Bruno Colmant était l'invité de Pascal Vrebos ce dimanche sur RTL TVI. Le professeur d'économie à l'UCLouvain et l'ICHEC a partagé ses prévisions pour les années à venir: une crise qui pourrait durer plusieurs années (voir notre article). Il a ensuite indiqué que les responsables politiques connaissaient mal ce genre de situation. L'économiste va plus loin: selon lui, notre système néo-libéral touche à sa fin et le rôle de l'Etat va évoluer.
Pascal Vrebos: Est-ce que vous êtes écouté, entendu? Parce qu'on n'entend pas tellement les politiques avoir ce discours cauchemardesque (ndlr: sur la longue crise prévue par l'économiste).
Bruno Colmant: Ce n'est pas cauchemardesque…
Pascal Vrebos: Quand même, dix ans de crise!
Bruno Colmant: Mais c'est un monde nouveau. Le fait est qu'on a une classe politique qui est jeune, et c'est très bien d'ailleurs. Mais c'est une classe politique qui n'a pas connu les années 70. Dans les années 70 se sont passées beaucoup de choses. Une forte inflation. Des taux d'intérêt qui augmentent, plus que maintenant, mais néanmoins de manière importante. Une vague de chômage. Donc ma génération (ndlr: Bruno Colmant a 60 ans) a connu cette période, a connu les remèdes qui avaient été utilisés. Aujourd'hui, quand on parle d'inflation à 12%, tout le monde a l'impression que c'est anodin, mais ce n'est pas du tout anodin.
Pascal Vrebos: D'un côté il y a les Etats, d'un autre le capital, l'économie libérale de marché. Là aussi, il va y avoir de nouveaux rapports dans les dix ans qui viennent?
Bruno Colmant: Oui, j'en suis certain. Je pense que la vague du néo-libéralisme, qui a commencée en 79-80, s'est terminée il y a deux ou trois ans, et qu'aujourd'hui le rôle de l'Etat va se modifier. Finalement, l'économie de marché a considéré que les Etats n'avaient rien à faire dans l'économie, que tout allait se régler tout seul. Ce n'est pas vrai. On l'a vu lors de la crise du covid par exemple. L'Etat gère des valeurs essentielles. La grande erreur du néo-libéralisme, c'est d'avoir dit "On gère un Etat comme on gère une entreprise". C'est faux. Un Etat gère des valeurs collectives à long terme comme l'éducation ou comme les soins médicaux.
[…]
Pascal Vrebos: La hauteur, la vision à long terme, c'est peut-être ce qui manque le plus dans notre époque de l'immédiateté, de l'instantanéité. Quid du bien-être des jeunes générations. Comment vous voyez l'avenir pour ces jeunes générations par rapport au bien-être que nous nous avons eu?
Bruno Colmant: C'est vrai que nous, on a vécu 40 ans d'une bulle de croissance, d'une bulle de bien-être qui est exceptionnelle à l'aune de l'histoire. Pas de guerre, un enrichissement très important par rapport au taux de croissance de l'économie.
Pascal Vrebos: Mais quid pour ces jeunes générations?
Bruno Colmant: Moi j'ai une fille qui va avoir 22 ans dans quelques jours. Je pense que toute décision politique, aussi infime soit-elle, doit être absolument subordonnée au bien-être des futures générations. On ne peut plus, à nos âges, dans notre niveau de conscience, mettre les problèmes sous le tapis. Sinon on va tellement en avoir que le tapis va être un tapis volant. Par la force des choses, il faut se dire qu'on doit entre guillemets se sacrifier moralement pour ces futures générations.
Pascal Vrebos: Se sacrifier moralement et financièrement?
Bruno Colmant: Bien sûr. Parce que nous avons le devoir de financer la transition climatique au profit de ceux qui vont nous suivre. On n'a pas le droit de vivre dans le déni, dans l'égoïsme, de la poursuite de l'humanité.
Pascal Vrebos: Pour l'instant, on ne voit rien venir.
Bruno Colmant: C'est bien dommage parce que cette prise de conscience n'est pas encore là. C'est pour ça qu'il faut évangéliser.
