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Un photographe syrien blessé par la police lors de la manifestation contre la loi "sécurité globale" à Paris

Ce samedi, quelque 46.000 personnes ont manifesté à Paris contre la très controversée proposition de loi 'sécurité globale' et les violences policières. Ameer al Halbi, un photojournaliste syrien indépendant, couvrait la manifestation place de la Bastille. Il a reçu un coup de matraque au visage lors d'une charge de police, son nez est cassé et son arcade sourcilière gravement ouverte. Reporters Sans Frontières (RSF) dénonce des violences policières "inacceptables".

Installé en France depuis près de trois ans, Ameer al Halbi, photojournaliste de 24 ans, couvrait la manifestation contre la proposition de loi "sécurité globale" et les violences policières place de la Bastille à titre indépendant. Collaborateur de Polka Magazine et de l'AFP, il a été blessé au visage par un coup de matraque asséné par la police.

Ce samedi, la marche a rassemblé 46.000 personnes à Paris. "Floutage de gueule", "Qui nous protègera des féroces de l'ordre ?", "Baissez vos armes on baissera nos caméras": les manifestants ont sorti les pancartes et fait fleurir les slogans contre un texte jugé attentatoire à "la liberté d'expression" et à "l'Etat de droit" par ses opposants.

Très controversée, la proposition de loi "sécurité globale" est accusée d'être "liberticide" notamment parce qu'elle prévoit de restreindre la possibilité de filmer la police tant pour les citoyens et les associations que pour les journalistes sur le terrain. Des sanctions sont prévues pour les contrevenants. 

Depuis l'annonce de cette loi, syndicats de journalistes et associations s'insurgent. Ils manifestent pour que la liberté de la presse et celle des citoyens ne soit pas bafouée.

Une nouvelle violence policière envers un journaliste en exercice 

C'est donc dans ce contexte politique tendu que, Ameer al Halbi, un photojournaliste a été grièvement blessé au visage par des policiers, alors qu'il exerçait sa profession et était selon lui, "parfaitement identifiable". 

Nous étions identifiables comme photographes et tous collés à un mur. On criait 'presse! presse! (...) Puis la police a mené une charge, matraque à la main!

La photojournaliste indépendante Gabrielle Cezard se trouvait aux côtés d'Ameer Al Halbi peu avant qu'il ne reçoive le coup de matraque. Elle explique l'avoir perdu de vue au moment d'une charge de la police dans une petite rue. "Nous étions identifiables comme photographes et tous collés à un mur. On criait 'presse! presse!'. Il y avait des jets de projectiles du côté des manifestants. Puis la police a mené une charge, matraque à la main", a-t-elle raconté à l'AFP.

Je l'ai retrouvé (...) le visage tout ensanglanté et enveloppé de pansements

"Ameer était le seul photographe qui ne portait ni casque, ni brassard. Je l'ai perdu de vue puis je l'ai retrouvé entouré de gens, le visage tout ensanglanté et enveloppé de pansements", a-t-elle affirmé. "Il était psychologiquement très touché, il a pleuré, et a dit qu'il ne comprenait pas 'pourquoi c'était mal de faire des photos'", a poursuivi la photographe.

L'AFP et Polka Magazine "choqués"

"Nous sommes choqués par les blessures infligées à notre collègue Ameer al-Halbi et nous condamnons cette violence non provoquée", a affirmé dimanche Phil Chetwynd, directeur de l'information à l'AFP.

Il exerçait son droit légal comme photojournaliste couvrant les manifestations dans les rues de Paris

Il a souligné qu'au moment des faits, Ameer al-Halbi "exerçait son droit légal comme photojournaliste couvrant les manifestations dans les rues de Paris" et qu'il "se trouvait avec un groupe de collègues clairement identifiés comme journalistes"

Puis d'ajouter: "Nous demandons à la police d'enquêter sur ce grave incident et de s'assurer que tous les journalistes soient autorisés à mener leur travail sans peur ni restriction".

La rédaction de Polka Magazine, avec qui le photographe collaborait également, a exprimé dimanche "sa forte indignation suite à l'agression policière dont (il) a été victime".

"Le violent coup de matraque qui l'a blessé au visage visait délibérément un photojournaliste qui exerçait librement son métier", a affirmé dans un communiqué Alain Genestar, directeur de la publication.

Selon Dimitri Beck, directeur de la photographie de Polka qui suit Ameer depuis son arrivée en France il y a près de trois ans, le photographe a eu le nez cassé et a été blessé à l'arcade sourcilière. Il a été transporté à l'hôpital Lariboisière.

D’après le journaliste de Mediapart Antton Rouget sur Twitter, Ameer al-Halbi a "été pris en charge par des street medics, qui ont été bloqués plusieurs fois par des CRS au moment de l’amener à l’hôpital".

Là, ce sont des images de Syrie qui ont envahi ma tête. Je ne pensais pas que ça pouvait arriver en France. C'est Alep qui est revenu samedi soir.

Des propos confirmés par le photojournaliste lui-même ce dimanche: "Le choc a été très dur, en particulier au moment où je me suis retrouvé blessé, saignant fortement au visage, et bloqué pendant deux heures dans la manifestation, coincé entre les manifestants et les policiers qui ne voulaient pas nous laisser sortir pour rejoindre l'hôpital. Là, ce sont des images de Syrie qui ont envahi ma tête. Je ne pouvais pas imaginer que ça puisse arriver en France. C'est Alep qui est revenu samedi soir."

Récompensé par de nombreux prix

A Bayeux (qui célèbre chaque année les correspondants de guerre), Ameer al Halbi a remporté le prix du "Regard des jeunes de 15 ans" pour un cliché pris pour l'AFP montrant deux hommes, serrant chacun un nourrisson dans leurs bras et marchant dans une rue d'Alep en ruines. A Paris, il a notamment suivi une formation à l'école de photos Speos.

Ameer al Halbi a aussi remporté plusieurs prix internationaux, notamment le 2e prix de la catégorie "Spot News" pour le World Press Photo en 2017 et a couvert pour l'AFP les combats et les ravages dans sa ville d'Alep, en plein conflit syrien. C'est pourtant en France, pays où il était venu se réfugier, qu'il subit des violences policières. 

"Certains se demandent que fait la police. Et bien voici Ameer Al Halbi, photographe syrien qui a quitté la Syrie pour fuir la guerre en 2016. Aujourd'hui, ce sont les coups des forces de l'ordre françaises qu'il a subi", s'indignait hier sur Twitter le photographe documentaire, Vincent Jarousseau.  

Une enquête "administrative" ouverte

Une enquête "administrative interne" a été ouverte par la police ce dimanche pour établir les circonstances dans lesquelles Ameer al-Halbi a été blessé hier à Paris, a-t-on appris de source policière.

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