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Arnaud déménage à 1 km et sa connexion internet tombe à 3 Mbps: "Pourquoi dois-je payer autant qu'un client qui a la fibre?"

Le prix des télécoms a une fâcheuse tendance à augmenter ces dernières années. Le cap des 100€ pour le pack 'tout compris' sera bientôt franchi. Si pour certains, c'est justifié car la qualité des services fournis est à la hauteur, c'est nettement moins le cas pour ceux qui habitent des zones mal reliées au réseau. C'est le cas d'Arnaud, un habitant de Petigny (commune de Couvin).

La Belgique est un petit pays, assez fortement peuplé. Nous sommes tous habitués à cette grande densité démographique qui a plusieurs avantages. L'un d'entre eux est la qualité de la couverture des opérateurs télécoms, ceux-ci ne devant pas tirer des dizaines de kilomètres de câblage pour passer d'une ville à l'autre.

On trouve donc assez normal d'habiter un paisible village de quelques centaines de ménages et de bénéficier néanmoins d'un bon accès à internet, à la télévision digitale et à la 4G. Mais forcément, il y a des zones en Belgique, et particulièrement aux confins de la Wallonie, qui ne bénéficient pas d'une bonne couverture.

Arnaud a déménagé récemment du centre de Nîsmes, une section de la commune de Viroinval, au centre de Petigny, une section de la commune de Couvin. Deux villages voisins de taille modeste, séparé par une rue. Mais avec une très grande différence pour Arnaud: la qualité de sa connexion à internet, qui est passée de bonne à catastrophique.

Que fait-on avec 3,2 Mbps en 2017 ?

"Quand j'habitais à Nismes, j'étais chez Scarlet (l'offre commercial low-cost de Proximus qui utilise donc ses infrastructures, NDLR). J'avais une bonne connexion, avec un internet rapide, deux décodeurs TV dont un dans la chambre, tout fonctionnait très bien. J'avais le pack trio, je payais 40€ par mois".

En déménageant à Petigny, notre témoin de 30 ans a dû passer à Proximus ("80€ par mois, avec un abonnement GSM en plus"). Mais en plus d'une grosse hausse de prix, il a hérité d'une connexion devenue pratiquement obsolète. Au moment de notre interview, il a fait un test, en plein milieu de l'après-midi, une période relativement calme: "J'ai une vitesse de téléchargement de 3,28 Mbps".

Si ça ne vous parle pas, sachez que la vitesse moyenne de la couverture ADSL de Proximus (une technologique couvrant 99,85% de la population) est de 64 Mbps, d'après les propres chiffres de l'opérateur. Ce qui permet d'avoir plusieurs décodeurs TV avec multiples enregistrements (un signal HD représente environ 5 Mbps), tout en surfant simultanément sur un ordinateur et des smartphones à des vitesses très raisonnables.

Avec 3 Mbps, par contre, on ne sait plus faire grand-chose. En 2017, c'est même devenu handicapant. "Je n'ai même pas la TV HD (or les TV sont de plus en plus grandes)", constate Arnaud.

Même un smartphone situé à 200 mètres d'une antenne 4G atteint des vitesses de 20 Mbps…

Avant, pour télécharger un épisode d'une série de 25 minutes, ça prenait deux ou trois minutes. Maintenant ça en prend 40

On lui avait promis la lune, il demande de payer un prix juste

Une situation qui, à la longue, enrage notre témoin. "Au quotidien, c'est très énervant d'aller sur internet, c'est très lent et c'est encore pire quand la télévision est allumée. Ma femme ne sait plus regarder la télé dans sa chambre car on ne peut relier qu'un seul décodeur, or elle aimait bien de le faire".

Un exemple concret: "avant, pour télécharger un épisode d'une série de 25 minutes, ça prenait deux ou trois minutes. Maintenant ça en prend 40".

Arnaud est d'autant plus révolté qu'avant de conclure un contrat avec Proximus en janvier 2017, "par téléphone, on m'avait évidemment promis que la fibre allait être installée à Pétigny au mois de mars".

Mais rien n'a changé, pratiquement un an plus tard. "Pourquoi dois-je payer le même montant qu'un client qui a la fibre optique pour un service nettement moindre?", se demande-t-il justement ?

Proximus a de bonnes nouvelles pour les zones isolées

Il y a plus d'un an, nous avions posé une question similaire à Proximus, qui nous avait déclaré que "dans le prix d'un abonnement, les clients ne paient pas uniquement le débit, mais aussi tout ce qui va avec". Et que "si on devait faire payer les clients proportionnellement aux coûts des infrastructures pour de l'internet loin dans les campagnes, ils seraient très contents de la situation actuelle".

Le porte-parole de l'opérateur précise aujourd'hui que "les chiffres de couverture haut débit en Belgique sont parmi les meilleurs au monde, l'ADSL est accessible à 99.85% de la population avec des vitesses moyennes de 64 Mbps et la télévision digitale interactive est disponible pour plus de 95% de la population".

Mais il y a forcément des déçus, des zones trop isolées que pour justifier des investissements de connexion (tranchées, câblages, armoires de rue, etc).

Proximus a, en réalité, deux angles d'attaque pour l'avenir. Le premier, c'est la fibre. "On va investir 3 milliards d'euros dans les 10 prochaines années pour accélérer le déploiement de la fibre optique (vitesse jusqu'à 225 Mbps pour les particuliers) en Belgique. L'objectif consiste à couvrir 85% des entreprises et 50% des foyers". Notez bien que lorsqu'Arnaud parle de "fibre" dans son village, il s'agit de "fiber-to-the-curb", c'est-à-dire le fait d'amener la fibre à une armoire près d'une zone d'habitations, et de la déployer sous forme de VDSL pour les maisons avoisinantes.

Mais l'opérateur semble se préoccuper des zones plus reculées. "Nos ingénieurs cherchent des solutions. Ils en testent actuellement deux en Wallonie, l'une d'elle est faite en partenariat avec Tessares, une spin-off de l'Université Catholique de Louvain basée à Louvain-la-Neuve. Cette technologie, qui combine les bandes passantes des réseaux fixe et mobile existants, permet d'améliorer l'expérience de surf des clients dans les zones rurales étendues et peu denses (dans des endroits très éloignés des armoires de rue). Après un test réussi à Frasnes-lez-Anvaing en 2016, on a décidé d'élargir ce projet pilote dans le cadre d'un Live User Test national, afin d'évaluer la faisabilité d'un lancement commercial national au courant 2018", nous a expliqué Haroun Fenaux.

L'année prochaine marquera peut-être la fin des connexions internet fixes à 3 Mbps en zone (très) rurale, et donc la fin d'une certaine injustice pointée du doigt par Arnaud. 

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