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En pleine pandémie de coronavirus au Brésil, Nelson Teich n'aura été ministre de la Santé que quatre semaines: il a démissionné vendredi en raison de divergences avec le président Jair Bolsonaro, qui avait limogé son prédécesseur pour les mêmes raisons.
"Le ministre de la Santé, Nelson Teich, a présenté sa démission ce matin", a annoncé le ministère, précisant que M. Teich donnerait une conférence de presse dans l'après-midi, avec "port du masque obligatoire".
Des sources contactées par l'AFP ont ajouté que le ministre, un oncologue de 62 ans, avait démissionné pour "des divergences de vues sur les mesures" de lutte contre le coronavirus avec le gouvernement.
Les désaccords ont apparemment porté sur le traitement du Covid-19 à la chloroquine, dont l'efficacité n'a nullement été prouvée scientifiquement. Le président Bolsonaro a fait pression sur son ministre pour que ce traitement, réservé jusqu'ici aux cas graves, soit appliqué dès le début du traitement.
Dehors, Bolsonaro!
L'annonce de la démission de M. Teich a été accueilie dans certaines villes, comme Rio, par des concerts de casseroles d'habitants criant "Dehors, Bolsonaro!".
Des commentateurs ont rapidement estimé que la chloroquine était "la goutte d'eau" qui avait fait déborder le vase pour Nelson Teich.
La voie était étroite en effet, voire impraticable, pour le ministre de la Santé, face à un président qui a longtemps dénoncé "l'hystérie" contre le coronavirus, cette "petite grippe".
Une situation 15 fois plus grave que celle annoncée par les autorités?
Jair Bolsonaro fustige quotidiennement les mesures de confinement prises par les gouverneurs de très nombreux Etats, notamment ceux de Sao Paulo et de Rio de Janeiro, les plus touchés du Brésil.
Pendant ce temps, la courbe des contaminations continue de progresser de manière alarmante dans le pays de 210 millions d'habitants, avec près de 14.000 décès pour plus de 200.000 cas confirmés et un pic prévu seulement en juin.
Des chiffres - officiels - qui en réalité sont au moins 15 fois plus élevés, avertissent des scientifiques dans ce pays qui pratique très peu de tests.
Un ministre moins médiatique
Nelson Teich avait remplacé le 17 avril le populaire ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta, également médecin de formation, limogé par Jair Bolsonaro après une succession de divergences de fond, affichées au grand jour, dans la lutte anticoronavirus.
M. Teich aura tenu moins d'un mois à la tête du ministère de la Santé. A son arrivée, il avait affirmé son "alignement total" avec le président, créant une certaine perplexité.
Largement moins médiatique que son prédécesseur, on l'a peu entendu et il n'a jamais annoncé de programme spécifique de lutte contre la pandémie, alors que chaque soir tombaient les chiffres de plus en plus élevés de la progression du Covid-19 au Brésil.
Relation difficile avec le président, comme son prédécesseur
Il a également subi des camouflets, comme la publication, sans qu'il en ait été informé, par le président Jair Bolsonaro d'un décret la semaine dernière incluant dans "les activités essentielles" devant rester ouvertes les salons de coiffure et de beauté ainsi que les salles de musculation.
Le président brésilien a systématiquement mis des bâtons dans les roues de ses deux ministres successifs de la Santé, encourageant ouvertement les cortèges bruyants de manifestants qui protestent dans la capitale Brasilia ou à Rio de Janeiro contre le confinement.
Il a aussi beaucoup choqué de nombreux Brésiliens en faisant du jet-ski, de l'entraînement au tir ou des barbecues alors que le coronavirus amenait les hôpitaux de Sao Paulo, Rio ou des Etats du Nord et du Nord-est au bord de la saturation, avec des personnels médicaux totalement débordés.
Le départ du ministre de la Santé jette une lumière crue sur la cacophonie régnant au sein du gouvernement, qui déboussole les Brésiliens, et sur les profondes divisions politiques qui entravent la lutte contre la pandémie.
Jeudi, Jair Bolsonaro a demandé à des entrepreneurs de "frapper fort" contre le gouverneur Joao Doria, qui a décrété le confinement contre le coronavirus dans son Etat de Sao Paulo, locomotive économique mais qui concentre près d'un tiers des morts du pays. "C'est la guerre. C'est le Brésil qui est en jeu", a-t-il lancé.