Accueil Actu Belgique Société

Une grève dans toutes les prisons pour y dénoncer les conditions inhumaines: "A Haren, c'est une catastrophe"

Le personnel des prisons de tout le pays partira en grève ce dimanche à 22h00, et pour 48 heures, afin de dénoncer les conditions de détention et de travail "inhumaines" qui y règnent. Surpopulation carcérale, manque de personnel et un ministre de la Justice "qui s'entête" à vouloir appliquer à tout prix les peines d'emprisonnement courtes, le constat que dressent les syndicats est sans appel.

S'il est toujours difficile d'estimer la participation à un mouvement de grève, reconnaît Claudine Coupienne, secrétaire permanente à la CSC Services public, l'action devrait être "bien suivie, tant les problèmes sont récurrents". "Cela fait des décennies que le SPF Justice est sous-budgétisé", rappelle d'entrée de jeu la représentante du syndicat chrétien.  

"Le ministre s'entête à vouloir mettre en prison des personnes condamnées à des peines comprises entre 0 et 3 ans, mais il n'y a pas de place! Les gens dorment à terre car on met des trios dans des cellules destinées à n'accueillir qu'une seule personne."  

"La vision politique de notre ministre" en faisant exécuter les peines courtes, "c'est de 'mettre fin à l'impunité'", abonde Grégory Wallez, secrétaire fédéral à la CGSP. Toutefois, cette promesse allait de pair avec celle d'ouvrir une quinzaine de maisons de détention, pour accueillir environ 600 nouveaux détenus, nuance-t-il. "Actuellement, il y en a seulement trois en activité : deux en Flandre et une à Bruxelles."  

La Belgique recourt en outre "de manière abusive à la détention préventive, ce qui est aussi contreproductif", complète Mme Coupienne. Résultat: "une surpopulation de 115 à 120% par établissement pénitentiaire, soit 1.500 places manquantes", dénombre son collègue socialiste.  

Néanmoins, créer de nouvelles places "n'a jamais été la bonne décision pour lutter contre la surpopulation", poursuit Grégory Wallez. "En Belgique plus il y a de bâtiments, plus il y a de détenus."  

La seule solution à court terme que Claudine Coupienne entrevoit pour faire face à la surpopulation carcérale, c'est d'ailleurs que le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) revienne sur ses dernières décisions. Elle n'y croit cependant pas, à neuf mois des élections. "Le problème majeur, c'est que cela rassure son électorat que l'on mette les gens en prison, loin des villes, comme si ces personnes ne faisaient plus partie de la société. Or, en prison, la peine, c'est la privation de liberté, pas celle des droits et des contacts humains, ni de l'hygiène", rappelle Claudine Coupienne, soulignant que "si on traite mal les détenus en prison, ils en ressortent moins bien qu'ils n'y sont entrés".  

D'autres solutions, plus créatives, sont également possibles selon M. Wallez. "Durant le Covid, certains détenus ont été renvoyés purger leur peine chez eux. Mais, même lorsqu'ils respectaient scrupuleusement les conditions qui leur étaient imposées dans ce cadre, on les a réincarcérés ensuite sous prétexte que la crise sanitaire était terminée. Que le ministre ne s'inquiète pas: il va l'avoir, sa crise sanitaire", se moque le représentant syndical, face aux épidémies de punaises, aux champignons et autres infections qui circulent en prison et alors que les détenus ne peuvent plus prendre de douche quotidienne en raison de la surpopulation.  

La méga-prison de Haren, village pénitentiaire de 1.190 places inauguré en grande pompe il y a tout juste un an, devait répondre à ces défis, avec le triple objectif de "supprimer la surpopulation carcérale d'ici 2030, améliorer les conditions de détention et réduire le taux de récidive", relevait à l'époque Mathieu Michel, secrétaire d'État chargé de la Régie des bâtiments.  

 

"Aujourd'hui, seules 850 places sont occupées car on manque de personnel", raille Claudine Coupienne. Son collègue de la CGSP ne dit pas autre chose: "Haren n'arrive pas à former en nombre suffisant le personnel nécessaire à l'ouverture de l'ensemble des bâtiments composant cette prison".  

"Haren, c'est une catastrophe: des détenus intoxiqués après un incendie dans une cellule car les extracteurs de fumée ont été placés trop loin, des badges donnant par erreur accès à certains locaux - menaçant ainsi les procédures de sécurité -, des bacs de douche montés à l'envers...  Mais on y tait les problèmes car le gouvernement veut la présenter comme le fleuron des prisons belges", déplore la représentante du syndicat chrétien.  

Si la surpopulation carcérale touche en premier lieu les détenus, elle déteint sur le travail du personnel des prisons. Les syndicats dénoncent ainsi la hausse de la charge de travail et l'insécurité qui s'installe dans les établissements pénitentiaires. De manière générale, "les conditions de travail sont tellement mauvaises que ce n'est pas pour rien qu'il n'est plus possible de recruter de nouveaux agents. C'est le serpent qui se mord la queue", conclut Claudine Coupienne.  

Face à ce sombre tableau, les agents pénitentiaires se croiseront donc les bras pendant deux jours. Un service minimum sera d'application, dont les conditions sont à géométrie variable en fonction notamment de la taille et des activités de chaque établissement.  

Des piquets de grève seront organisés lundi, notamment à Tournai, Namur ou encore Lantin.  

Une rencontre avec Vincent Van Quickenborne était prévue mercredi à 14h15 mais le rendez-vous a toutefois été annulé, selon la CGSP.

À lire aussi

Sélectionné pour vous