Habitant près d'un parc éolien, Benoit a constaté que de petits talus faisaient surface derrière son domicile, signe de futures constructions d'autres éoliennes, selon lui. Potentiellement situées à quelques centaines de mètres de chez lui, ces éoliennes pourront-elles voir le jour ? Quelles sont les conditions à remplir et quels obstacles rencontrent les projets d'éoliennes ? Explications.
Benoit s'interroge sur sa tranquillité de vie et a décidé d'appuyer sur le bouton orange Alertez-nous. Cet habitant de La Louvière, qui vit en face d'un parc éolien, s'inquiète qu'il y en ait encore plus dans son paysage, lorsqu'il se trouve dans son jardin.
"Il y en avait déjà 4, et récemment, une cinquième a poussé derrière chez moi", explique-t-il. "Elles sont à distance raisonnable, ce n'est pas un problème, mais j'ai récemment remarqué que de petits talus émergeaient du sol, et cela ressemble à des débuts de travaux pour l'installation de nouvelles éoliennes. Ces petites buttes sont à une petite centaine de mètres de chez moi, c'est tout de même assez proche, je trouve", précise-t-il.
Benoit tient à ajouter qu'il est pour les énergies propres, mais des éoliennes à quelques mètres de chez lui, ça le gênerait relativement. "C'est un coin tranquille, donc avoir des éoliennes à 150 mètres de chez moi, ce serait dérangeant. Je préfère intervenir avant leur construction, parce qu'après, ce sera juste trop tard".
Mais que Benoit se rassure, s'il avait effectivement vu juste en constatant les talus devant chez lui, le projet a été refusé, comme l'indique Gery Primosig, de la direction extérieure des permis et autorisations du SPW. "Il y avait un projet effectivement, mais il a été refusé. En effet, les éventuelles futures éoliennes auraient été trop proches des habitations".
Des règles strictes pour leurs installations
Pour installer des éoliennes, il ne suffit pas de trouver un terrain qui a l'air libre. En effet, les règles à suivre pour leurs constructions sont claires et elles n'ont pas été respectées dans le cadre du projet qui avait lieu derrière la maison de Benoit.
Pour qu'un projet d'éolienne soit validé, il faut que l'endroit où elles s'élèveront soit à quatre fois la hauteur de l'éolienne. Pour prendre un exemple, il faudrait qu'une éolienne de 150 mètres de haut soit à 4 fois 150 mètres, soit 600 mètres de l'habitation la plus proche. Or, dans ce cas-ci, les distances minimums n'étaient pas réglementaires. Les cinq éoliennes déjà implantées derrière chez Benoit se situent à minimum 900 mètres de chez lui, la distance est donc respectée.
Le secteur éolien est le secteur le plus confronté à des recours
Mais d'autres règlent doivent également être respectées :
- La nuit, les éoliennes ne peuvent pas dépasser un maximum de 43 dB
- L'effet d'ombre portée des pales ne doit pas être projeté plus de 30 minutes par jour sur une façade de maison
Si ces règles sont respectées et que le projet est validé, l'éolienne pourra voir le jour… en théorie. "Le secteur éolien est celui qui connaît le plus de recours", explique Gery Primosig. "En fait, quand on octroie un permis, c'est souvent un ou plusieurs riverains qui formulent un recours, et quand on refuse un permis, ce sont les exploitants".

Dans les deux cas, ces recours, d'abord chez le ministre, puis au Conseil d'Etat, sont assez frustrants pour le SPW. "Les règles sont toujours respectées. Mais comme une seule personne a le pouvoir de faire un recours et donc de ralentir la procédure, c'est actuellement environ l'équivalent de 500 mégawatts qui sont bloqués en recours, soit l'alimentation potentielle de 400.000 ménages !".
La Flandre "meilleure élève" que la Wallonie
Du côté de la Fédération de l'énergie renouvelable et alternative "Edora", on constate le même problème. "On dénombre environ 500 éoliennes installées en Wallonie, mais plus d'un tiers supplémentaire sont bloqués en recours au Conseil d'Etat", déplore Fawaz Al Bitar, directeur général d'Edora.
Actuellement, les éoliennes produisent 1.915 GWh par an, soit 9 % de la demande annuelle en électricité. L'objectif du gouvernement wallon d'ici 2030 est d'arriver à 6.200 GWh par an, uniquement grâce au système éolien.

"Pourtant, ce sont des projets reconnus comme "de qualité", et la plupart de la majorité silencieuse ne trouve pas de problème à l'installation d'éolienne, mais comme souvent, il suffit d'une personne qui introduise un recours pour que le projet soit stoppé", explique-t-il. Résultat, le Conseil d'Etat se retrouve noyé sous les recours, et les décisions peuvent prendre jusqu'à plusieurs années.
En Wallonie, les anti-éoliens se renseignent davantage
Comme souvent, dans notre pays, le constat est différent au nord du pays. En Flandre, par an, on installe deux fois plus d'éoliennes qu'en Wallonie. "Alors que le territoire est plus petit, et qu'il est plus densément peuplé ! Mais il y a beaucoup moins de recours qui sont portés par les Flamands concernant les éoliennes", explique le directeur général.

(c) Edora - Chiffres sur les éoliennes en Belgique, les recours et les projets
Comment expliquer cette différence ? Pour Fawaz Al Bitar, la solution réside dans l'organisation des "anti-éoliens". "En Wallonie, les "anti-éoliens" se renseignent davantage ou profitent de bons conseils juridiques et essaient d'explorer chaque faille dans un projet pour pouvoir introduire un recours envers un projet éolien".
Pourtant, Edora essaie de rassurer sur les éventuelles nuisances qu'apporterait l'installation d'éoliennes. "Chez nous, les normes de bruit sont plus strictes que les recommandations faites par l'OMS (l'Organisation mondiale de la Santé). De plus, il n'est pas possible d'être "encerclé" par des éoliennes. Si un projet, sur un terrain, voit le jour, les autres projets aux alentours ne pourront pas arriver à leur terme".
Personne ne veut remplacer les centrales nucléaires par des éoliennes uniquement. L’idée est de les remplacer par un mix énergétique : solaire, éolien, géothermique, biomasse, hydraulique.
Eric Hourant