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La guerre des poules continue à Maredret

Nous vous en avions parlé au mois de décembre dernier. Dans le petit village de Maredret, près de Maredsous dans le Namurois, les habitants se déchirent toujours autour du projet d'un jeune agriculteur. Une histoire digne d'un roman de Pagnol.

Il était une fois un jeune agriculteur au visage poupin, Quentin Bocart, fils, petit-fils et arrière-petit-fils d'agriculteur. Quatre générations liées aux terres fertiles du Namurois. Quentin représente la dernière génération. La nouvelle, aussi. Celle qui perpétue mais veut aussi innover. Il était donc une fois un jeune agriculteur qui rêva de construire un poulailler de 24.000 poules à Maredret. Un projet pour diversifier les activités de la ferme. Un projet "respect" où les poules pourraient gambader dehors, dans un enclos, au bon air du Maredret. Un projet en béton, solide,  "allemand" serait-on tenté de dire, Quentin nous déclarant que son poulailler respecte les normes les plus exigeantes, les plus dures: les normes allemandes.

Les opposants: Poules = "Un non-sens" 

Mais voilà, les normes allemandes, à Maredret dans le Namurois, de nombreux riverains n'en ont que faire. Quand Quentin est arrivé les yeux brillants avec son projet, il a fait face aux yeus farouches et sombres de riverains opposés à son "dream" de 24.000 volailles. Selon ceux-ci, le poulailler est trop proche des habitations (environ 140 m). Une tache dans le paysage qui vient gâcher l'image hautement touristique de Maredret centrée sur l'artisanat. "Ecoutez, on a dépensé des millions d'euros pour faire le Ravel, pour embellir le coeur du village, n'est-ce pas. On va racheter un terrain pour faire un parking et attirer les touristes à Maredret, alors, c'est un peu un non sens de vouloir prêcher l'artisanat à outrance et faire une industrie à 500 m du village!" s'offusque Gérard Gillot devant une prairie matinale, verte et humide.

Bocart père et fils: Maredret ne doit pas devenir un village-dortoir

Quentin Bocart et son père ne partagent pas le même avis sur la vocation de Maredret. Pour eux, la campagne appartient encore aussi aux agriculteurs. Et le tourisme aurait tout à y gagner: "Les gens viennent aussi pour voir des fermes en activités. Si c'est pour avoir un village-dortoir où il n'y a que des gîtes, il n'y a rien qui se passe dans le village, on ne verra plus un tracteur, on ne verra plus rien du tout" raisonne Stéphane Bocart, le papa de Quentin Bocart.

La guerre

Quentin Bocart organise une réunion pour expliquer son projet. Mais c'est le bide. Presque personne ne vient. Surtout pas les opposants. La guerre des poules a bel et bien commencé dans la verte vallée de Maredsous.

La première bataille est remportée par les riverains anti-poules. La demande de permis est rejetée par la Région wallonne au printemps dernier.

Les Bocart pro-poules préparent une contre-offensive. Quentin Bocart propose de reculer l'emplacement du poulailler d'une centaine de mètres. De plus, l'installation se retrouvera dans une cuvette et sera cachée par des vergers,  haies. On ne verra donc presque plus rien du village. Quentin organise une seconde enquête publique. Elle se clôture le 12 décembre. Quentin l'emporte: à Maredret même, 90 se prononcent pour le projet, 60 contre. Lors de la première enquête publique, une majorité avait exprimé son opposition (49 contre 47).

Pressions ?

Mais tout le monde a-t-il été invité à se prononcer ? Une internaute, habitant Denée, un petit village juste à côté de Maredret et du poulailler se plaint que 'non'. Certains riverains parlent aussi de pressions pour dire "oui". Des pressions politiques. C'est que, Stéphane Bocart, agriculteur, père de Quentin Bocart est aussi échevin des travaux et de l'urbanisme de Maredret. Celui-ci nie avoir participé aux discussions du Conseil communal autour du poulailler de son fils. Mais le riverain Gillot affirme que les gens n'osaient pas prendre parti parce que ce n'était pas anonyme, parce qu'il y avait leur nom et qu'ils avaient peur de représailles.

Le papa-agriculteur-échevin-pro-poules riposte. Pour lui, les puissants, ce sont les opposants: "Il s'agit d'une minorité très active, très renseignée, des gens qui ont beaucoup de moyens, beaucoup de pouvoir et de qualités intellectuelles et qui peuvent manipuler un petit nombre de personnes". Cette minorité reste opposée. Le nouvel argument: en se mettant dans une cuvette pour ne plus gâcher la vue, le poulailler amène un nouveau problème. L'enclos extérieur, où vont batifoler des milliers de gallinacées, se retrouve maintenant en pente. Il y a donc possibilité d'un danger de ruissellement vers le cours d'eau et les nappes phréatiques situés en bas. Une internaute mentionne, elle, une allergie de son fils aîné. De nombreuses autres nuisances potentielles ont été répertoriées par le réseau Molignée Ecologie dans un document (consultez ce document).

La ville n'est pas la campagne 

Qu'en pense l'arbitre au milieu du combat de coq ? Virginie Hesse de Wallonie Inter-environnement explique que, s'il est vrai que certains arguments des riverains sont recevables dans la guerre des poules, ce genre d'affaires a tendance à se multiplier dans nos campagnes avec l'arrivée de gens des villes qui veulent tous les bénéfices de la campagne sans en avoir les désavantages.

En attendant, la guerre des poules continue. La demande de Quentin est toujours en cours. Elle semble avoir de plus en plus de chance d'aboutir. Toutefois une étude communale d'incidence pourrait encore avoir lieu... Aucune décision n'est attendue avant fin janvier. mais cela ne constituera sans doute pas encore l'épilogue. Des recours pourraient encore être introduits. La guerre n'est pas finie. Cot cot...

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