Vous êtes nombreux à nous avoir signalé une grève sauvage à l'aéroport de Charleroi ce vendredi 10 décembre. "Grève sauvage au sein de l’aéroport de Charleroi. Pas d’enregistrement depuis tôt ce matin", nous écrit un lecteur. "Aucune information aux passagers en attente, ajoute un autre. "On attend depuis 5h30 ce matin. Nous devions décoller pour 6h30 et aucune information nous est donnée. Les vols ne sont même pas retardés sur le panneau d'affichage", confie un voyageur.
Le hall des départs est bondé et la tension est palpable. Julian est là depuis 4 heures du matin, il devait partir à Ténérife mais son vol a été annulé. "J’ai essayé d’aller à l’aéroport de Zaventem parce qu'il restait un vol. Mais ce qui s'est passé, c'est que tout le monde a pris les derniers vols qui restaient pour là-bas. Je suis revenu ici, maintenant je suis en train de chercher un dernier vol et on va voir un petit peu ce qu’il y a moyen de faire… Ce n’est pas évident", confie le voyageur.
Des annulations, des retards conséquents, mais surtout aucune information. Jean-Claude vient de Perpignan, il avait prévu d'emmener sa femme à Varsovie. "On attend… Qu’est-ce que vous voulez faire d’autre ? Sinon on va retourner chez nous. Mais bon, on est un peu déçu. En plus, on est d’origine polonaise tous les deux et ça nous faisait plaisir de retourner un peu à Varsovie", explique son épouse.
Tous sur leur téléphone, les passagers tentent, tant bien que mal, de trouver une solution. "On avait un vol à 11 heures du matin mais il a été annulé. Donc nous allons aller à Paris pour prendre un train et rentrer en Espagne", indique une autre voyageuse dans le hall des départs.
Dénoncer les conditions de travail
La raison des perturbations ? Un mouvement de grève qui a débuté ce matin et a duré 4 heures. Des bagagistes et du personnel du "checking" ont entamé une grève sauvage pour dénoncer les conditions de travail. À 7h ce matin, Redouane Arba, délégué CSC Transcom, nous expliquait qu'aucun bagage n'avait été enregistré. Les travailleurs n'en peuvent plus et veulent envoyer un message fort à la direction. "On demande encore de la flexibilité à un personnel qui est déjà fortement flexible. Un aéroport, c’est quasiment travailler 7 jours sur 7, du matin jusqu’au soir très tard. Donc ce sont déjà des travailleurs très flexibles", pointe du doigt Yvan Del Percio, secrétaire permanent FGTB.
Si rien n'est fait, d'autres actions sont envisagées dans les prochains jours. "Les travailleurs sont au maximum. Aujourd'hui, on ne sait pas ce qu'on pourrait faire pour être plus rentable. Si, en plus de ça, on leur demande d'être encore plus rentables et de gagner moins, je pense que l'aéroport risque de vivre des moments encore plus forts que ce qu’il se passe aujourd’hui", souligne Michel Gretzer, secrétaire permanent, CSC-Transcom.
"On veut impacter l'aéroport mais pas le bloquer car on veut que les passagers puissent prendre leur avion. Certes un peu en retard mais qu'ils puissent quand même rendre visite à leur famille et voyager en toute sérénité", insiste Redouane Arba.
La situation s'est résorbée doucement mais des perturbations étaient à prévoir toute la journée. La situation a en effet évolué d’heure en heure. Ce matin, on annonçait 14 vols annulés mais ce chiffre a été constamment revu à la baisse puisque les compagnies aériennes tentent, tant bien que mal, de trouver des solutions. Malgré tout, cela a engendré des retards conséquents, jusqu’à 5 heures de retard pour certains vols. Certains vols ont également dû atterrir à Liège et à Maastricht, les passagers ont ensuite été rapatriés vers Charleroi.
Une réunion qui tourne mal
A l'origine de ce mouvement de grève, une réunion qui a mal tourné, a expliqué Alain Goelens, secrétaire permanent Setca. Un bref arrêt de travail était prévu de 4h00 à 5h00 ce vendredi, mais celui-ci a été prolongé jusqu'à 8h00. "Il n'y a eu aucun enregistrement et aucun vol n'a démarré. Un simple arrêt de travail est devenu une grève", a déclaré M. Goelens.
Les travailleurs n'auraient pas apprécié qu'aucun représentant de la direction n'ait pris la peine de se rendre sur place au petit matin. Une réunion aurait finalement débuté vers 8h00 entre travailleurs et direction, après que les délégués ont convaincu les travailleurs de prendre leur service, selon Yves Lambot, secrétaire permanent CNE.
En mars dernier, le conseil d'administration de Brussels South Charleroi Airport (BSCA) avait approuvé le plan stratégique et industriel ainsi que le business plan à l'horizon 2025 qui lui étaient soumis. Les besoins de financement de l'aéroport s'élèvent à 40 millions d'euros, avait indiqué le ministre wallon en charge des Aéroports, Jean-Luc Crucke, à l'issue de la réunion.
La direction souhaiterait appliquer un "effort salarial" de 5%, mais les syndicats exigent que cet effort soit progressif en fonction des rémunérations. Un autre problème serait la flexibilité accrue des travailleurs, voulue par la direction. "Nous demandons que la direction prenne conscience que ce qu'elle met sur la table est imbuvable dans le contexte actuel (de crise sanitaire, NDLR)", selon Alain Goelens. "Depuis la montée en puissance de l'actionnaire privé, il y a une volonté d'effectuer des coupes drastiques dans les conditions de travail et le salaire des travailleurs, dans le but d'augmenter les dividendes", dénonce-t-il.
