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Manon, 18 ans, incitée à envoyer des photos de nu sur Facebook: "Il faut prévenir toutes les jeunes filles de Belgique"

Si votre fille a été contactée sur Facebook par une jeune femme nommée Lambert, attention: derrière les faux profils des deux filles du célèbre photographe Frédéric Lambert se cachent des cyber-escrocs. Depuis 2 ans, ils soutirent des photos dénudées à des jeunes filles parfois mineures en Belgique en leur promettant un faux casting pour G-Star. Aujourd’hui, deux photographes et la police mettent en garde contre cette pratique. Voici 4 règles simples pour éviter d'en être victime.

RTL info vous le révélait il y a deux ans (lire l'article "Des jeunes filles belges abusées sur Facebook envoient des photos de nus à un usurpateur: elles pourraient devenir des appâts"). Des personnes malintentionnées avaient alors pris contact avec une dizaine de jeunes filles en Belgique via Facebook. Le mode opératoire était simple: ils se faisaient passer pour la fille d’un photographe belge renommé dans le but de les mettre en confiance. Ces faux profils les recrutaient pour un soi-disant shooting photo très bien rémunéré pour la marque G-Star. Il leur demandait, pour pouvoir passer le casting, d’envoyer plusieurs photos d’elles en sous-vêtements, puis, pour celles qui s’étaient laissées prendre, de nu. La raison? Un soi-disant logiciel qui apposait automatiquement des tenues sur les modèles dénudés.


L'histoire de Manon

Aujourd’hui, Yannick Gillet, le photographe qui nous avait déjà alertés il y a 2 ans, prévient: "Ça continue avec le même procédé."

Une des jeunes filles avec qui il travaille, une étudiante de 18 ans que nous appellerons Manon (pour préserver son identité) a été contactée le mois dernier sur Facebook par une certaine X. Lambert, soi-disant fille de Frédéric Lambert, un photographe de Waremme qui a travaillé notamment avec des célébrités comme Chloé Saive, Noémie Happart, mais aussi Marouane Fellaini, Axelle Red ou encore Patrick Bruel, José Garcia, Guillaume Canet ou Sophie Marceau.

De quoi la mettre en confiance, comme le prouve la copie de la conversation Facebook que la jeune modèle a eu la gentillesse de nous procurer :




L’histoire semble crédible, mais Manon a préféré en discuter avec Yannick avant d’envoyer quoi que ce soit. Un très bon réflexe. "Heureusement qu’elle m’a appelé. Je lui ai expliqué toute l’affaire, que ça s’était déjà produit et qu’il s’agissait d’une arnaque. Mon conseil a été clair: n’envoie pas les photos et laisse tomber."

Car l’étape suivante, après avoir envoyé des photos en sous-vêtements, c’est le nu. Le pirate prétexte que le logiciel 3D ne parvient pas à fonctionner à cause des vêtements et réclame alors des photos des jeunes filles nues.


Des photos utilisées pour piéger des hommes et leur soutirer de l'argent

Olivier Bogaert, de la Computer Crime Unit de la Police fédérale, connait bien la pratique. C’est déjà lui qui mettait en garde il y a deux ans. Derrière les faux profils se cachent des "brouteurs" de Côte d’Ivoire, ces escrocs qui soutirent de l’argent à des Occidentaux francophones par internet.

Que font-ils des photos des jeunes Belges ? Elles vont servir d’appât. Ils vont séduire des hommes sur internet en envoyant des photos d’"elles" de plus en plus dénudées, jusqu’à ce que l’homme commette une erreur : se dénuder lui-même devant sa webcam ou envoyer des photos de lui nu. A partir de là, le brouteur va le faire chanter pour obtenir une rançon en l’échange du retrait de sa vidéo ou de ses photos d’internet.

"On l'appelle l'arnaque à la webcam", explique M. Bogaert, qui note que parfois, ce sont aussi les jeunes filles belges qui sont menacées. "Une fois qu'elles ont envoyé les premières photos, ils les menacent de les diffuser sur internet" pour leur soutirer plus de photos ou de l'argent.


"J'ai des appels toutes les semaines de parents ou jeunes filles en pleurs"

Est-on face à une nouvelle vague de cette arnaque, deux ans plus tard ? "Ça n’a jamais arrêté", nous apprend Frédéric Lambert, le photographe dont les comptes de ses filles sont régulièrement usurpés. "Depuis plus de 2 ans, j’ai des appels toutes les semaines de parents de jeunes filles ou de modèles en pleurs dont certaines ont envoyé des photos d’elles nues avant de me contacter. On m’a encore appelé ce matin (mercredi dernier, ndlr). C’était le papa d’une gamine de Neufchâteau dont la fille n’avait heureusement pas envoyé les photos."

L’homme est révolté par cette situation, où on profite de sa renommée et crédibilité dans le milieu de la mode. Il a donc directement prévenu la police. "Dès le premier signalement, moi et mes deux filles on est allés porter plainte. Et je conseille toujours aux parents ou aux jeunes filles d’aller elles aussi porter plainte à leur police locale" dans le but de donner plus de poids au dossier. Mais apparemment, "la police semble être un peu impuissante" dans cette affaire, regrette le photographe.

Pourtant, il se demande dans quelle mesure la justice belge ne pourrait pas agir puisque parmi les jeunes filles se trouvent des mineures. "Quand ils s’en prennent à des adultes, c’est un moindre mal. Mais le problème, c’est que ces gens-là ne font pas attention à l’âge. Et si la fille a 15 ans, ça devient de la pédophilie à mon sens."


Signalez-le à l'équipe ivoirienne qui traque les brouteurs: "Ils travaillent vraiment bien"

Le problème pour les autorités belges, explique Olivier Bogaert, c'est la localisation des brouteurs. "Il faut pouvoir récolter des éléments qui prouvent que les auteurs sont bien en Côte d'Ivoire, comme un numéro de compte ivoirien sur lequel il était demandé de faire un virement", explique le spécialiste. Mais une fois que l'identification de l'auteur est possible, il faut prévenir et la police belge, et la police ivoirienne.

Comment? "Via le bouton Signalement en ligne du site de la PLCC", la plateforme de lutte contre la cybercriminalité de la police d'Abidjan. "Vous y décrivez les faits et y joignez le numéro de votre dossier de plainte", conseille M. Bogaert. Car depuis notre premier signalement, le pays d'Afrique de l'Ouest réalise une véritable chasse aux brouteurs, avec des résultats à la clé. "Leur équipe travaille vraiment bien", confirme le spécialiste belge de la cybercriminalité. Tellement bien que "depuis quelques temps, on constate un glissement vers le Mali. Les auteurs traversent désormais la frontière pour aller rechercher l'argent dans les agences de transfert de fonds frontalières."



Selon les dernières nouvelles en provenance de Côte d'Ivoire, le pays est "en train de gagner le combat contre ces jeunes escrocs". C'est ce qu'a communiqué leur ministre de l'Economie numérique à la mi-octobre. Une bonne nouvelle pour les futures victimes belges.


"La naïveté des filles me sidère"

Depuis 2 ans, la police ivoirienne est donc devenue de plus en plus efficace. Pendant ce temps, Frédéric Lambert a, lui, pris l'habitude de rassurer les familles sous le choc. Comment ? "Pour les rassurer, je leur dis toujours qu’on n’a encore jamais vu les photos circuler en Belgique." Une information confirmée par Olivier Bogaert.

Les deux photographes souhaitent mettre en garde un maximum de personnes pour que plus aucune jeune fille ne tombe dans le piège. "Ça serait vraiment bien" de faire passer le message, réagissait Frédéric Lambert.

Yannick Gillet, lui, recommande d’abord du bon sens, de la prudence : "La naïveté des filles et la facilité d’obtenir des photos d’elles dénudées me sidèrent. Quand ce ne sont pas les petits copains de 1 ou 2 mois qui les convainquent, c’est la facilité qu’elles ont à croire n’importe quoi" via les réseaux sociaux.


Les conseils des deux photographes pour ne pas vous laisser arnaquer


Règle n°1 : N’ENVOYEZ JAMAIS DE PHOTOS DE VOUS EN SOUS-VÊTEMENTS OU NUE

C’est la base, d’autant que le nu n’a pas cours dans la mode. "Quand je fais des photos pour des agences de mannequins, on photographie les mineures avec un legging et un pull moulant, et les majeures en soutien-gorge et culotte, pour qu’on voit la forme du corps ce qui serait impossible avec un jeans large et un pull large", détaille Frédéric Lambert. C’est donc toujours le photographe qui prend la photo, jamais vous-même, et encore moins de manière "amateur" comme on l’a vu dans la discussion ci-dessus. "Une agence et non un photographe peut demander des photos en bikini du modèle pour se présenter" précise aussi Yannick Gillet, "mais jamais dénudées" et toujours prises au préalable par un photographe.


La règle n°2
, c’est de retenir que si une jeune fille vous contacte par Facebook en prétendant être la fille d’un célèbre photographe, c’est une arnaque.

"Il y a bien des bookeurs sur Facebook, chargés de repérer des nouveaux visages et nouveaux modèles. Mais ils les approchent pour leur suggérer de se lancer dans le métier, pas pour leur réclamer des photos dénudées", explique Yannick Gillet. Frédéric Lambert confirme : "Contacter une modèle potentielle par Facebook, ça se fait", reconnait-il. Mais l’approche et la finalité sont bien différentes. "J’en contacte parfois par téléphone ou par Facebook pour leur proposer une collaboration, mais je ne leur propose jamais d’envoyer des photos de lingerie ou de nu. C’est pour organiser une séance photo qui nous servira à tous les deux pour nos portfolios respectifs."


Règle n°3 : le logiciel 3D et les grandes marques connues doivent vous mettre la puce à l’oreille.

Concernant le logiciel, "je ne sais pas s’il existe", concède M. Lambert. "Il y a bien des applications qui vous placent des lunettes différentes sur le visage en vous filmant, donc j’imagine que ça peut aussi marcher pour des corps entiers". Mais dans ce cas, des vêtements moulants suffiraient, l’ordinateur n’a pas besoin de nus. De plus, "j’imagine mal une marque comme G-Star ou autre demander des filles sur Facebook alors qu’ils ont les moyens de passer par des agences professionnelles", renchérit M. Gillet.


La dernière règle
, qui pourrait être la première, c’est de contacter les personnes de vive voix.

Si le nom d’un photographe est mentionné, appelez-le pour vérifier. Si le nom d’une marque est mentionné, appelez la marque ou une agence pour savoir si un casting a bien lieu.



Difficile de vivre en sachant que des photos de soi nue circulent sur internet

Car en vous laissant avoir par les brouteurs ivoiriens, non seulement vos photos seront utilisées pour soutirer de l’argent à d’honnêtes gens, mais en plus, il faudra vivre avec la certitude qu’elles sont là, quelque part sur internet, prêtes à ressortir à tout moment. "Manon est super innocente. Ça m’aurait vraiment fait mal au cœur pour elle si elle s’était faite avoir", confie M. Gillet (photo). "En plus, après, il faut vivre avec ça, savoir que des photos de soi nue circulent sur internet. C’est un aspect psychologique qu’il ne faut pas négliger."

Frédéric Lambert, lui, espère que le message passera. Il compte d’ailleurs sur ses quelque 30.000 fans sur Facebook pour y parvenir et faire en sorte que plus aucune fille ne soit victime de ces malfrats, qui ternissent en plus son image de professionnel sérieux.

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