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Le "Bois Dormoy", une étape dans l'errance des migrants à Paris

"On nous a dit qu'il faudrait partir aujourd'hui. Ça veut dire que ce soir, on dort à la rue": pour les migrants réfugiés dans le jardin associatif du "Bois Dormoy", près de la gare du Nord, l'errance dans Paris risque de reprendre dès jeudi.

Assis sous un bosquet, dans ce parc coincé entre deux immeubles, Mohamed Djalou montre le matelas où il a passé la nuit. "On est fatigués, on ne dort pas tranquilles, il n'y a pas d'endroit où prendre une douche ici, et une seule toilette pour tout le monde", explique ce Guinéen de 28 ans.

Près de lui, un homme allongé sur un carton dort encore, une valise à roulettes serrée sur son matelas de fortune. Le parc est constellé de duvets délavés et de couvertures de survie, de sacs en plastique, de vêtements étendus sur les branches, qui contrastent avec l'aspect doucement bohème de ce coin de bois perdu en plein Paris.

Environ 170 personnes, selon les militants présents, ont passé la nuit de mercredi à jeudi au "Bois Dormoy". Il étaient 140 la nuit précédente, et un peu moins de 100 lundi, assurent-ils.

Certains errent depuis une semaine, après le démantèlement du campement de La Chapelle, le 2 juin. "Mon nom n'était pas sur la liste, je me suis retrouvé sans endroit où dormir", assure Mohamed, en allusion au recensement mené en amont de l'évacuation. "Mais beaucoup sont revenus après une nuit à l'hôtel", ajoute-t-il, résumant le dilemme de ces hommes relogés parfois très loin, souvent sans accompagnement: "C'est mieux d'être ensemble".

- La solidarité des riverains -

Au fil des évacuations, le groupe s'est fixé sur plusieurs lieux du XVIIIe arrondissement, de l'église Saint-Bernard à la Halle Pajol, puis au Bois Dormoy, où la solidarité des riverains joue à plein.

Un vieux Maghrébin descend de sa voiture pour donner un duvet. Une jeune femme sort des boîtes de conserve de son sac à dos. "J'ai trois quarts d'heure, dites-moi quoi faire", lance une femme d'un certain âge avant de s'atteler à la découpe des poivrons pour le repas de midi.

Mais l'association qui gère le jardin se dit débordée et elle a prévenu : l'accueil ne pourra se prolonger au-delà de jeudi 17H.

"Nous sommes très contents de leur avoir ouvert la porte, cela leur a permis de se requinquer et d'attirer l'attention", assure Agathe Ferin-Mercury, la secrétaire générale de l'association du Bois Dormoy. "Mais nous n'avons pas les compétences pour gérer ce genre de situation. Il y a un risque sanitaire. L'association n'a pas la capacité de se substituer aux pouvoirs publics".

"Ce qu'il nous faut, c'est un lieu stable pendant 15 jours pour leur donner le temps de réfléchir à demander l'asile", affirme de son côté Antoine de Cabanes, un riverain et militant communiste.

La maire de Paris Anne Hidalgo s'est dite favorable à la création d'un tel centre, sans pour autant donner de calendrier de mise en place.

En attendant, où iront les migrants du Bois Dormoy jeudi? "Les associations ont procédé mercredi à un diagnostic et travaillent à la mobilisation du maximum d'hébergements disponibles dès ce soir", assure-t-on à la ville de Paris.

Une soixantaine de personnes peut ainsi espérer être hébergée, soit en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, soit en hébergement d'urgence pour les migrants "en transit".

Cela ne règlera pas la question à long terme, alors que Paris voit débarquer chaque jour de nouveaux exilés.

D'autant que les migrants du premier campement, à La Chapelle, risquent de revenir vers le XVIIIe arrondissement, à l'échéance de leur hébergement d'urgence.

Ainsi, Yacoub a passé une semaine dans un hôtel de Seine-Saint-Denis. "Je suis prêt à demander l'asile", affirme-t-il. "Mais depuis qu'on est partis à l'hôtel, personne n'est venu pour nous guider".

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