Un hémicycle gonflé à bloc, quelques huées et invectives, pour un discours axé sur le "compromis" : c'est l'ambiance des grands jours mercredi à l'Assemblée nationale pour la déclaration de politique générale d'Elisabeth Borne.
Au moment du grand oral de 15H00, les places se font chères dans les tribunes, avec plusieurs centaines de journalistes présents.
Pour la première fois classés par formation politique dans l'hémicycle, les députés - rarement masqués alors que les contaminations au Covid remontent en flèche - cherchent pour certains leur place à leur arrivée.
Dès les premiers mots de Mme Borne, la majorité est en soutien, mais aucun applaudissement ne retentit côté LFI et RN, et quelques huées se font entendre.
Lorsqu'elle appelle les oppositions à "bâtir ensemble" des "compromis", faute de majorité absolue pour le camp présidentiel, quelques rires fusent.
Quand Mme Borne, veste fuschia sur robe noire, rend hommage aux soignants, les applaudissements nourris de la majorité sont brouillés par des claquements de pupitres et des "hypocrite!" qui fusent du côté de la coalition de gauche Nupes. "Pas de telles manifestations dans l'hémicycle", lance Yaël Braun-Pivet au Perchoir.
La cheffe de gouvernement est parfois interrompue, par exemple par la gauche sur le chômage: "c'est faux", "honte à vous"...
Sur les réseaux sociaux, des critiques émergent.
Avec France Travail, "la France est sauvée", ironise Jean-Philippe Tanguy (RN), tandis que Julien Odoul fustige sur Twitter "une Macronie insipide, déconnectée".
"A côté de ce que nous subissons actuellement, (Jean) Castex était un orateur enflammé! Pitié!!", dit sur la forme l'insoumis Alexis Corbière, qui pointe un "orage de truismes".
Le communiste Fabien Roussel voit, lui, "une ligne rouge franchie" sur les retraites, lorsque Mme Borne dit aux Français qu'ils devront "travailler progressivement un peu plus longtemps".
- "Grand Cabaret" -
En retour, l'élu Renaissance Karl Olive observe qu'"il aura fallu moins de huit minutes aux artistes de LFI pour confondre l’Assemblée nationale avec le Grand Cabaret de Patrick Sébastien". D'autres marcheurs s'émeuvent d'un manque de "respect des institutions".
Pendant une intervention de près de 1h30, la Première ministre fait front. Cette technicienne réputée tenace reconnaît qu'elle ne correspond "peut-être pas au portrait-robot que certains attendaient", et revendique de ne pas avoir "le complexe de la femme providentielle".
Trente et un ans après sa seule prédécesseure Edith Cresson, chahutée et moquée pour sa voix jugée trop fluette, Mme Borne, 61 ans, répète à maintes reprises le mot "ensemble". En gage de cette volonté, elle prend le soin de citer les noms des différents présidents de groupes politiques, à l'exception du RN et de LFI.
Sa déclaration de politique générale n'est pas conclue par un vote de confiance, non sollicité. Faute d'"autre choix" selon eux, l'alliance des gauches Nupes a déposé sa motion de censure, rebaptisée "motion de défiance", une demi-heure avant que Mme Borne ne prenne la parole.
Elle ne sera pas débattue avant vendredi après-midi au plus tôt, et possiblement en début de semaine prochaine, avec très peu de chance d'être adoptée.
En face du Palais Bourbon, des militants insoumis ont organisé à la mi-journée mercredi un petit happening avec une cérémonie de mariage fictive entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, pour dénoncer "l'enterrement du front républicain".

