Dans une déclaration commune, la Maison Blanche a déclaré que les leaders de la Commission européenne, de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, du Royaume-Uni, du Canada et des Etats-Unis étaient résolus "à continuer d'imposer des coûts à la Russie qui l'isoleront davantage du système financier international et de nos économies". "Nous nous engageons à exclure une sélection de banques russes du système de messagerie Swift", des mesures qui seront prises "dans les jours qui viennent", a ajouté la Maison Blanche.
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Voici quelques repères sur les fonctions de la plateforme interbancaire Swift et la portée que peut avoir cette arme financière rarement utilisée.
Qu'est-ce que Swift?
Swift est l'un des plus importants réseaux de messagerie bancaire et financière fondée en 1973. La société, acronyme de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication, est basée à Bruxelles. Non coté, Swift est organisé sous forme de coopérative de banques. La société se présente comme neutre. "Tous les jours, il y a des dizaines de milliers d'opérations qui se passent et qui permettent de faciliter le commerce international, complète Bruno Wattenbergh. (...) Non seulement on utilise Swift tous les jours, mais en plus, Swift a été inventé en Belgique."
Swift est notamment à l'origine du code BIC, qui permet d'identifier une banque via un code unique composé de 8 à 11 caractères, prenant en compte le nom de la banque, son pays d'origine, sa localisation et l'agence ayant traité l'ordre en question.
A quoi sert Swift?
Mis en oeuvre pour remplacer la technologie vieillissante du Télex, le groupe assure plusieurs tâches : transit des ordres de paiement entre banques, ordres de transferts de fonds de la clientèle des banques, ordres d'achat et de vente de valeurs mobilières, etc. "Ce système a permis le développement dans le monde entier d'un commerce facile et sécurisé entre les différentes entreprises des différents pays", éclaire Bruno Wattenbergh.
Le tout grâce à des messages standardisés, permettant une communication rapide, confidentielle et peu coûteuse entre établissements financiers. La société met en avant sa fiabilité sur son site internet et revendique "plus de 11.000 organisations bancaires et de titres, infrastructures de marché et entreprises clientes dans plus de 200 pays et territoires".
Le rôle de Swift déborde le cadre de la finance : un accord signé mi-2010 par les Etats-Unis et l'Union européenne permet officiellement aux services américains du Trésor d'accéder aux données bancaires des Européens via le réseau, au nom de la lutte antiterroriste.
Quels problèmes seraient posés à la Russie si elle était exclue de Swift?
Selon le site de l'association nationale Rosswift, la Russie serait le deuxième pays après les Etats-Unis en nombre d'utilisateurs avec quelque 300 banques et institutions russes membres du système. Plus de la moitié des organismes de crédit russes sont représentés dans Swift, est-il précisé par cette source. Moscou met cependant en place ses propres infrastructures financières, que ce soit pour les paiements (cartes "Mir", voulues comme l'équivalent de Visa et Mastercard), la notation (agence Akra) ou les transferts, via un système baptisé SPFS. "Mais très peu de banques utilisent ce système financier russe", précise l'expert en économie Bruno Wattenbergh. Evidemment, des particuliers ou des entreprises pourraient utiliser le système Paypal mais ce système, pour s'initier, nécessite aussi de passer par Swift. (...) Ceux qui pourraient réellement aider la Russie seraient les Chinois qui ont aussi leur propre système. On pourrait voir les Chinois venir en aide des Russes pour échanger au niveau international."
"La question qui est posée aujourd'hui, c'est de déconnecter la Russie du système Swift de manière à l'empêcher de commercer et donc de rendre son commerce international, ses échanges plus compliqués, de manière à diminuer la puissance de son économie,ajoute-t-il. À partir du moment où la Russie sortirait du système Swift, des pays auraient plus de difficultés à commercer avec elle et probablement qu'ils préféreraient le faire avec d'autres. Evidemment, il y a des entreprises qui vont continuer à commercer avec la Russie, même si elle est forcée de sortir du système Swift, mais ce sera plus compliqué et ça aura donc un coût financier et économique pour la Russie."
Y a-t-il des précédents?
En novembre 2019, dans le cadre des sanctions décidées par les Etats-Unis contre l'Iran, Swift a "suspendu" l'accès de certaines banques iraniennes à son réseau.
Le secrétaire au Trésor de Donald Trump à l'époque, Steven Mnuchin, avait promis de soumettre la société "à des sanctions américaines (si elle fournissait) des services de messagerie financières à certaines institutions financières iraniennes".
Pourtant soumis au seul régulateur belge, Swift n'avait mis que quelques jours à obtempérer, jugeant dans un communiqué la mesure "regrettable" mais conforme "à l'intérêt de la stabilité et de l'intégrité du système financier mondial dans son ensemble".
L'Iran avait déjà été déconnecté du système Swift de 2012 à 2016.
"L'économie russe n'est pas en grande santé"
"Les Russes n'ont pas seulement besoin de Swift pour se financer à l'international, mais aussi pour payer ce qu'ils achètent à l'international, estime Bruno Wattenbergh. Il faut bien se rendre compte qu'à part le gaz russe, le pétrole, certains produits, l'économie russe n'est pas en grande santé. Cela veut donc dire qu'elle a besoin de ces échanges internationaux. Là, on va rendre ces échanges plus difficiles pour faire se rendre compte aux entreprises mais aussi en partie aux consommateurs russes que la politique de la Russie a un impact sur l'économie et le social."
