvement pour l'intégration et la libération homosexuelle (Movilh), qui défend depuis plusieurs années l'autorisation du mariage entre personnes du même sexe.
Selon une enquête récente du Movilh, 82,8% des couples interrogés (soit 1.878 personnes) avaient indiqué désirer se marier prochainement en cas d'approbation de la loi et 91,9% estimaient que l'examen du projet de loi s'était "prolongé de manière injustifiée".
"C'est quelque chose de très important. Vous vous sentez vraiment digne en tant qu'être humain, en tant que personne. J'ai toujours eu le sentiment que la vie, la famille et l'environnement dans lesquels je vivais autrefois vous méprisaient en raison de votre orientation sexuelle", a déclaré à l'AFP Ramon Lopez, qui a un partenaire de même sexe depuis 21 ans et attendait cette loi pour se marier.
Le Chili rejoint en Amérique latine le Costa Rica, l'Equateur, la Colombie, le Brésil, l'Uruguay, l'Argentine et 18 des 32 Etats mexicains
Ce vote est intervenu en pleine campagne pour le deuxième tour de la présidentielle qui se tiendra le 19 décembre. Les résultats du premier tour, le 21 novembre, ont révélé un Chili profondément divisé, avec la qualification de deux candidats aux antipodes.
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Le député de la gauche progressiste, Gabriel Boric, 35 ans, qui a obtenu 26% des voix, défend le mariage homosexuel et a voté le texte à la Chambre basse. En face, le candidat d'extrême droite, José Antonio Kast, un avocat de 55 ans arrivé en tête avec 28% des suffrages, est "opposé" à l'approbation du mariage homosexuel et à l'option de l'adoption pour "protéger le droit de chaque enfant à avoir un père et une mère".
Si le mariage pour tous est autorisé à travers une trentaine de pays dans le monde, le Chili rejoint en Amérique latine le Costa Rica, l'Equateur, la Colombie, le Brésil, l'Uruguay, l'Argentine et 18 des 32 Etats mexicains.
Le mariage homosexuel légalisé dans une trentaine de pays
- En Europe, les pionniers
En 1989, le Danemark devient pionnier en autorisant les premières unions civiles pour les couples homosexuels. Mais ce sont les Pays-Bas qui, en avril 2001, sont le tout premier pays à légaliser le mariage homosexuel, qui accorde plus de droits. Depuis, 16 pays européens leur ont emboîté le pas: Belgique, Espagne, Norvège, Suède, Portugal, Islande, Danemark, France, Luxembourg, Irlande, Finlande, Malte, Allemagne, Autriche, Royaume-Uni et dernièrement la Suisse.
L'union civile reste le seul statut autorisé pour les couples homosexuels en Hongrie, Croatie, Grèce, Chypre, Italie et République tchèque. Dans ce dernier pays, le processus législatif pour autoriser le mariage des couples de même sexe est en cours mais son issue est incertaine.
Les Slovènes, qui reconnaissent une union civile, ont rejeté en 2015 par référendum le mariage gay. L'Estonie est devenue en octobre 2014 la première ancienne république soviétique à accorder l'union civile aux homosexuels. En Roumanie, où le mariage gay n'est pas autorisé, un référendum visant à graver l'interdiction dans la Constitution a été invalidé en octobre 2018, en raison d'une forte abstention.
- Progrès dans les Amériques
Le Canada a été le premier pays du continent américain à légaliser le mariage homosexuel, dès juin 2005. Aux Etats-Unis, il faudra attendre juin 2015 pour que la Cour suprême légalise le mariage gay dans tout le pays, alors que 14 Etats sur 50 l'interdisaient. En 2019, le tout premier mariage homosexuel de l'histoire des Etats-Unis (1971) a été officiellement validé au terme d'une bataille judiciaire de près d'un demi-siècle. A l'époque, un fonctionnaire de l'état civil du Minnesota ne s'était pas rendu compte que les deux conjoints étaient du même sexe.
En Amérique latine, le mariage pour tous est désormais légal dans sept pays: Argentine depuis juillet 2010, Uruguay, Brésil, Colombie, Equateur depuis 2019, le Costa Rica depuis 2020 et le Chili.
La ville de Mexico avait été, dès 2007, la première en Amérique latine à autoriser les unions civiles entre personnes du même sexe, avant de légaliser le mariage en 2009, devenu progressivement autorisé dans 18 des 32 Etats mexicains.
Cuba, devant le rejet d'une partie de la population et des Eglises catholique et évangéliques, a renoncé à inscrire le mariage gay dans sa nouvelle Constitution adoptée en 2019. Au printemps 2021 a été créée une commission chargée de rédiger un nouveau Code de la famille, qui devrait inclure le mariage homosexuel avant d'être soumis au vote de l'Assemblée nationale puis à un référendum national.
- Taïwan, seul en Asie
A Taïwan, le Parlement a légalisé en 2019 le mariage entre personnes de même sexe, deux ans après une décision historique en ce sens de la Cour constitutionnelle.
Au Japon, où le mariage homosexuel est encore interdit, le tribunal de première instance de Sapporo (nord) a jugé en mars 2021 que la non-reconnaissance du mariage entre personnes du même sexe était anticonstitutionnelle, une première.
Au Moyen-Orient, très répressif, Israël constitue une timide exception. Sans être illégal, le mariage gay n'y est pas possible, faute d'institution habilitée à le prononcer, mais est reconnu quand il a été contracté à l'étranger.
En Océanie, la Nouvelle-Zélande a légalisé le mariage homosexuel en 2013. L'Australie n'a autorisé de telles unions qu'en décembre 2017, par un vote du Parlement.
- Une exception en Afrique
Sur un continent africain où une trentaine de pays interdisent l'homosexualité, l'Afrique du Sud se démarque, ayant légalisé depuis 2006 le mariage gay.

