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Quelle est la fiabilité des prévisions météo sur nos smartphones?

Sortir son smartphone pour consulter la météo, un réflexe que presque chaque Belge a aujourd’hui adopté pour savoir comment s’habiller. Et pourtant, il arrive parfois que les prévisions nous jouent de mauvais tours et amènent à se poser des questions sur la fiabilité des applications météo. Quelle est la fiabilité ? Réponse avec l'aide de David Dehenauw de l'Institut Royal de Météorologie (IRM).

Avec le temps particulièrement variable (à pleurer des rivières) des dernières semaines, on a plus d’une fois entendu autour de nous des personnes insatisfaites des prévisions météo qu’elles consultaient sur leurs smartphones. Il devait pleuvoir chez moi à 15h mais rien n'est tombé avant 19h. Ils annonçaient un temps pourri toute la semaine et finalement, c'était pas si mal. Voilà le genre de déclarations qu'on peut entendre. Les gens ont toujours aimé parlé du temps ("On parle du temps qu'il fait pour ne pas parler du temps qui passe", lançait l'écrivain-philosophe au comptoir du café des deux Moulins dans le film "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain") et, depuis l'arrivée des smartphones, ils en ont beaucoup plus l'occasion qu'autrefois. Là où, dans le passé, on se référait à un unique bulletin météo en télé le soir ou en radio le matin et donné pour toute la journée et tout le pays, nous avons désormais pris l’habitude de consulter sur nos téléphones des prévisions données heure par heure et pour une commune précise. Mais une telle précision est-elle possible, quelle est la fiabilité de ces prévisions ?

Firmes américaines

Il faut d’abord savoir que si les bulletins météo des médias belges sont principalement fournis par l'Institut Royal Météorologique (IRM), les prévisions météo de nos smartphones, qu’ils soient d'Apple (iPhone) ou fonctionnant avec le système Android de Google, sont calculées et données par le géant américain IBM qui a racheté il y a quelques années deux autres firmes américaines spécialisées dans les prévisions météo : The Weather Company et Weather Underground. Cette dernière créée au début des années 90, recueille les informations non seulement des services météorologiques nationaux (comme l’IRM) mais également "d'un réseau de 250 000 stations météorologiques d'enthousiastes de la météorologie", peut-on lire sur Wikipédia. IBM se targue d’utiliser un modèle global de prévisions appelé GRAF qui est actualisé toutes les heures et dispose d’une résolution de 3 km.

La plupart des pays du monde disposent d’un seul service météorologique public. En Belgique, par exemple, nous avons l’IRM. En France, il y a Météo France. Mais aux USA, c’est un peu différent. Il existe un plus grand nombre d'acteurs de prévisions météo: des organismes publics ou universitaires, mais aussi des entreprises privées comme celles citées plus haut (précisons que les USA ne sont pas un cas unique, nous avons découvert que, pour son service météo sur Windows, Microsoft faisait appel à Foreca, une société... finlandaise).

Plusieurs modèles utilisés par des super ordinateurs

Les prévisions sont réalisées par de puissants ordinateurs qui font tourner des modèles mathématiques sur des données météo comme les températures, la pression, l’humidité, le vent, etc. Il n’y pas qu’un seul modèle météo pour le monde entier. Il en existe de nombreux, certains plus adaptés à telle ou telle situation. "A l’IRM, on travaille avec plusieurs modèles de prévisions. Ils sont choisis par le météorologue en fonction de la météo du jour. Chaque modèle a ses points forts et ses faiblesses. Le prévisionniste, grâce à son expérience, saura exactement quel modèle est le plus adapté à la situation. C’est quelque chose d’assez unique, les autres applications météo travaillent toujours avec un même modèle", vante David Dehenauw, météorologue à l’IRM.

Les données météo recueillies sur terre, mer et dans les airs

Si notre temps change régulièrement au cours des jours, semaines et mois, c’est parce que notre atmosphère est mobile. Elle se comporte comme un fluide, composée de masses d’air qui transportent une certaine quantité de chaleur et d’humidité. Elles se déplacent et se rencontrent, ce qui forme un "front" et peut entraîner des nuages, de la pluie ou encore une chute de température. L’air peut aussi aller de bas en haut. Chaud, il monte et finit par refroidir, amenant la vapeur à se condenser et à former des gouttelettes qui finiront par retomber sous forme de pluie.

Les données météo sont collectées par différents appareils de mesure. L’IRM, comme les autres services météorologiques, s’appuie sur les observations de stations à terre réparties dans tout le pays, de radars, des satellites, de bouées et poteaux en mer. Les avions et les bateaux peuvent également fournir des informations sur la météo. IBM déclare même utiliser les capteurs des téléphones de citoyens qui ont donné leur accord. Ensuite, des ordinateurs super puissants vont établir des prévisions à partir de ces données. Au plus celles-ci seront récentes et précises, au plus les résultats seront fiables. Il y a donc intérêt à ce que les appareils actualisent le plus souvent possible leurs données.

La mission du météorologue

A partir des résultats des machines, la mission du météorologue est de proposer des informations concrètes et compréhensibles au public. "Une fois qu’on a choisi le modèle, c’est le prévisionniste qui gère tout à l’IRM. Il ne fait pas ça manuellement à 100%. On fait confiance aux machines mais c’est nous qui les avons développées et programmées. Grâce à l’expérience du prévisionniste, il regarde ce qui est possible et veille à plusieurs aspects. Le météorologue a le dernier mot, son rôle est plus fort que les calculs, les modèles et les machines", assure David Dehenauw.

Le météorologue analyse les conditions climatiques du jour pour les croiser avec les modèles les plus proches de la réalité. Pour ce faire, il va regarder ce qu’il se passe en Belgique mais aussi dans les pays voisins. Là encore, son expérience est importante puisqu’il connaît les régions de son pays et les comportements météorologiques selon certains facteurs. La présence de chaînes de montagne, de la mer ou de lacs influencera forcément les conditions météorologiques. "On compare les régions de la Belgique, le Nord de la France, les Pays-Bas, l’Angleterre… Parfois on peut choisir deux modèles de prévision différents pour deux régions dans un même pays. On est le seul pays d’Europe à le faire."

Pourquoi les prévisions sont-elles parfois erronées??

On critique souvent la fiabilité des prévisions météo mais, comme le souligne un météorologiste américain interrogé par le média Discover, "La prévision météo est l’un des rares domaines où on peut prévoir l’évolution d’un système de manière précise. On ne peut pas la faire en économie ou en sport par exemple."

La fiabilité des prévisions météorologiques varie dans le temps, dans l’espace et selon ce sur quoi elles portent.

Dans le temps d’abord : les prévisions à court terme sont plus fiables que celles à long terme.

Dans l’espace ensuite : au plus on veut prévoir le temps pour une petite zone (donc une prévision à haute résolution), au plus il faut augmenter la puissance de calculs des super ordinateurs.

La fiabilité varie aussi avec l’élément météo. Par exemple, à l’échelle d’une petite zone géographique, il est plus facile de prévoir de manière sûre les températures que les averses.

Établir une météo par commune s’avère ainsi compliqué pour les précipitations. "Les averses, c’est toujours difficile à prévoir à l’échelle communale, surtout si ce sont des averses aléatoires qui se développent en Belgique et qui ne bougent pas beaucoup. Dans ce cas-là, c’est le radar qui va jouer le rôle le plus important et corriger le modèle de prévision. Les modèles de prévision, même s’ils se sont améliorés, ne sont pas encore capables d’être aussi précis", estime le météorologue David Dehenauw. La taille de la commune peut également avoir une influence sur la météo que vous percevrez. "Si on habite dans une commune assez large et qu’on est éloigné du centre, ça peut varier. On fait des prévisions pour le centre des communes, donc d’un côté on peut avoir des averses et de l’autre côté, il peut faire sec."

A l’inverse, les averses qui se déplacent sur de grands espaces seront plus faciles à prévoir. "Si les averses sont organisées sous forme d’une ligne ou d’un front, il s’agit d’une large zone de précipitations. Dans ce cas-là, on est sûr et certain que quand l’averse va se rapprocher de la Belgique, elle va toucher une bonne partie du pays ou certaines régions, selon sa trajectoire", développe-t-il.

Pour David Dehenauw, l'IRM dispose pour la Belgique "d’un modèle plus détaillé, même par commune, ce que les Américains n’ont pas." Selon le météorologue, si vous souhaitez consulter la météo pour votre région ou votre commune, il est donc préférable de se référer à l’Institut Royal Météorologique. De même, si vous vous rendez dans le sud de la France, consultez plutôt Météo France qui est le service météorologique public dans l’Hexagone.

Quel est le degré de fiabilité ?

"Si on regarde la température dans 48 heures, la marge d’erreur sera en moyenne d’un degré, donc c’est assez proche. En Ardenne, ça peut être un degré et demi. Si on regarde plus loin, de cinq à sept jours, on voit que parfois c’est deux à trois degrés à côté. Si on regarde les prévisions pour quinze jours, c’est entre trois et cinq degrés à côté", explique David Dehenauw.

L’IRM peut croiser jusqu’à 50 prévisions différentes pour obtenir des résultats au plus proche de la réalité pour une période de sept à quinze jours. "On fait une sorte de moyenne sinon ça changerait beaucoup trop. En combinant cinquante prévisions, on est plus stable. Ça peut changer mais pas énormément", dit-il.

Une limite

Notamment grâce à des ordinateurs toujours plus puissants, les prévisions météorologiques s’améliorent d’années en années et devraient continuer à le faire dans les décennies à venir. Toutefois, on n’atteindra jamais une prévision sûre à 100%. Une différence même minime dans une seule donnée météo peut amener le modèle informatique à donner une prévision complètement différente. Le météorologiste et mathématicien Lorenz avait illustré cela par une image poétique en disant que le battement d’aile d’un papillon à Hong Kong pouvait entraîner un changement du temps à New York. Une façon de dire qu’il y a une infinité de minuscules petites choses qui s’additionnent et influencent le temps. "La limite théorique pour les prévisions météos, c’est deux à trois semaines", conclut David Dehenauw.

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