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Accusé d'héberger de la pédopornographie et des viols, Pornhub désactive près de 80% des vidéos sur son site

Exploitation sexuelle de mineurs, viols, enfants abusés, images volées... Le site Pornhub a supprimé 80 % des vidéos de sa plateforme après les révélations et l'enquête du New York Times.

"Le problème de Pornhub ce n’est pas la pornographie, c’est le viol", peut-on lire dans l'enquête du New York Times, à travers la plume de Nicolas Kristof, grand journaliste primé par deux Pulitzer. 

Pornhub, ce site porno qui attire tous les mois 3,5 milliards de visites, soit plus que Netflix, Yahoo ou Amazon, vient d'être classé dixième site le plus visité au monde. Mais la plateforme est dans la tourmente depuis les révélations faites par le New York Times.

L'un des sites porno les plus populaires de la planète est accusé d'héberger des millions de vidéos présentant des enfants abusés, des femmes espionnées sous la douche ou encore asphyxiées dans des sacs en plastique, des victimes de trafic sexuel, des viols mais aussi des cas de revenge porn (à savoir la publication d'un contenu sexuellement explicite sans le consentement de la ou des personnes apparaissant sur ce contenu et dans le but de nuire à cette ou ces personne(s), ndlr). 

Le grand reporter n'en est pas sorti indemne: "Je suis tombé sur de nombreuses vidéos qui étaient des agressions de femmes inconscientes", témoigne-t-il. "Les violeurs ouvraient les paupières des victimes et touchaient leurs globes oculaires pour montrer qu'elles étaient sans réaction."

Les premières répercussions n'ont pas tardé: Mastercard et Visa ont annoncé, ce jeudi, que leurs cartes de crédit ne pourraient plus être utilisées dans l'immédiat pour effectuer des paiements sur Pornhub. Les deux entreprises ont gelé leurs relations avec Pornhub, et annoncé qu’elles poursuivaient leur enquête sur le fonctionnement du site de leur côté. 

Depuis ces révélations et le retrait des deux entreprises, Pornhub a désactivé 80% du contenu sur son site, passant de 13,5 millions de vidéos à 2,9 millions lundi soir, selon un décompte fait par le média Vice

Des nouvelles mesures prises par Pornhub

Comme Youtube, Pornhub permet à tout un chacun de poster sa réalisation. Des vidéos monétisées qui rapportent de l’argent à celui ou celle qui les a postées, en fonction du nombre de vues. Chaque année, quelques 6,8 millions de vidéos sont publiées sur la plateforme, en grande majorité par des utilisateurs "lambdas" et dont l'identité n'est pas vérifiée.

Les plus de 10 millions de vidéos désactivées de la plateforme avaient elles aussi été publiées par des utilisateurs non vérifiés, ce qui signifie qu'ils ne possédaient pas de compte partenaire (comme les actrices et acteurs porno, les studios de production, etc.).

Dans un communiqué publié ce lundi, Pornhub détaille le lancement d'un tout nouveau système de vérification de ses contenus pour 2021. En attendant, toutes les vidéos publiées par ces comptes non vérifiés ont été rendues inaccessibles. 


Un contrat qui protégera les participants aux vidéos pornographiques et les clients du site ?

Les vidéos des comptes qui deviendront "vérifiés" à l’avenir pourront être remises en ligne. Mais le communiqué ne révèle pas si pour cela, il suffira aux personnes de vérifier leur compte, ce qui ne nécessite d’envoyer une photo de soi à Pornhub. Ou s’il faudra également rejoindre le "Programme de modèles", qui oblige à signer un contrat et à s’assurer que les acteurs et actrices ont non seulement l’âge légal pour apparaître dans les vidéos, mais qu'aussi, ils ont donné leur consentement pour y figurer.

A l’heure actuelle, seuls les membres partenaires de ce programme peuvent continuer de publier des nouvelles vidéos sur Pornhub. Et s’ils le souhaitent, ils peuvent proposer aux internautes des téléchargements (payants) de leurs vidéos. "La semaine dernière, nous avons mis en place les mesures de protection les plus complètes de l'histoire des plateformes à contenu généré par les utilisateurs", indique Pornhub, basé à Montréal. 


Pornhub a-t-il cherché à lutter contre les vidéos illicites? Le journaliste à l'origine de l'enquête en doute

Selon le Youtube du Porno, de telles "conditions d'utilisation" n'ont pas encore été mises en place par les réseaux sociaux populaires comme "Facebook, Instagram, TikTok, YouTube, Snapchat et Twitter". Mais le communiqué ne précise cependant pas si des mesures similaires ont été prises pour les autres sites pornographiques gérés par la maison mère de Pornhub, MindGeek, qui possède aussi les sites Youporn et RedTube.

N’accepter que les vidéos d’utilisateurs vérifiés, empêcher le téléchargement et améliorer la modération : les trois annonces de Pornhub correspondent finalement mot pour mot aux recommandations faites par le journaliste du New York Times dans son article. 

Si Pornhub assure dans son communiqué "avoir toujours cherché à éliminer les contenus illégaux, et notamment les vidéos d’actes non consentis ou pédopornographiques", le journaliste doute de la bonne volonté de la plateforme. 

Une réponse tardive 

Même si l’entreprise assure que ses nouvelles conditions d’utilisation sont encore plus poussées que celles mises en place par les réseaux sociaux les plus populaires, en réalité, Pornhub a mis trop de temps à réagir. Le New-York Times explique qu’en 3 mois cette année, Facebook a retiré 12,4 millions de photos liées à l’exploitation sexuelle des enfants. Twitter a fermé 264.000 comptes problématiques en 6 mois. Le contraste est assez flagrant puisque sur Pornhub, seulement 118 cas d’images d’abus sexuels sur des enfants ont été signalées en 3 ans.

Une sous-représentation qui peut s’expliquer, selon le New-York Times, par le fait que le public sur Pornhub est en quelque sorte "préparé" à voir des images choquantes et ne signale donc pas les problèmes.

Ce scandale Pornhub pose le problème des plateformes en ligne où tout un chacun peut y publier ses réalisations. La plateforme de streaming vidéo, Youtube, avait déjà été dans la tourmente l'année dernière après qu'un réseau de pédophilie avait été démantelé. Des adultes échangeaient entre eux des liens menant vers des publications mettant en scène des enfants. Des petites filles en entraînement de gymnastique, des enfants en train de jouer, danser. Sous ces vidéos innocentes, des centaines de commentaires à caractère sexuel... et de la pub. 

En urgence, et face à la colère de ces annonceurs, YouTube avait réagi en supprimant ou démonétisant certains comptes.

Pornhub déjà accusé de partager des vidéos pédopornographiques et de viols en 2019 

La régulation de contenus illégaux de Pornhub, qui a recensé 42 milliards de visites en 2019, est pointée du doigt depuis plusieurs années.

En 2019, plusieurs grands groupes, dont Unilever et Kraft Heinz, avaient déjà pris leurs distances avec le site après qu'un article du journal britannique The Sunday Times révélait avoir trouvé sur la plateforme des contenus illégaux, dont des vidéos de pédopornographie.

"Au cours des deux dernières années, MindGeek a attiré l'attention sur elle à l'échelle internationale en raison de l'exploitation réelle de femmes et de mineurs", souligne vingt parlementaires canadiens à travers une lettre ouverte envoyée au ministre de la Justice fin novembre. Ils y demandaient des mesures "rapides" contre Pornhub et MindGeek.

Chaque mois, environ 10.000 signalements de cas d'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet sont traités par Cyberaide, le centre canadien qui reçoit et traite les signalements du public. 

Le gouvernement canadien a annoncé qu'il déposerait un projet de loi début 2021 pour obliger les plateformes en ligne à retirer tout contenu illégal.

"On est en train (...) d'établir une réglementation très forte là-dessus", a déclaré lundi le Premier ministre canadien Justin Trudeau dans une interview à la chaîne publique Radio-Canada.

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