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A Marseille, les petits nageurs à l'épreuve des inégalités Nord/Sud

A Marseille, le Cercle des nageurs a eu sous ses couleurs certains des plus grands champions de natation et 21 plages se suivent le long du littoral. Pourtant, plus d'un enfant sur deux ne sait pas nager à son arrivée en sixième, résultat d'une inégalité territoriale peinant à se résorber.

A la piscine de Frais-Vallon, au nord de Marseille, une trentaine d'enfants font demi-tour devant un guichet clos. Les analyses de chlore sont mauvaises, leur cours de natation est annulé. "C'est la deuxième fois en deux semaines", peste ce jour-là Alexia Falco, maître-nageuse sauveteuse (MNS). Le personnel suffoque en cette semaine caniculaire: le toit de la piscine "tournesol" ne s'ouvre plus.

Le mauvais état et l'offre insuffisante des piscines de Marseille a déjà été épinglé par la Cour des comptes. Dans leur rapport publié en 2018, les magistrats financiers pointaient un ratio de piscine par habitant "six fois inférieur à la moyenne nationale" en 2016.

Depuis ce rapport, deux piscines ont rouvert dans la cité phocéenne (Granière et Castellane). Des réouvertures anticipées par la Cour des comptes, qui avait prévu qu'elles ne suffiraient pas à résorber "les déséquilibres et insuffisances observés".

- "Bien pire" dans les quartiers Nord -

Conséquence de cette pénurie de bassins: selon les tests pratiqués à l'entrée en classe de sixième et diffusés par l'académie en 2013, 55 % des petits Marseillais ne savaient pas nager à leur entrée au collège.

Dans les quartiers Nord, très populaires, "c'est bien pire encore!", pointe Alexia Falco. "Au Sud, ils ont l'habitude de l'eau, leurs parents les emmènent à la mer", constate-t-elle. Les enfants des quartiers Nord, au contraire, "ont souvent des parents qui ne nagent pas bien ou pas du tout et la mer est plus difficile d'accès pour eux".

Sans parler du manque criant de bassins dans cette moitié de la ville, qui en 2016 ne comptait que 4,3 m2 de bassin pour 1.000 habitants, contre 7,5 m2 dans le sud et 8 m2 au centre et à l'est.

"Culturellement, dans les quartiers Nord, on a moins envie d'aller nager que dans les quartiers Sud", avait justifié Richard Miron, adjoint au maire en charge des sports, en février 2018, suscitant une polémique. La ville a fait "beaucoup de progrès", assure-t-il aujourd'hui à l'AFP: "On a élargi les horaires d'ouverture sur 5 bassins, avec des ouvertures le samedi et le dimanche". Il met aussi en avant le projet, dans 8 établissements, de créer des bassins dédiés à l'apprentissage en sortant à l'extérieur des bâtiments la machinerie et la billetterie.

Deux autres projets piétinent depuis dix ans: la rénovation du complexe aquatique de Luminy, fermé pour un désamiantage jamais réalisé et devenu depuis une poubelle géante, et celui de la construction d'un bassin à Euroméditerranée, nouveau quartier d'affaires.

- Créneaux qui sautent -

La mairie rappelle qu'elle met à disposition des écoles 612 créneaux hebdomadaires. Au rectorat d'Aix-Marseille, un porte-parole assure que "toutes les classes de CE2 et de 6e ont une douzaine de séances de natation", tout en reconnaissant que "parfois il y a des fermetures de piscines, des créneaux sautent".

"Le système scolaire ne permet pas à un enfant de savoir nager", juge Alexia De Falco. La maître-nageuse déplore le "manque de formation" des professeurs des écoles.

Tout l'été, au sein du collectif Marseille Nage, elle enseigne la natation gratuitement à des enfants de 4 à 12 ans, dans le cadre du programme national "J'apprends à nager", financé cette année à hauteur de 3 millions d'euros par l'Etat, qui vise 120.000 enfants cet été.

"C'est magique", constate le président de Marseille Nage, Jacques Favre, ancien directeur technique national de la Fédération française de natation: "On a des aquaphobes, des réticents, qui en 10 jours apprennent le plaisir de l'eau". Car l'essentiel, assure-t-il, au-delà de la nage, "c'est de déclencher une envie chez un public qui n'a pas accès au sport, celle d'avoir une pratique associative régulière".

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