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Manque d'effectif, salaires trop bas, jeunes désintéressés: exténués, les professionnels de la petite enfance sortent les griffes

Le secteur de l'enfance a manifesté dans les rues de la capitale mercredi matin afin de réclamer des mesures concrètes de la part du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont une revalorisation salariale et davantage de personnel. Les syndicats dénoncent notamment "l'absence de moyens" destinés au secteur. "Pas de bras, c'est la cata", arborait la banderole en tête de cortège.

Entre 900 personnes, selon la police, et 1.500, selon les syndicats, se sont ainsi rassemblées place de l'Albertine dès 11h00 pour dénoncer la "faiblesse des décisions prises par le gouvernement de la FWB". Les syndicats pointent "les problèmes conséquents qui se font de plus en plus criants", indique un communiqué.  

La situation se dégrade de jour en jour, affirment les syndicats. "Les jeunes s'orientent de moins en moins vers les filières de puériculture, et les puéricultrices et puériculteurs expérimentés quittent le secteur. Cette pénurie dégrade la qualité de l'accueil et impacte directement le nombre de places disponibles", ajoutent-ils. "On a besoin de bras supplémentaires. Dans les crèches, le ratio est normalement d'une puéricultrice pour sept enfants. En réalité, avec le nombre de travailleuses malades ou en burn-out, c'est loin d'être cas. On se retrouve parfois à s'occuper, seule, de 14 enfants, voire plus", déplore la déléguée syndicale du SETCa de La Louvière, Cathy Marcil, puéricultrice depuis 20 ans.  

"J'estime que l'on arrive au bout du rouleau, il y a un ras-le-bol total", résumé Corine Leire, une puéricultrice qui se met en grève pour la toute première fois, interrogée par Corentin Simon. "Il  y a un manque de considération de notre métier, on a besoin de souffler. On arrive à la pension dans un état pitoyable, c'est un métier très physique. J'ai décidé de faire mon premier petit jour de grève", précise-t-elle. Selon elle, le manque d'effectif impacte les enfants, de plus en plus nombreux, mais dont on peut plus difficilement s'occuper. "On ne sait plus consoler, c'est un gros manque dans notre travail", détaille-t-elle par exemple.

Le cortège, coloré des drapeaux syndicaux et de centaines de ballons, s'est dirigé vers le siège de l'Office de la Naissance et de l'Enfance (ONE), à Saint-Gilles, où une délégation syndicale et des fédérations d'employeurs ont été reçus. Les manifestants, qui réunissaient le secteur public comme privé, se sont ensuite rendus devant le siège du Mouvement Réformateur (MR). Un lâcher symbolique de ballons a eu lieu devant le bâtiment, pour exprimer le mécontentement latent du secteur envers le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont le ministre-président, Pierre-Yves Jeholet (MR), demeure "sourd aux nombreuses revendications", ont dénoncé les organisations syndicales.

"Les travailleuses n'ont plus le temps de faire des câlins aux enfants, de développer des projets pédagogiques. Les crèches deviennent des parkings", affirme ainsi Christophe Morais, permanent du SETCa La Louvière. "N'a-t-on pas appris des leçons de la crise du Covid, qui nous a démontré que ce genre de métiers étaient essentiels?", a-t-il ajouté. Le secteur demande notamment davantage d'encadrement, une revalorisation salariale ainsi qu'une amélioration des mesures de fin de carrière.    

Les tentations visant à libéraliser le secteur continuent d'inquiéter l'ensemble du personnel, selon les syndicats. Cette libéralisation risquerait de déboucher sur des réponses inadéquates, ajoutées à celles déjà prises et à la pénurie de places d'accueil. Le gouvernement de la FWB avait décidé, dans le cadre du conclave budgétaire, d'un montant de six millions d'euros supplémentaires pour entamer l'harmonisation des salaires des puéricultrices. Les syndicats estiment cependant que cela reste insuffisant.

"Il faudrait 16 millions pour atteindre l'harmonisation totale dans le secteur, 25 pour aligner les subventions et les salaires des puéricultrices sur un même barème pour éviter toute concurrence. Et, d'après l'ONE, il en faudrait 96 pour mettre en œuvre la norme de 1,5 ETP pour sept enfants", rappellent les syndicats. Jeudi, une délégation a prévu de rencontrer le cabinet de la ministre Bénédicte Linard. Les organisations syndicales ont par ailleurs fait savoir qu'elles se mobiliseront "tant que ce sera nécessaire".

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