Partager:
Le Conseil National de Sécurité, dirigé par notre Première ministre ad interim Sophie Wilmès, a annoncé la prolongation des mesures de confinement (voir les détails). Les Belges ne peuvent toujours sortir de chez eux que pour des raisons bien précises. Il n'est pas question de partir en vacances en avion ni d'aller au restaurant – et même quand les mesures s'adouciront, les voyages et les lieux de rencontres feront partie des dernières activités à redémarrer.
Or, sans la reprise de ces deux activités, notre témoin du jour craint le pire pour son avenir: "Comment on va s'en sortir ?", nous a écrit Nathalie via le bouton orange Alertez-nous. Elle travaille dans une boutique hors taxe de l'aéroport de Charleroi, et son compagnon est cuisinier. Ils font donc partie de ces Belges dont les revenus du ménage ont chuté, pratiquement de moitié, à cause du confinement.
> CORONAVIRUS: toutes les infos
Cuisinier depuis quelques jours dans un nouveau restaurant
Nathalie et Olivier, 50 ans tous les deux, habitent Nethen, qui fait partie de la commune de Grez-Doiceau, dans le Brabant wallon. "Mon compagnon est chef-cuisinier depuis 25 ans. Il travaille dans un nouveau restaurant, qui a ouvert début janvier, à Hamme-Mille. Il a été engagé le 4 mars, et le 14 mars c'était fermé. Il a travaillé 10 jours. Il a un contrat de trois mois mais son patron est assez pessimiste quant à l'idée de pouvoir conserver le restaurant: il était en plein lancement de son affaire".
Nathalie, elle, qui a deux enfants âgés d'une vingtaine d'années, dont une fille encore aux études, "travaille à l'aéroport de Charleroi, je suis gérante d'une boutique" dite 'hors taxe', donc là où l'on vend des parfums, des alcools, etc. "On est fermé depuis le 18 mars". Et comme sa boutique est dans un aéroport, "tant que le secteur du tourisme est fermé, tant qu'il n'y aura pas de vol… les magasins, les restaurants, et tous les gens qui travaillent derrière… tout ça va rester complètement à l'arrêt".
Des revenus en chute libre, mais un nouveau crédit hypothécaire
Vous l'avez compris, Nathalie et Olivier sont "tous les deux au chômage temporaire" depuis quelques semaines. Leurs revenus ont donc chuté pour ces dernières semaines. "Je n'ai pas encore touché mon chômage temporaire pour le mois de mars, mais je pense que si on touche 3.000 euros à deux, ce sera très bien".
Une solide baisse de revenu qui tombe mal. "On vient d'acheter une maison, donc on n'a même pas de réserve financière qui nous permettrait de tenir, on a tout investi dans l'achat". Le couple a rapidement contacté sa banque pour obtenir un report de son crédit, "donc pour les trois prochains mois, on doit payer uniquement les intérêts, ce qui nous donne une petite bouffée d'oxygène".
Il y a donc "beaucoup de stress par rapport à l'avenir, c'est triste. Comment nos boulots vont évoluer? Le contrat de mon conjoint se termine en juin: va-t-il passer en chômage complet et dégressif, ou rester au chômage temporaire ? Quand la boutique de l'aéroport va pouvoir rouvrir, quelles seront les conditions sanitaires ? Comme tout le monde, on a un peu peur financièrement pour l'avenir, oui…"
En temps normal pour le secteur les clignotants sont à l'orange pour largement plus de 50% des établissements
Le secteur horeca en grande souffrance: des difficultés chroniques "pour 85%" des établissements
Le compagnon de Nathalie travaille dans un secteur en pleine tourmente: l'horeca, dont l'horizon reste très sombre. Nous avons discuté avec Thierry Neyens, le président de la Fédération Horeca Wallonie, dont le téléphone n'arrête pas de sonner, vous l'imaginez.
"Quand il y aura le déconfinement – mardi on en saura plus – l'Horeca, comme l'évènementiel et les voyages, seront les derniers à rouvrir. Et c'est certain, il y aura des mesures contraignantes: hygiène, distanciation, nombre de personnes acceptées. Certains me disent qu'ils ont 70 membres du personnel, comme un hôtel, mais s'ils ne peuvent accueillir que 50% de la clientèle, avec 100% de frais, c'est le grand écart et on se casse la figure après deux mois".
La situation est complexe, car dans l'horeca, "il y a des sociétés avec des employés, des indépendants qui sont là depuis longtemps, d'autres qui se lancent et qui ont des gros loyers pour leur restaurant". Tout le monde ne résistera pas de la même manière à la crise actuelle, "et tout le monde le sait, les banques en premier lieu, nous ne sommes pas toujours les meilleurs gestionnaires au niveau finance, on est dans de l'artisanat pour la plupart". Tout dépendra, aussi, "des mesures de soutien, des reports ou des suppressions du paiement de charges sociales ou de TVA". Idéalement, "il faudrait que ce ne soit pas des mesures forfaitaires comme le droit passerelle, mais des mesures en rapport avec les emplois, la taille de l'entreprise, son volume d'affaires".
Les chiffres avancés par Thierry Neyens ne sont guère rassurants pour Nathalie et son compagnon. "Il y a 15.000 établissements horeca en Wallonie, et 55.000 en Belgique. En temps normal pour le secteur, et tous les chiffres le démontrent, les clignotants sont à l'orange pour largement plus de 50% des établissements. Tous ceux-là avaient des grandes craintes pour les 3 ou 4 semaines de confinement annoncées. Mais avec cette prolongation de 1 ou 2 mois, c'est 85% du secteur qui va se retrouver dans des difficultés chroniques".