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11 ans après la faillite de son ex-employeur, Henri n’a toujours pas touché toutes ses indemnités: "On nous traîne par le bout du nez"

Lors de la faillite d'une société, les travailleurs doivent parfois patienter longtemps avant de récupérer l'entièreté de leurs indemnités. La procédure, complexe, peut s'étaler sur plusieurs années. Le fonds de Fermeture des Entreprises peut rembourser plus rapidement les travailleurs, jusqu'à un certain plafond.

Henri a travaillé durant vingt ans, en tant qu’employé transporteur de fonds pour Brink’s. Plus de 11 ans après la faillite de la société, l’ancien travailleur n’a pas encore reçu l’entièreté de ses indemnités de licenciement : soit deux ans de préavis. Il indique avoir reçu deux montants, notamment du Fonds de Fermeture des Entreprises (FFE). Une première somme quelques mois après la faillite, une seconde deux ans après. Mais selon ses calculs, il devrait encore avoir droit à au moins 26.000 euros. Et il n’est pas le seul dans cette situation. Il dit aussi parler "au nom d’autres anciens travailleurs toujours en attente". La plupart ont entre 15 et 30 ans d’ancienneté.

On attend, on attend, on attend... Et toujours rien

Le règlement de cette faillite, impliquant un grand nombre de créanciers, est particulièrement complexe. Mais plus de onze ans après la déclaration de faillite, Henri s’impatiente : "On a travaillé comme des fous pour cette société et on nous traîne par le bout du nez. On attend, on attend, on attend… Et toujours rien", déplore Henri. Il explique avoir contacté son syndicat et la curatrice (la mandataire judiciaire chargée de la liquidation des biens de la société en faillite), jusqu’ici sans obtenir une réponse satisfaisante.

Que se passe-t-il lors d’une faillite ?

La faillite de l’entreprise de transport de fonds Brinks a été déclarée le 2 février 2011, par le tribunal de commerce de Bruxelles. C’est-à-dire que la société n’était plus en mesure de payer ses dettes. Comme le veut la procédure, deux curateurs ont été nommés, les avocats Ysabelle Ensch et Wim Heethen.

La mission des curateurs est de liquider (donc de vendre) et de distribuer les actifs pour que les créanciers (et notamment les travailleurs) soient payés.

Les travailleurs doivent compléter une déclaration de créances (un document reprenant les salaires impayés et les sommes dues en raison du contrat de travail).

Pour éviter de devoir attendre la fin de la procédure de faillite pour être payés, les travailleurs peuvent solliciter l’intervention du Fonds de Fermeture des Entreprises, l’organisme public chargé d’indemniser les travailleurs victimes d’une fermeture d’entreprise.

Cette intervention est limitée à maximum 25.000 euros bruts par travailleur par fermeture. Avec l’aide de son syndicat, Henri affirme avoir pu bénéficier, via cet organisme, d’une partie de ses indemnités. Il nous a joints pour savoir quand il allait recevoir le solde du montant que lui doit son ex-employeur.

D’après les informations fournies par les curateurs, plus de 650 déclarations de créances ont été introduites dans le cadre de cette faillite, dont celles de 460 anciens membres du personnel et prépensionnés.

Nous sommes heureusement dans la dernière ligne droite

Le règlement d’une faillite, surtout lorsqu’elle implique de nombreux travailleurs, peut s’avérer très complexe et prendre beaucoup de temps. Ici, les opérations ont notamment été retardées par des actions judiciaires, dont une qui s’est terminée au mois de septembre 2021. Ce litige concernait l’ancien propriétaire du bâtiment de l’entreprise, précise Elsy Beddegenoodts, la responsable de la section gardiennage de la centrale générale du syndicat socialiste FGTB, pour Bruxelles et le Brabant flamand.

Contactés, les curateurs indiquent que les travailleurs ont pu bénéficier en attendant "de l’intervention du Fonds de Fermeture des Entreprises et d’une avance versée par la curatelle". Sur la progression du dossier, ils soulignent que les opérations de liquidation de la faillite sont terminées et que la clôture du dossier est entamée. À l’issue de cette clôture, les travailleurs pourront être indemnisés en fonction du montant des actifs disponibles.

"Nous sommes donc logiquement et heureusement dans la dernière ligne droite", précise Maître Ysabelle Ensch qui ajoute que "la procédure de clôture implique encore l’accomplissement de quelques démarches administratives afin d’obtenir auprès des administrations concernées (principalement, l’administration fiscale et différents bureaux de chômage de l’ONEM) les informations nécessaires au calcul des montants qui pourront, en définitive, être versés aux anciens travailleurs et prépensionnés, après déduction des retenues sociales et fiscales légales".

Les travailleurs devraient donc bientôt toucher un dividende, en paiement du solde de leurs indemnités. "Si tout se déroule normalement, nous espérons pouvoir clôturer la faillite dans les tous prochains mois et, en principe, avant la fin des vacances judiciaires", affirme la curatrice.

Les travailleurs vont-ils toucher l’entièreté de leurs indemnités ?

Les anciens travailleurs d’une société en faillite sont considérés par la loi comme des créanciers privilégiés, c’est-à-dire prioritaires par rapport aux autres créanciers. Mais ils ne sont pas les seuls créanciers à être payés en priorité, c’est aussi par exemple le cas de l’administration fiscale.

Les travailleurs ne reçoivent la totalité de ce qui leur est dû que s’il reste assez de fonds. Dans la plupart des cas, le bénéfice de la vente de l’actif ne suffit pas à rembourser tous les créanciers. Si le curateur ne dispose pas de suffisamment d’argent, le travailleur reçoit ce qu’on appelle un dividende pour la partie de la déclaration de créance qui n’a pu être complètement payée. Il s’agit, en clair, d’une somme déterminée en proportion de sa créance. Ici, les anciens travailleurs de Brink’s devraient être fixés dans les tous prochains mois.

Que dire du délai de plus de 11 ans pour clôturer la faillite ? D’après la responsable du syndicat socialiste, il s’agit bien "d’un délai exceptionnel. Il y a eu des litiges, sinon cela aurait été finalisé beaucoup plus vite".

En attendant, Henri et ses collègues espèrent enfin voir le bout de cette longue procédure, avant la fin de l’été.

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