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Deux volontaires hissent Stéphane Paulus et Kevin Simonato sur leurs motos de course avant de leur attacher les jambes ensemble avec une sangle pour qu'elles ne se baladent pas partout une fois leurs bolides lancés à pleine vitesse.
Pour les deux responsables de l'association Handi Free Riders, leur handicap n'est pas un obstacle à la compétition moto et leur participation à la course organisée samedi en marge du GP de France en est la meilleure preuve.
Tous deux victimes d'accidents de moto sur la route, ils sont aujourd'hui paraplégiques et participent à des compétitions sur piste réservées aux pilotes handicapés, dans le cadre du championnat de France ou d'une Coupe européenne (International Bridgestone Handy Race).
"Je vis un rêve", affirme Stéphane Paulus, 37 ans. Plutôt "fondu" dans sa jeunesse, il est aujourd'hui président de l'association qu'il a fondée en 2014 et qui veut offrir aux motards paraplégiques ou amputés la possibilité de continuer à vivre leur passion.
C'est comme visiteur médical qu'il a rencontré Kevin Simonato, 29 ans, heurté par une voiture en 2013 alors qu'il sortait de la caserne où il était pompier volontaire. Celui-ci s'avoue plus "raisonnable" que Stéphane et se consacre davantage aux stages d'initiation organisés par Handi Free Riders.
- Commandes spéciales -
"On n'a pas le même profil, lui il prend plus de risques", reconnait-il alors que les deux hommes viennent d'effectuer plusieurs tours du circuit Carole en banlieue parisienne pour s'entrainer avant l'épreuve de la Coupe européenne sur le circuit Bugatti au Mans le 18 mai.
Ils partagent la piste ce jour-là avec des pilotes valides. Mais ils ne peuvent se joindre à eux pendant les courses pour des questions d'assurance, ce dont se plaint Stéphane Paulus. "Le mieux c'est de rouler avec des valides. Dès qu'on est sur la moto on ne sent plus le handicap et avec les valides l'égo se porte mieux car on voit qu'on peut faire aussi bien", assure-t-il.
Dans d'autres pays comme la Grande-Bretagne, handicapés et valides peuvent courir ensemble comme le décrit le documentaire britannique "Dream the Impossible" de 2017.
Leurs motos sont équipées de commandes spéciales. Un petit levier à gauche du guidon pour le frein arrière (commandé au pied droit sur une moto normale) et deux boutons (un vert et un rouge) reliés électroniquement à un boitier qui remplace le levier de vitesse (habituellement au pied gauche). Leurs bottes sont clipsées sur les cale-pieds comme un coureur cycliste.
Une fois sur piste, un observateur non averti serait bien en peine de faire la différence entre eux et les autres. Mais dans les virages, alors que les autres se déhanchent pour prendre appui sur leur genou, Stéphane et Kevin se font remarquer par leur style "à l'ancienne", buste droit et genoux collés contre le réservoir.
C'est le haut du corps et les bras qui font tout le travail pour guider la moto et résister aux accélérations et aux freinages. Lorsqu'ils rentrent au stand et qu'ils sont aidés à descendre de leurs engins, la fatigue est visible.
- Rouler avec des valides -
Le championnat de France pour pilotes handicapés comprend trois courses dont la première a eu lieu à Alès début mai. Stéphane Paulus regrette qu'il n'y ait eu que onze pilotes au départ. Au Mans samedi, ils seront 25 de 7 nationalités différentes car la course compte pour la Coupe européenne qui comprend elle aussi trois épreuves.
Six occasions au total pour Stéphane Paulus de vivre sa passion. Mais il a d'autres projets, comme l'endurance et prévoit de s'aligner au Bol d'Argent, une course de trois heures organisée en marge du célèbre Bol d'Or en septembre sur le circuit Paul Ricard. Il pourra y courir avec les "valides", grâce aux règles d'assurance différentes pour cette discipline.
Comme il doit être installé sur sa machine au moment du départ, il ne pourra partir sur la grille, un rôle dévolu à sa coéquipière, Aurélie Hoffmann. Lui prendra le relais lors des arrêts au stand où il le sera au prix de quelques secondes perdues mais pour des tours de bonheur.