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Améliorer l'accueil des élèves LGBT+, un défi pour l'école

Comment réagir si un élève dévoile sa transidentité? Si d'autres se moquent? Les enseignants, peu formés aux questions LGBT+, manquent de ressources pour s'emparer du sujet, à l'heure où le ministère de l’Éducation souhaite mieux prendre en compte les jeunes concernés.

"Est-ce que vous posez des règles de vie à vos classes en début d'année?", demande Audrey Gelman, formatrice, à la trentaine d'enseignants de tous âges assis face à elle dans une salle de classe parisienne pour une formation consacrée à la lutte contre les LGBTphobies en milieu scolaire.

"Oui, je dis que tout le monde est bienvenu et que je n'accepterai aucune insulte", répond un participant, qui dit avoir également installé un drapeau LGBT dans sa salle. Une manière de signifier que sa porte est ouverte si un élève a besoin d'aborder un sujet lié à l'homosexualité ou la transidentité.

Car l'école reste un "environnement particulièrement LGBTIphobe, avec des insultes régulières", indique un rapport publié l'an dernier par l'association SOS Homophobie, qui a reçu 62 signalements de situations de LGBTphobies en milieu scolaire en 2021, en majorité des élèves agressés par d'autres.

- "Bonne volonté" -

Enseignant dans un collège parisien, Alexandre Rosa a été surpris par la réaction homophobe de nombreux élèves à une scène de baiser entre deux femmes lors du visionnage d'un film pendant une sortie scolaire. "Je me suis dit, si ça arrive en classe, je fais quoi?", témoigne ce professeur de français rencontré lors de la formation proposée par l'Observatoire de lutte contre les LGBTphobies de l'académie de Paris.

Il souhaite se "mettre à jour" sur ce sujet, tout comme Cécile, 52 ans, professeure de mathématiques, qui n'a pas souhaité donner son nom. "On rencontre des élèves LGBT+ dès le collège, il nous faut des billes pour les accompagner et les aider si besoin", estime-t-elle.

Pour le collectif "éducation contre les LGBTphobies en milieu scolaire et universitaire", les personnels devraient bénéficier de "modules de formation continue réguliers et obligatoires" contre les discriminations LGBTphobes. Il plaide également pour une mise à disposition d'outils pédagogiques permettant d'aborder ces sujets en cours.

L'homosexualité et la transidentité sont des thèmes intégrés aux programmes de certaines matières (histoire, éducation morale et civique), mais pas forcément abordés. "Cela dépend de la bonne volonté" de chacun, décrit à l'AFP Fatna Seghrouchni, professeure de français et membre de ce collectif. Or, "des initiatives individuelles, c'est insuffisant, il faut plutôt une dynamique d'établissement".

Début 2023, le ministre de l'Education, Pap Ndiaye, a annoncé vouloir franchir "une étape décisive dans la prise en compte des personnes LGBT+" en milieu scolaire, après le suicide du jeune Lucas, un collégien qui avait subi du harcèlement scolaire homophobe.

Il souhaite notamment que "les portes soient grandes ouvertes" aux associations comme SOS Homophobie.

"On voit comment les élèves évoluent sur deux heures", commente auprès de l'AFP sa coprésidente Véronique Godet. Elle intervient dans des classes pour "déconstruire les préjugés et les stéréotypes" sur les personnes LGBT+. Objectif: que les jeunes "arrivent à vivre à côté de l'autre", qu'ils pouvaient "voir comme un monstre".

- Campagne de sensibilisation -

Le ministère de l'Education va également lancer une campagne de sensibilisation dans les établissements à l'occasion de la journée internationale contre l'homophobie et la transphobie le 17 mai.

Il souhaite aussi généraliser dans toutes les académies les observatoires des LGBTphobies, qui recueillent de l'information et mènent des actions d'accompagnement des équipes éducatives.

Gabrielle Richard, sociologue du genre, reste toutefois "critique" vis-à-vis de ces mesures.

"On sent une énorme frilosité de la part des ministres de l'Education successifs sur les questions de genre et de sexualité à l'école", ils savent qu'ils doivent s'en emparer mais craignent une polémique, comme cela avait été le cas avec les "ABCD de l'égalité" en 2014, estime la sociologue. Ce dispositif visant à promouvoir l'égalité filles-garçons avait été abandonné face à des protestations, ses opposants dénonçant une "théorie du genre" qui nierait les différences sexuelles.

Cette sociologue préconise de développer des dispositifs Alliances genres, identités et sexualités (AGIS). Ces structures, présentes dans quelques établissements, rassemblent des élèves intéressés par les questions LGBT+ qui organisent des projets de sensibilisation.

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