Partager:
"Je suis très volontaire. On m'appelle d'ailleurs Toto-le-héros parce que je vais toujours jusqu'au bout, même si je frôle la syncope", assure Salvatore Biancucci, avec un léger sourire dans la voix.
A 57 ans, ce Carolo vient de réaliser un exploit physique. Début mars, il a battu le record mondial du surplace sur un vélo en restant en équilibre pendant exactement 17h 27min et 14sec. Un titre qu'il détenait déjà il y a 20 ans, avant d'être détrôné il y a quelques années. Concrètement, le sportif doit rester sur son deux roues sans toucher le sol. Les pédales servent en quelque sorte d'appui mais ne bougent quasiment pas.
"C'est inimaginable", s'exclame avec fierté sa fille Melinda. C'est elle qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour partager cette performance hors du commun.
"Jeune, j'étais déjà doué pour l'équilibre"
La passion de Salvatore pour le vélo remonte à l'adolescence. "J'ai commencé à rouler avec mon frère aîné quand j'avais 14 ans. On a participé ensemble à des courses. Notre père était déjà fan de cyclisme. C'est vraiment un truc familial", confie-t-il.
"A l'époque, je me souviens que quand on s'arrêtait, au feu rouge par exemple, je ne mettais jamais mon pied au sol. J'étais déjà doué pour l'équilibre", ajoute Salvatore.
Après environ un an de compétitions en tant que junior amateur, le Carolo arrête le cyclisme et commence la course à pied, la natation et la musculation. Au niveau professionnel, il devient soigneur de sportifs.
Premier record battu en 1998
En 1998, en feuilletant les pages du Guinness Book des records chez son frère, Salvatore découvre qu'un Belge détient le record du vélo sur place. "Il est resté en équilibre pendant 10h05. C'était fin des années 80. Du coup, je me suis dit: 'Tiens je ferais bien ça'. Mon frère m'a répondu: 'Cela ne m'étonne pas te connaissant'", se souvient-il.
Apparemment, les proches de ce père de deux filles ne sont pas surpris par cette envie soudaine qui peut paraître farfelue pour certains.
"C'est vrai que tout le monde me dit que j'ai un caractère un peu maso. Il faut un mental de fer et beaucoup de volonté pour se battre non pas contre une personne, comme dans pas mal de compétitions, mais contre le temps. C'est quelque chose qui sort de l'ordinaire. Et comme pour tous les records, il faut se surpasser", souligne le Belge d'origine italienne.
"Tout le monde me dit que j'ai un caractère un peu maso"
Et il réussit à se surpasser en restant 11h30 sur son vélo."Papa a toujours voulu avoir son nom dans le livre des records", confie Melinda, qui se rappelle bien de ce premier titre remporté il y a 20 ans.
Comme à son habitude, le père de famille continue de multiplier les activités physiques. Le sport est un peu comme une drogue pour lui. "Chaque fois que j'arrêtais un sport, j'en reprenais un autre."
A 42 ans, Salvatore décide de passer un brevet pour devenir sauveteur. "Comme je suis perfectionniste, j'ai demandé à un nageur professionnel de m'apprendre les techniques de nage. Comme toujours, j'ai fait des entraînements intensifs et j'ai obtenu mon brevet", explique le Carolo. Depuis lors, il exerce donc le métier de maître nageur.
Il y a 5 ans, son frère, qui n'a jamais arrêté les courses cyclistes, lui propose de réaliser un parcours à vélo en Sardaigne. Après ce voyage sur les routes du sud de l'Italie, Salvatore reprend goût aux pédales et aux compétitions. "J'avais envie de réaliser mon rêve. Depuis ma jeunesse, j'espère atteindre la victoire. Et il y a 2 ans, j'ai enfin gagné une course au sprint à Jemeppe-sur-Sambre", se réjouit-il.
Mon père m'a dit: "Je veux récupérer mon titre"
Mais Salvatore ne s'arrête pas là. En découvrant qu'un Français a battu son record du monde du vélo sur place, une idée germe en lui: pourquoi ne pas se remettre en selle et se surpasser une nouvelle fois. Son but est de dépasser le record établi à 15h27.
"Il s'est mis en tête de le battre", se souvient Melinda."Il était déjà connu dans le monde des cyclistes amateurs et cela l'a motivé. Il m'a dit: 'Je veux récupérer mon titre, vu mon âge, c'est maintenant ou jamais."
Ultra motivé malgré les appréhensions de certains proches, Salvatore s'entraîne à fond pendant six mois pour se préparer à cet événement exceptionnel. Il suit notamment des séances avec un coach sportif qui repère ses faiblesses et lui donne des exercices spécifiques. Il réalise également un bilan de santé et un test à l'effort pour s'assurer que ses capacités physiques soient toujours optimales.
"J'étais au moins 5 fois par semaine plusieurs heures sur un vélo. C'était progressif. Deux semaines avant la date, je suis resté 12h05, et là j'étais rassuré sur mes capacités puisque j'avais déjà réussi à battre mon propre record."
"Après 14h, j'ai un peu paniqué"
Le 9 mars dernier, c'est enfin le Jour J. Dès 6h du matin, Salvatore monte sur son vélo dans une salle de sport à Mont-sur-Marchienne. Il sait qu'il doit tenir au moins jusque 21h30. "Mon ami Jean-Marie qui est mécanicien a travaillé sur mon vélo pour fixer le guidon et la selle aux meilleures positions. Et puis au niveau de l'alimentation, je devais manger du magnésium et j'avais une sonde pour éviter de devoir aller aux toilettes", explique le sportif.
Sa famille et ses amis sont présents en nombre pour l'épauler. Ses deux beaux-fils, qui évoluent eux-mêmes dans le monde du football, le soutiennent avec force.
"A partir de 14h, ils m'ont beaucoup aidé moralement parce que j'ai eu une petite faiblesse. A ce moment-là, j'ai un peu paniqué parce que je tremblais un peu. J'ai même vu un ami sortir parce qu'il avait les larmes aux yeux. Mais mes beaux-fils m'ont remonté le moral et je me suis surpassé", confie Salvatore.
Mais Salvatore ne lâche rien…
Quand il dépasse le record mondial détenu par le Français à 15h27, c'est l'explosion de joie dans sa tête, même s'il reste concentré. "Je me suis dit ça y est je l'ai fait ! Je l'avais promis à beaucoup de monde. Il y a pas mal de gens qui ont organisé l'événement, notamment la ville et mes sponsors. Et puis je ne voulais pas décevoir mes amis et ma famille", souligne Salvatore.
"Juste après avoir dépassé la minute fatidique, j'ai eu comme un second souffle. L'adrénaline a fait passer la douleur. Du coup, je me suis dit je vais continuer. Je vais pousser jusqu'à 1h de plus et si je me sens bien jusqu'à 2h."
"J'ai encore tenu 27 minutes. Là, c'était la limite car je sentais que j'allais tomber dans les pommes"
Après 17h en équilibre, le médecin qui est sur place lui demande s'il ne vaut mieux pas arrêter car ses doigts commencent à picoter. "J'avais l'impression que mon esprit commandait mon corps. J'ai donc encore tenu 27min. Là, c'était la limite car je sentais que j'allais tomber dans les pommes", raconte le Carolo.
Il met le pied à terre et le chronomètre s'arrête donc sur 17h 27min 14sec. "J'ai essayé de lever les bras mais ce n'était pas possible, je n'avais plus de force. Cela a pris 20min pour que je récupère", se souvient-il.
"Un ami m'a dit: 'Tu l'as pulvérisé ton record, c'est une leçon de volonté, de courage et de motivation pour les jeunes coureurs qui sont là'", relate Salvatore.
"J'ai appris que 65.000 personnes ont regardé en direct les vidéos"
Visiblement, la musique et le monde venu l'encourager ne l'ont pas perturbé. Au contraire, cela l'a motivé à repousser ses limites."Il y avait beaucoup d'ambiance autour de moi et plein d'émotions. Et j'ai appris que 65.000 personnes ont regardé en direct les vidéos postées sur les réseaux sociaux, même en Italie où j'ai encore de la famille. C'était fabuleux, magnifique", conclut-il.
Une semaine après cet exploit, le papa de Melinda a encore des cloches aux mains et des picotements dans les doigts."J'avais aussi des brûlures aux fesses à cause du frottement avec la selle. J'ai dû aussi faire masser mon dos et soigné une tendinite."
Aujourd'hui, malgré quelques petites douleurs persistantes, Salvatore se dit en forme. Il espère à présent terminer en beauté sa cinquième saison de courses cyclistes.