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Au procès du Rio-Paris, l'hommage d'une fratrie à un pilote qui "a tout fait pour sauver" l'avion

"Il n'y a pas eu 225 victimes et trois pilotes défaillants, mais bien 228 victimes": frère et soeur de l'un des trois pilotes du Rio-Paris, ils ont rendu hommage mardi à un homme "exemplaire", qui a "tout fait pour sauver" l'AF447 le 1er juin 2009.

Au cours de cette huitième semaine du procès d'Airbus et d'Air France, des proches des 216 passagers et 12 membres d'équipage morts dans le crash se succèdent pour parler de leurs disparus, vacillant entre douleur et colère.

C'est d'abord Sarah qui vient témoigner des "37 ans" qu'a "vécus" son frère David Robert, copilote sur le vol qui s'est abîmé il y a plus de treize ans au large du Brésil.

Dans un texte parsemé d'humour, elle décrit "l'aîné d'une fratrie de cinq", "très beau", "charismatique", "brillant", "très sociable, souriant", "curieux".

Elle évoque la "fierté d'avoir un frère pilote", qui "ramenait des cadeaux de ses voyages" et narrait des "anecdotes savoureuses et ensoleillées sur ses escales et ses collègues". "Il était fier d'être chez Air France", résume Sarah, "son métier faisait partie intégrante de son identité".

Quand il est mort, "l'équilibre" de la famille "a explosé". Puis "on a quand même réussi à rester une famille unie et soudée", à "retrouver notre élan vital", poursuit-elle.

De ce procès, elle n'attendait "pas grand-chose". "Je pensais qu'on allait encore nous dire que c'étaient trois idiots aux commandes de cet avion. Je peux vous assurer que mon frère n'était pas du tout idiot", s'agace-t-elle.

"David aimait son métier, il aimait son fils, ses amis, sa famille, la vie, et depuis que j'ai entendu les boîtes noires, je suis encore plus sûre qu'il a tout fait pour sauver cet avion", assure-t-elle. Les pilotes "ont fait ce qu'ils ont pu, avec ce qu'ils savaient".

- "La mémoire de mon frangin" -

Le 1er juin 2009, les trois sondes Pitot, qui permettent de calculer la vitesse de l'avion, ont givré. Dans le cockpit, cette panne a entraîné la déconnexion du pilote automatique, le basculement dans un mode de pilotage dégradé et de nombreuses alarmes.

Déstabilisés, les deux copilotes, bientôt rejoints par le commandant de bord, ont perdu le contrôle de l'appareil, qui a heurté l'Atlantique moins de cinq minutes plus tard.

L'enregistrement sonore du cockpit contenu dans les boîtes noires a été diffusé le 17 octobre, à huis clos.

Se défendant de toute "faute" ayant mené à l'accident, Airbus, jugé comme Air France pour homicides involontaires, fait valoir que des "erreurs de pilotage" sont à l'origine de la catastrophe.

Teddy, frère cadet de David Robert, rejoint la barre à son tour. "Il était notre modèle, il était studieux", raconte-t-il, avant de revenir, par dates, sur l'avant et l'après-crash.

Depuis le drame, "la +famille Air France+, comme aimait à l'appeler mon frère, a toujours eu de l'empathie", estime Teddy.

Il n'a pas la même opinion d'Airbus. "Vous avez tenté de voler l'image que je me faisais de mon frère, un frère exemplaire, lucide. Vous n'avez pas réussi", accuse-t-il. "Au total, il n'y a pas eu 225 victimes et trois pilotes défaillants, mais bien 228 victimes et trois sondes Pitot défaillantes".

Sa soeur, Sylvie, prend la suite. Elle évoque "(leur) mère", tombée malade 18 mois après la catastrophe et "dont le décès nous semble tellement liée à la disparition de son fils aîné".

"Ce procès est une étape précieuse, celle de dire une dernière fois et publiquement au revoir à David". "Quelle que soit l'issue, il aura permis de réhabiliter la mémoire de mon frangin. Sauf pour de malhonnêtes et partiaux représentants des prévenus qui auraient, bien sûr, fait mieux !" s'emporte-t-elle.

Elle explique avoir, dans le cadre de son travail, suivi une formation sur la gestion du risque et livre "sa vision" du dossier. "J'ai acquis la certitude absolue de l'absence de faute de pilotage de mon frère et des autres pilotes", affirme-t-elle finalement. "David est la victime d'un accident qui, statistiquement, devait arriver un jour".

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