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Deux lieux, deux ambiances: le Franco-Turc Burc Akyol a livré un défilé de "magie avec peu" de moyens en bas de chez lui à Paris, quelques heures avant le gigantesque show de Pharrell Williams pour Vuitton, au premier jour de la Fashion week masculine mardi.
Le styliste de 34 ans intègre le calendrier officiel avec beaucoup de créativité, pour compenser un budget modeste, et un regard unique entre l'Orient et l'Occident qui a séduit des célébrités aussi différentes que Cate Blanchett, Cardi B, Kendall Jenner ou Isabelle Huppert.
Sous les yeux de ses voisins, entre des palmiers dorés, mannequins professionnels et amis du créateur ont foulé mardi une moquette couleur sable posée dans la cour de son immeuble, où il avait déjà organisé ses défilés précédents.
"Je trouve important d'amener mes invités chez moi, ça fait très +maison+. On est dans le 8e arrondissement, il y a le côté maison de couture", souligne-t-il, en achevant les derniers préparatifs dans son appartement qui lui sert d'atelier et où il n'a pour espace privé que la chambre encombrée de patrons.
"C'est très bien que Vuitton fasse cet énorme show. On n'est pas Vuitton mais ce n'est pas grave, on le sera peut-être un jour", ajoute-t-il face à l'AFP.
Ainsi on verra "les deux facettes" de la scène parisienne de la mode, entre les grandes maisons institutionnelles et "nous qui arrivons à faire de la magie avec très peu".
- Look "à la burqa" pour les droits des femmes -
Celui qui, adolescent, s'habillait en pantalon de femme car il était très mince est convaincu que le "vêtement n'a pas de genre".
Il présente donc une collection non-genrée à la semaine masculine parce qu'il est plus facile de se faire remarquer ainsi et que le timing est meilleur pour les ventes.
Il essaie lui-même tous les prototypes, dont les soutien-gorges. S'il se trouve bien dans le miroir, il les garde.
Une des robes phare de la collection est faite en "dentelle toute noire, toute simple, qui dormait" dans les stocks. "On vient d'insérer des fils d'or dedans pour pouvoir en faire quelque chose de spécial et lui redonner une seconde vie".
Transparente avec un string intégré, elle est portée par une mannequin avec des courbes qu'on n'a pas l'habitude de voir sur les podiums, surtout pour présenter ce genre de silhouette.
Comme la saison précédente, le designer fait un look "à la burqa" (un jeu de mots avec son prénom), surtout pour "soulever la question" des droits des femmes.
Le voile transparent intégré à la casquette recouvre le corps de la tête aux pieds, avec un collant comme seule pièce en dessous.
La saison dernière, il avait fait une jupe en cheveux pour dénoncer la répression des femmes en Iran.
"J'ai des soeurs, j'ai envie qu'elles aient une vie sexuelle accomplie, qu'elles soient féminines, j'ai envie qu'elles aient la souveraineté de leur corps", explique Burc Akyol.
Pour lui qui aime fentes et transparences, ceux qui cachent le corps "dans le design sont dans le déni du corps".
Austères et sexy, élégantes et sensuelles, ses tenues reflètent son identité.
"Je suis né en France avec des parents turcs. Une fois sorti de l'appartement de mes parents, je devenais Français parce qu'il fallait que je sois Français et, rentré à la maison, je mangeais comme un Turc, je vivais comme un Turc".
Fils d'un tailleur, il a grandi dans des HLM de Dreux, à une heure de Paris, avec "beaucoup d'immigrés". "On avait une envie de beau", se souvient Burc Akyol.
Il a appris à coudre à la maison, où toute la famille "rapiéçait les vêtements les samedis soirs en regardant la télé". Il d'ailleurs acquis le goût de la mode en regardant des défilés à la télévision.
Pourtant, il se dit aujourd'hui content que tout se passe sur YouTube et les réseaux sociaux, ce qui est propice pour les jeunes talents, qui ne sont "plus obligés de dépendre des grands médias".