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"La situation est préoccupante". Entre des championnats à l'arrêt, une baisse des revenus ou un mercato au ralenti, le rugby français semble au bord du gouffre et s'inquiète de la menace d'une reprise à huis clos.
"Aujourd'hui, on envisage le pire car on se rend compte de l'impossibilité de fixer une conduite et d'avoir une vision à moyen terme, a récemment expliqué Thomas Lombard, directeur général du Stade français, dans un entretien à l'AFP. Le pire, c'est le huis clos ou la jauge partielle (accueil limité à 5.000 personnes maximum, ndlr). Car cela nous coupe de la quasi-totalité de nos revenus. On conservera les droits TV mais cela ne pèse pas tant que ça dans le budget. Les pertes sèches de billetterie, l'incapacité à exploiter nos espaces de réception, nos loges... tout ça aura un impact financier très lourd."
"La situation est préoccupante", a ajouté le dirigeant qui s'attend à une baisse de budget de 20%.
Car le modèle économique des clubs professionnels de Top 14 et Pro D2 est construit sur les revenus +jours de matches+: les recettes de partenariat et de billetterie représentent en effet 60% du budget d'un club.
Le Stade français, bon dernier du championnat au moment du gel, malgré un des plus gros budgets du Top 14, n'est pas un cas particulier. D'autres clubs, dont Clermont et Toulouse, finalistes de la saison 2018-2019, sont également dans une situation financière délicate.
"Si on doit demain jouer à huis clos, notre club a une espérance de vie de 40 jours", a justement prévenu Didier Lacroix, le président du champion de France, sur France Bleu.
Reprendre à huis clos, LA grosse inquiétude pour les clubs pro. "On y sera peut-être contraints mais ce serait terrible car l'économie du rugby ne supporterait pas le huis clos. On ne peut pas vivre à huis clos", a déploré Laurent Marti, le patron de l'UBB, leader du championnat.
Si le déroulement à huis clos porte sur une demi-saison (septembre 2020-janvier 2021), selon une estimation de la LNR, les produits d'activité cumulés des clubs passeraient de 500 millions d'euros à 321 millions d'euros, en chute de 35%.
- 330 partenaires par club -
Le résultat d'exploitation cumulé au terme de la saison 2020-2021 sera négatif à hauteur de 208 millions d'euros, dont 154 millions résultant de la crise sanitaire. Si le déroulement à huis clos devait s'étendre à l'ensemble de la saison 2020-2021, la baisse passerait à 227 millions d'euros, en chute de 54%.
Résultat, certains clubs pourraient ne pas survivre à une situation de huis clos ou de jauge partielle prolongée.
Des négociations ont donc été engagées dans les clubs de Top 14 pour une baisse de salaires des joueurs et du staff. Castres, Toulon et Toulouse ont ainsi déjà trouvé des accords tournant autour de 15%.
Mais la situation est fragile: le déficit d'exploitation cumulé des trente clubs (Top 14 et Pro D2) s'élevait à 43 millions d'euros pour la saison 2018-2019 et le déficit prévisionnel sur l'exercice 2019-2020, avant le déclenchement de la crise sanitaire, était évalué par la Ligue à 54 millions d'euros.
Plus que de mesures d'accompagnement, le rugby français a besoin d'un plan de soutien massif et prolongé. Deux mesures, indépendantes du risque de huis clos, sont destinées à permettre aux clubs de rebondir après l'arrêt d'activité pendant six mois: la prolongation du dispositif d'activité partielle (l'Etat prend en charge 85% de l'indemnité versée au salarié en chômage partiel jusqu'à 4,5 fois le Smic à partir du 1er juin) et l'incitation des entreprises à maintenir leur partenariat grâce à un crédit d'impôt de 60% pour les entreprises qui sont partenaires dans le monde du sport.
Autres solutions évoquées, si les conditions sanitaires ne permettent pas de reprendre la compétition en septembre ou si le huis clos/jauge partielle est prolongé au-delà de la fin du mois d'août: une exonération totale des cotisations patronales ainsi que la création d'un fonds de solidarité.
En moyenne, chaque club professionnel réunit chaque saison plus de 330 partenaires, pour moité des TPE et PME. A moins de trois ans d'une Coupe du monde à domicile, le rugby français cherche encore comment survivre.