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Quelque 80 inspecteurs de la police judiciaire fédérale et 40 membres des différents services des inspections sociale et fiscale ont pris part à une vingtaine de perquisitions touchant l'entreprise de transport Jost International. Quatre personnes ont été interpellées et devaient comparaître lundi devant un juge d'instruction liégeois. Elles sont suspectées de fraude sociale, traite des êtres humains et organisation criminelle. Le groupe Jost nie toute implication.
Les enquêteurs de la police fédérale ont effectué lundi matin, dans un dossier de fraude sociale, des perquisitions à quinze adresses en Belgique liées à une entreprise de transport, nous apprend le parquet fédéral. "Nous sommes accusés à tort de dumping social, comme beaucoup de sociétés de transport avant nous, en Belgique et au Luxembourg", a indiqué par communiqué le groupe JOST. Son nom n'avait pas été dévoilé par le parquet fédéral mais la RTBF et la VRT avaient précisé qu'il s'agissait bien de cette société de transports internationaux et de logistique, active en Wallonie et en Flandre.
55 millions d'euros de manque à gagner
Le parquet fédéral a ajouté que des perquisitions ont aussi été menées en Roumanie et au Luxembourg. En Belgique, plusieurs villes ont été concernées, à savoir Stavelot, Jalhay, Stoumont, Chaudfontaine, Waimes, Herstal, Herve, Grâce-Hollogne, Nivelles, Wavre-Sainte-Catherine, Anvers, Kontich, Zaventem et Ypres. Quatre personnes ont été emmenées pour être présentées à un juge d'instruction. L'entreprise est suspectée de faire du dumping social en recrutant en Europe de l'Est des conducteurs de camions pour les faire travailler en Belgique aux conditions d'emploi de leur pays d'origine. Il y aurait 1.100 chauffeurs employés de cette manière. Le manque à gagner pour la sécurité sociale belge s'élèverait à quelque 55 millions d'euros entre 2014 et 2016.
Le sort de travailleurs roumains inquiète le parquet fédéral
Le sort de travailleurs roumains inquiète en outre le parquet fédéral. Ceux-ci "pourraient prétendre à une rémunération largement supérieure à celle qui leur est effectivement versée. Les conditions d'emploi extrêmement difficiles (logement dans le camion pendant des périodes de quatre à six semaines, temps de travail particulièrement long...) des travailleurs roumains amènent à suspecter la commission d'infractions de traite des êtres humains", souligne le parquet.
"L'utilisation des travailleurs détachés est une réalité dans le secteur du transport, mais..."
"L'utilisation des travailleurs détachés est une réalité dans le secteur du transport, mais nous sommes particulièrement attentifs à ce que cela se fasse dans le strict respect des législations nationales et européennes. Si l'enquête devait mettre en lumière des agissements frauduleux, il conviendrait évidemment de prendre toutes les mesures nécessaires pour y mettre fin", a souligné dans un communiqué la CGSLB qui demande une solution de mise sous tutelle judiciaire de l'entreprise dans le cas où le management du groupe serait empêché d'assumer ses fonctions.
"Un effet dissuasif"
"Nous espérons que cet incident dans une des plus grandes sociétés de transport du pays aura un effet dissuasif", a réagi, satisfait, Jan Sannen, le responsable général de la CSC Transcom qui précise que les perquisitions ont eu lieu à Liège et Anvers. Le syndicat chrétien propose que des contrôles renforcés soient également opérés par l'inspection dans de grandes entreprises, pas seulement dans les PME.
Jost nie toute implication, la Febetra et l'UPTR rappellent que la société bénéficie de la présomption d'innocence
Le groupe JOST a souligné pour sa part être "parfaitement en ordre à tous les niveaux" et agir en "collaboration totale avec les autorités". De leur côté, les fédérations professionnelles du transport, Febetra et UPTR, rappellent que la société Jost bénéficie à ce stade de la présomption d'innocence. "L'enquête devra déterminer s'il est vraiment question de fraude sociale. Si c'est le cas, de tels faits doivent être sanctionnés sévèrement car il s'agit d'une concurrence déloyale", a indiqué une porte-parole de la Febetra. L'UPTR dit, de son côté, prendre acte des perquisitions. Elle se félicite des contrôles menés par les autorités mais regrette que "le boulot n'ait pas déjà été fait il y a une dizaine d'années".
"Nous sommes là pour défendre les entreprises belges"
L'Union professionnelle du transport & de la logistique affirme balayer devant sa porte en publiant notamment l'ensemble des lignes de conduite à suivre pour toute société désirant mener une activité dans le secteur du transport en Belgique. "Nous sommes là pour défendre les entreprises belges. Libre à chacune d'avoir une filiale à l'étranger, dans la légalité, mais nous ne sommes pas un bureau de plaintes et ce n'est pas à l'UPTR qu'il faut venir pleurer pour des problèmes avec des filiales à l'Est", a commenté le secrétaire général de l'UPTR, Michaël Reul. Ce dernier précise que Jost est l'une des entreprises les plus importantes dans le domaine en Belgique avec H.Essers. Un des directeurs de Jost est membre du conseil d'administration de l'UPTR.