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Atteinte du syndrome de Diogène, leur mère décédée avait accumulé 200 m3 de déchets: "J'étais au bord des larmes en voyant l'état de la maison"

Une maison remplie de déchets à Seneffe. Une famille nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. La mère de trois enfants était atteinte du syndrome de Diogène. Un trouble du comportement qui a pour conséquence une accumulation énorme d’objets. Ce qui conduit en général à des conditions de vie insalubres. Dans le cas qui nous occupe, l’accumulation a été extrême et a provoqué le désespoir des enfants, qui doivent évacuer plus de 200m³ de déchets.

La maman d'Amandine, Thomas et Laetitia, atteinte du syndrome de Diogène, a rendu complètement insalubre la maison qu’elle a occupée durant plusieurs années du côté de Seneffe (province de Hainaut).

Après son décès en juillet dernier, les trois enfants ont hérité d'une ardoise de quelques milliers d'euros et d'un bien qu'ils doivent désormais rénover dans son entièreté. Car le syndrome de Diogène consiste à ne jamais rien jeter et à tout accumuler (voir explications détaillées au bas de l'article). 

Amandine, Thomas et Laetitia, qui voyaient leur mère à l'extérieur, n’auraient jamais pu imaginer ce qui se tramait dans la maison de leur enfance. Le domicile est à présent insalubre car des déchets en tout genre et en très grande quantité ont été conservés. 

"Ma première impression ? J'étais complètement dépité. C’est le monde qui s’écroule. On s’est demandé comment on allait faire pour y arriver", confie d'emblée Thomas. "Pareil. Je ne pouvais pas m’imaginer l’ampleur que ça avait pris. J’ai du mal à comprendre comment on peut être atteint de ce syndrome, à ce niveau-là", ajoute Laetitia. 

On a eu deux devis, et c'est 33.000 euros pour tout vider

Une importante opération de nettoyage a ainsi été lancée. Avec déjà 5 conteneurs de 20m³ remplis pour évacuer les objets et autres déchets, le budget a rapidement gonflé (un conteneur coûte plus de 700 euros). "Il faut remplir une dizaine de conteneurs au total. Et les travaux de rénovation (toiture, plomberie,...) n'ont pas encore débuté", indique Thomas. "On ne sait pas à combien ça va chiffrer, mais il faut s’attendre à un gros montant. Il y a des sociétés spécialisées qui viennent vider ce genre de maison, mais comme le budget est limité, nous le faisons nous-mêmes. On a eu deux devis, et c'est 33.000 euros pour tout vider."

Quand ils rentrent dans la maison pour la nettoyer, ils se protègent avec une combinaison et un masque. "Il y avait des rats, des souris, … et donc il y avait tout un tas de bactéries et de virus qui pourraient nous mettre en danger au niveau des contacts avec la peau et au niveau de la respiration. On se protège, c’est primordial", poursuit Thomas.

A l'intérieur, on retrouve de tout: des vêtements, du mobilier, des déjections animales... "Dans la chambre (vu l'état de la pièce), il n’est pas possible de pouvoir se reposer. C’est vachement abusé", dit Laetitia.

On est quasiment prêt pour Halloween

A l'extérieur de la maison, une tente dans laquelle de nombreux objets ont également été stockés. "On y retrouve de tout. On est quasiment prêt pour Halloween. C’est devenu une maison fantôme. Il y a des trucs neufs, des trucs ramassés sur des poubelles. Il y a de la nourriture pour chat", ajoute la coach sportive.

Thomas explique que sa maman a toujours eu ce "problème d’accumuler les objets. La séparation avec mon père a fait qu’elle a laissé libre court à sa folie. Mon père était là pour la tempérer. Quand ils se sont séparés, il n’y avait plus de limite (...) On savait qu’elle avait un problème, mais elle nous interdisait de venir ici. C’est vraiment au moment de son décès qu’on a découvert les dégâts."

"Quand elle voulait qu’on se voie, on allait dans des endroits neutres, au shopping, etc.", précise Laetitia. 

Face à cet impressionnant chantier, Thomas exprime un sentiment de rancœur, de la frustration et de la colère "par rapport à tout ce qu’elle nous laisse. Quand on termine une journée ici, on est KO, dégoutés, fatigués, et seulement le jour d’après, on se dit qu’on a bien bossé et ça nous pousse à y retourner. Cela fait un mois et demi qu’on est occupé. On espère arriver au bout du projet dans 5 ans."

L'objectif est de remettre l'habitation complètement à neuf et peut-être d'en faire une salle de fête ou un Airbnb. 

Qu'est-ce que le syndrome de Diogène?

Pour en savoir plus sur le syndrome de Diogène, nous avons interrogé le psychologue David Vandenbosch. Il explique que pour ce trouble du comportement, trois éléments sont à prendre en compte. 

"Il y a premièrement le côté amassement de détritus et de déchets, ce qu’on appelle la syllogomanie. Il y a le côté incurie, le côté où la personne ne va pas prendre soin d’elle. Il y a vraiment un abandon de l’hygiène corporelle", indique-t-il.

"Et on va aussi avoir des troubles obsessionnels d’accumulation. La personne va de manière passive accumuler des choses et les collectionner ou alors de manière active, en allant les chercher, les ramener à l’intérieur pour constituer des collections. C’est à ce moment-là un trouble obsessionnel compulsif d’accumulation."


D’où vient ce syndrome?

"Généralement, les personnes qui présentent des troubles aussi massifs ont un certain âge, de plus de 60 ans", ajoute David Vandenbosch. "On va aussi retrouver des personnes isolées et qui ont vécu à un moment donné un moment très compliqué, une rupture, un décès, une perte de travail,…avec un isolement qui va être consécutif de ça. On peut parfois voir ce type de symptôme à deux, mais c’est extrêmement rare. C’est environ 0,5/1000 personnes qui sont touchées par ce type de vécu."

Les personnes atteintes de ce syndrome en sont peu conscientes. Ce sont souvent des membres de leur entourage qui vont demander de l'aide à des psychologues.

"Il n’y a pas de sentiment de honte chez ces personnes, et l’aide est vécue comme une intrusion. Dans les personnes que j’ai rencontrées, elles disent, "oui, en effet, j’ai pas mal de choses" et quand on voyait les photos, il n’y avait plus aucun espace de libre. Ces personnes ont tendance à minimiser le problème et disent que leurs proches exagèrent un peu. Quand on leur propose de faire un tri, il y a une augmentation de l’angoisse."

Peut-on s’en sortir ? "Il y a moyen de travailler sur les troubles obsessionnels compulsifs et de leur permettre de pouvoir inverser les choses, de faire des tris, et de rentrer dans quelque chose qui sera plus tenable à long terme", conclut David Vandenbosch. 

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