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Affaire Abad: le parquet de Paris n'ouvre pas d'enquête "en l'état"

Le parquet de Paris a fait savoir mercredi qu'il n'ouvrait pas d'enquête préliminaire "en l'état" sur les accusations de violences sexuelles visant le nouveau ministre des Solidarités Damien Abad, faute "d'élément permettant d'identifier la victime des faits dénoncés".

"En l'état, le parquet de Paris ne donne pas de suite au courrier émanant de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles", une association créée en février dans le sillage du mouvement MeToo.

Il lui a transmis le témoignage d'une femme accusant M. Abad de viol mais le parquet a refusé d'ouvrir "faute d'élément permettant d'identifier la victime des faits dénoncés et, dès lors, faute de possibilité de procéder à son audition circonstanciée".

Cette décision s'inscrit dans la politique pénale mise en place depuis quelques années par le parquet de Paris en matière de violences sexuelles: une enquête est systématiquement ouverte dès lors qu'une victime mineure au moment des faits est évoquée, et même en l'absence de plainte, afin notamment de vérifier s'il n'en existe pas d'autres.

Mais si les faits concernent des majeurs, ce parquet se réserve la possibilité d'ouvrir une enquête uniquement si une plainte est déposée.

Le parquet de Paris communique très rarement pour justifier son choix de ne pas ouvrir d'enquête.

L'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique s'est "vivement" étonné sur Twitter de cette réponse. Selon cet organisme non gouvernemental, "il est pourtant fréquent que des enquêtes préliminaires soient entamées sur la base de témoignages anonymes".

Le lendemain de la nomination du gouvernement d’Élisabeth Borne, Mediapart a diffusé les témoignages de deux femmes accusant le nouveau ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées de les avoir violées en 2010 et 2011.

Au cœur du signalement récent de l'Observatoire, les faits dénoncés par Chloé (prénom modifié), âgée de 41 ans, qui se seraient déroulés lors d'une soirée à l'automne 2010.

Selon l'Observatoire, qui la cite, Chloé ne se sent pas "capable de survivre à un tourbillon judiciaire destiné à blanchir (s)on violeur. Ni d'être jetée en pâture à la meute qui questionnera, décortiquera, moquera (s)on agression".

La seconde femme ayant témoigné auprès de Mediapart, Margaux, s'était rendue dans un commissariat pour témoigner en 2012, puis avait déposé plainte en 2017. Elle a confirmé son récit à l'AFP.

Le parquet avait indiqué dimanche qu'une première plainte déposée pour viol avait bien été "classée sans suite" en avril 2012 "du fait de la carence de la plaignante", ainsi qu'une deuxième "pour les mêmes faits en décembre 2017 faute "d'infraction suffisamment caractérisée".

- Appels à démission -

Depuis la parution des articles, Damien Abad a rejeté les accusations.

"Je n'ai jamais violé une seule femme de ma vie", s'est-il défendu lundi.

La maladie neuromusculaire congénitale rare dont il souffre, l'arthrogrypose, rend impossibles les faits dont on l'accuse, a affirmé celui qui était jusqu'à il y a peu le patron des députés LR.

A deux semaines et demie des élections législatives, Emmanuel Macron est mis en difficulté par des révélations de violences sexuelles concernant son entourage politique. Jérome Peyrat, candidat de la majorité aux législatives qui avait été condamné pour violences conjugales, a dû se retirer le 18 mai.

Les appels à la démission de Damien Abad, principale prise de guerre à droite de la Macronie post-présidentielle, se sont multipliés ces derniers jours, dans les rangs de l'opposition et des associations féministes.

Ces dernières ont notamment manifesté mardi à Paris pour dénoncer "un gouvernement de la honte", à l'appel de l'Observatoire.

"Un homme innocent doit-il démissionner? Je ne crois pas", a indiqué Damien Abad.

"La justice est la seule à devoir ou à pouvoir trancher", avait déclaré lundi la nouvelle porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire.

Depuis la parution de l'article de Mediapart samedi, plusieurs témoignages anonymes de membres de LR ont fait en outre état d'un comportement "lourdingue", voire "déplacé", du néo-ministre, supposément bien connu de son entourage politique.

La Première ministre Elisabeth Borne a assuré de son côté ne "pas avoir été au courant" de ces affaires lors de la composition de son gouvernement.

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