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Réforme des retraites: des droits familiaux à recomposer

La réforme des retraites annoncée par Emmanuel Macron pour 2019 remet en question les droits familiaux, qui bénéficient principalement aux femmes comme les pensions de réversion, mais dont les syndicats eux-mêmes contestent parfois l'efficacité.

Combien vaut un enfant ? C'est, en substance, la question posée aux partenaires sociaux par Jean-Paul Delevoye. Le Haut commissaire à la réforme des retraites reçoit à partir de vendredi syndicats et patronat pour une série d'entretiens sur le thème des droits familiaux.

Les divers avantages accordés aux retraités ayant eu au moins un enfant représentaient en 2012 près de 18 milliards d'euros, un montant sans doute supérieur à 20 milliards actuellement compte tenu de la progression constante des dépenses dites de "vieillesse-survie".

Un gros quart de cette somme est lié à la majoration de durée d'assurance (MDA), qui profite quasi-intégralement aux femmes, sous forme de trimestres de cotisation offerts au titre de la maternité et de l'éducation des enfants.

Dans le futur système voulu par le chef de l'Etat, ce bonus devra toutefois être calculé en points ou en euros car "la majoration de durée ne voudra plus rien dire, mais on n'imagine pas qu'ils la suppriment", indique Philippe Pihet, de Force ouvrière.

La réforme sera aussi l'occasion de mettre sur un pied d'égalité toutes les cotisantes, des fonctionnaires qui ne bénéficient que de deux trimestres par enfant, aux salariées du privé qui en reçoivent huit.

Une disparité "incroyable", juge Dominique Corona, de l'Unsa, pour qui "il serait de mauvais goût d'aligner par le bas".

"Le système devra avoir une base universelle", estime Frédéric Sève, de la CFDT, qui n'exclut pas qu'une entreprise ou une profession puisse "cotiser davantage pour offrir une bonification liée aux enfants".

- "Les temps ont changé" -

Les syndicats sont en revanche nettement moins attachés à la majoration pour les familles nombreuses, qui se traduit par une prime de 10% sur les pensions des retraités qui ont eu 3 enfants ou plus.

Cet avantage, qui pèse pour près de la moitié du montant total des droits familiaux, est versé sans discrimination aux femmes et aux hommes, et sans condition de ressources. De fait, ce dispositif "profite plus aux hommes et aux plus riches", constate M. Sève.

"A l'époque où il a été créé, c'était une politique nataliste à bon compte", mais "si l'objectif est de compenser le préjudice de carrière pour les femmes, alors ce n'est pas efficace", ajoute-t-il

"Les temps ont changé, les familles ont besoin d'aides dès le premier enfant", affirme M. Corona, qui réclame "une politique globale" avec un transfert vers les allocations familiales.

"Si on augmente les prestations familiales, on ne règle pas le problème des retraites des femmes, on sera dans la même situation qu'aujourd'hui", tempère Pascale Coton, de la CFTC.

Son organisation, qui va aussi "demander que la majoration soit donnée dès le premier enfant", préfère "rester sur un pourcentage au moment du départ à la retraite", explique-t-elle, en reconnaissant que "si on donne à égalité aux hommes et aux femmes, on ne résoudra rien".

Pour M. Sève (CFDT), si cette majoration était "calculée en points, elle aurait moins d'effets qu'en pourcentage" sur les inégalités hommes-femmes.

La réforme des droits familiaux se heurte par ailleurs à une contrainte juridique: les droits français et européen empêchent en principe de réserver un privilège lié au sexe. Ce qui n'interdit pas des ajustements techniques.

Les majorations pourraient ainsi être "forfaitisées", avance un autre connaisseur du dossier, qui envisage que chaque enfant donne droit à un bonus mensuel identique pour tous les retraités, "avec une part maternité pour la mère et une part éducation partagée entre les deux parents".

"Comme ça, on s'inscrit dans le cadre de la jurisprudence et on fait de la redistribution pour les femmes". D'une pierre deux coups.

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