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A peine lancé, le "Sommet des Amériques" de Biden déjà boudé

Joe Biden y voyait une occasion de relancer le dialogue avec l'Amérique latine sur des sujets cruciaux comme l'immigration, mais son "Sommet des Amériques" s'est ouvert lundi avec un cafouillage diplomatique, le président mexicain décidant de bouder l'événement.

La rencontre, censée afficher l'exemplaire coopération entre les Etats-Unis et ses voisins, risque plutôt de mettre en lumière toutes les divisions d'une région où l'influence américaine se heurte de plus en plus fréquemment à la Chine.

Cuba, le Nicaragua et le Venezuela ne sont pas invités au Sommet des Amériques, a confirmé lundi à l'AFP un responsable de la Maison Blanche, à cause de "réserves" face "au manque d'espace démocratique et au respect des droits humains".

Le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador avait fait savoir qu'il ne ferait pas le déplacement dans de telles conditions, et il a mis sa menace à exécution.

- Exclusion -

"Je ne vais pas au sommet parce qu'on n'invite pas tous les pays de l'Amérique. Je crois en la nécessité de changer la politique qui a été imposée depuis des siècles: l'exclusion", a-t-il déclaré lundi. Il est prévu qu'il rencontre Joe Biden plus tard cet été.

Son ministre des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, représentera le Mexique mais l'absence de M. Lopez Obrador pèsera sur la portée des décisions qui pourraient être prises à l'issue du sommet.

Le gouvernement cubain a dénoncé de son côté son exclusion comme étant "antidémocratique et arbitraire".

Autre absent de dernière minute, le président uruguayen Luis Lacalle Pou, diagnostiqué positif au Covid-19.

- Immigration -

Le président américain va profiter du Sommet des Amériques pour faire des annonces sur la coopération économique et la lutte contre la pandémie de Covid-19 ainsi que contre le changement climatique.

Le démocrate de 79 ans, qui arrivera mercredi à Los Angeles, espère aussi conclure un accord de coopération régionale sur l'immigration, un enjeu majeur de politique intérieure à l'approche des élections de mi-mandat.

Le nombre de personnes cherchant à entrer aux Etats-Unis après avoir fui la pauvreté et la violence en Amérique centrale et en Haïti est en hausse.

L'absence du chef d'Etat du Mexique, pays frontalier, se fera sentir avec une acuité particulière, alors que plusieurs milliers de migrants se sont mis en route lundi dans le sud du pays avec l'intention de gagner les Etats-Unis.

- Déclin américain -

Washington s'est assuré de la venue de certains dirigeants majeurs, aussi bien le président argentin de centre-gauche Alberto Fernandez que le chef d'Etat d'extrême droite brésilien, Jair Bolsonaro, avec lequel Joe Biden a prévu un entretien bilatéral.

Estimant à 23 le nombre de dirigeants qui viendront à Los Angeles, un haut responsable de la Maison Blanche a estimé que cette fréquentation était "conforme voire supérieure" à de précédentes éditions.

Interrogé sur le fait que la Maison Blanche a exclu Cuba, le Nicaragua et le Venezuela à cause de préoccupations sur la démocratie, alors que dans le même temps le président américain évoque un déplacement en Arabie Saoudite, il a estimé que c'était "un peu comme comparer des pommes avec des oranges".

"Il faudra juger le sommet à l'aune des propositions des Etats-Unis en termes d'accès commercial, de prêts et d'assistance" financière, déclare Benjamin Gedan, qui dirige les études sur l'Amérique latine au Woodrow Wilson International Center for Scholars.

"Et sur ces points, les Etats-Unis décevront, c'est inévitable", estime-t-il, au moment où la Chine investit lourdement dans la région.

Le Sommet des Amériques avait été lancé en 1994 à Miami par le président Bill Clinton, désireux de lancer un vaste accord régional de libéralisation du commerce.

Mais le libre-échange n'a plus le vent en poupe, ni aux Etats-Unis ni ailleurs, et en la matière Joe Biden n'a sur le fond pas rompu avec les réflexes protectionnistes de son prédécesseur Donald Trump.

Michael Shifter, chercheur à l'organisme Inter-American Dialogue, voit dans la controverse autour de la liste des invités un indice de l'influence déclinante des Etats-Unis.

Les Etats-Unis "ont encore beaucoup de +soft power+", constate-t-il, c'est-à-dire d'impact en termes de contenus culturels ou d'habitudes de consommation. Mais leur "influence politique et diplomatique décline chaque jour".

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