Partager:
Dans le marché quasiment désert du camp de réfugiés palestiniens de Ain el Heloué dans le sud du Liban, Ismaïl Akkaoui dispose des légumes sur un étal, dans l'attente de clients qui oseraient sortir malgré les affrontements.
Les combats qui opposent par intermittence depuis samedi des factions palestiniennes, les plus graves dans ce camp depuis des années, ont fait 11 morts et poussé des centaines de familles à fuir.
"Je suis obligé de sortir de la maison pour vendre des légumes malgré cette situation terrifiante. Sinon, ma famille n'aura pas de quoi vivre", affirme cet homme, les traits creusés, devant son étal.
Peu de commerçants ont suivi son exemple mardi, alors que les sifflements des balles se font entendre par intermittence, selon un correspondant de l'AFP.
Parmi eux, Moukhtar a étalé sur une table des sacs de pain achetés dans la ville voisine de Saïda.
Il indique avoir doublé la quantité de pain. "Les gens achètent deux sacs au lieu d'un, de crainte d'une dégradation de la situation sécuritaire", affirme-t-il.
Dans le quartier Hittin, des carcasses de voitures brûlées témoignent de la violence des combats.
La plupart des quartiers du camp portent le nom des villages palestiniens dont sont originaires les habitants de Aïn el-Héloué, descendants des réfugiés venus au Liban en 1948.
Les affrontements à l'arme automatique et à la roquette antichar se poursuivent par intermittence, malgré l'annonce d'un cessez-le-feu dimanche soir.
Les traces des combats sont particulièrement visibles sur les habitations proches des lignes de front entre les groupuscules islamistes extrémistes et les combattants du mouvement Fatah, principale organisation palestinienne.
Un correspondant de l'AFP a vu des dizaines d'hommes armés, dont des francs-tireurs, des deux côtés, dans les rues jonchées de douilles de balles.
Des centaines de familles ont fui le camp, se réfugiant à Saïda, certains s'installant dans une mosquée de la ville.
- "Violations" -
En vertu d'un accord datant d'une cinquantaine d'années, conclu du temps de la puissance de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) au Liban, l'armée libanaise ne pénètre pas dans les camps de réfugiés où la sécurité est assurée par les factions palestiniennes.
En conséquence, il existe des zones de non-droit au sein des camps et Aïn el-Héloué, le plus grand camp du Liban est connu pour avoir accueilli des extrémistes et des personnes en cavale.
Des obus sont tombés aux alentours des points de contrôle de l'armée aux entrées du camp, poussant notamment écoles et autres institutions publiques à fermer leurs portes à Saïda, la grande ville du sud du Liban
Des affrontements entre groupes rivaux ont souvent lieu à Aïn el-Héloué où vivent 54.000 réfugiés palestiniens, auxquels s'ajoutent des milliers d'autres Palestiniens ayant fui la guerre en Syrie.
Plus de 450.000 Palestiniens sont enregistrés en tant que réfugiés au Liban auprès de l'Unrwa, mais le nombre réel de ceux qui résident toujours au Liban est d'environ 250.000, selon les estimations de l'ONU, en raison de l'émigration massive.
Mounir al-Maqdah, un haut responsable du Fatah assure que toutes les parties veulent mettre en place un cessez-le-feu durable.
"Nous nous efforçons de mettre un terme aux violations" du cessez-le-feu, a-t-il affirmé.
Des mesures sont prises pour renforcer la force de sécurité conjointe chargée de contrôler le camp, parallèlement au "retrait des hommes armés des rues, et à la formation d'une commission d'enquête pour identifier les personnes impliquées", selon lui.
Le responsable palestinien exprime cependant la crainte que le but de ces affrontements soit de "pousser les habitants du camp à l'exode".