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Pour le 150e anniversaire de la mort d'Hector Berlioz, le festival consacré au grand compositeur romantique français sera placé sous le signe des Troyens, œuvre "maudite" qu'il n'aura jamais vu donnée dans son intégralité.
Cet opéra, "gigantesque, coûteux et compliqué à monter", représente "le summum de l’œuvre de Berlioz mais aussi le summum des difficultés" qu'il a pu connaître pour faire jouer ses créations, explique le directeur du festival Bruno Messina.
Les festivités se tiendront entièrement cette année dans sa ville natale de La Côte-Saint-André (Isère), du 17 août au 1er septembre, alors que leurs précédentes éditions avaient essaimé dans des bourgs voisins.
Un village troyen "de fantaisie" y sera installé. On y hissera à bout de bras un cheval de bois de six mètres de haut, recelant quelques musiciens dans sa coque. Et comme dans la légende, "on boira et dansera tout autour pendant toute la nuit", promet M. Messina.
Si l'Opéra de Paris est parvenu en janvier à présenter les Troyens dans leur quasi-intégralité (5 heures), la version présentée à la Côte-Saint-André reprendra le découpage historique imposé au compositeur.
La première partie, la Prise de Troie, sera donnée par l'orchestre-académie du festival, le Jeune orchestre européen, dirigé par François-Xavier Roth. Et il faudra attendre l'édition 2020 du festival pour en voir la seconde partie, les Troyens à Carthage.
Outre ce monument du répertoire, le festival mettra à l'affiche "toutes les grandes œuvres lyriques de Berlioz", assure son organisateur.
Signe du prestige grandissant de la manifestation iséroise, M. Messina est parvenu à attirer cette année celui "qui est peut-être le plus grand chef au monde", Valery Gergiev, avec son orchestre et ses chœurs du théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg.
"C'était totalement improbable pour nous de faire venir un tel chef et un tel orchestre", s'émerveille-t-il encore.
Cet "ogre", "sorte de Depardieu de la musique", qui dirige à l'aide d'un cure-dent, a été convaincu de se rendre en Isère après avoir mis M. Messina au défi de lui apprendre quelque chose qu'il ne connaissait pas sur Hector Berlioz.
"Je lui ai raconté que Berlioz avait eu une aventure avec une choriste de l'opéra de Saint-Pétersbourg lorsqu'il était venu le diriger. Il l'amenait sur les bords de la Neva et lui chantait des passages de Roméo et Juliette +en lui broyant la main sur le cœur+". C'est donc cette œuvre que dirigera M. Gergiev avec une distribution de son choix... et à ce jour encore inconnue.
- Science-fiction -
Désormais un habitué du festival, le grand spécialiste de Berlioz John Eliott Jardiner conduira son Orchestre révolutionnaire et romantique dans Benvenuto Cellini.
Dernière grande œuvre lyrique présentée, La Damnation de Faust sera interprétée par l'Orchestre national du Capitole, sous la baguette de Tugan Sokhiev.
En création mondiale, le festival présentera par ailleurs "une nouvelle de science-fiction" de Berlioz, Euphonie 2344, mise en musique par Michaël Levinas. Berlioz y racontait une cité idéale entièrement consacrée à la musique en 2344, aux accents vaguement orwelliens.
Une soirée sera aussi consacrée à Jacques Offenbach, dont le 200e anniversaire de la naissance est largement occulté cette année par la redécouverte de Berlioz. Avec un programme d'extraits de La Belle Hélène ou d'Orphée aux Enfers, qui parodient des thèmes souvent explorés par Berlioz.
"A la fin de sa vie, Berlioz était jaloux que toute la lumière aille sur Offenbach. C'était pour lui le signe de l'échec de son œuvre", relève M. Messina pour expliquer ce clin d’œil au roi de l'opérette.